Algérie - Sujets chauds

Maghreb - Imed Daïmi, secrétaire général du CPR de l’ex-président Moncef Marzouki “Il y a, en Tunisie, une tentation d’un retour aux pratiques de l’ancien régime”




Maghreb - Imed Daïmi, secrétaire général du CPR de l’ex-président Moncef Marzouki  “Il y a, en Tunisie, une tentation d’un retour aux pratiques de l’ancien régime”




Le secrétaire général du Congrès pour la république (CPR), parti de l’ex-président Moncef Marzouki, Imed Daïmi, revient dans cet entretien sur plusieurs questions.

- Liberté: Peut-on connaître l’objet de votre visite en Algérie?

Imed Daïmi: Je suis venu en Algérie pour répondre à une invitation, tisser des relations et échanger avec des députés, des hommes politiques, pour rencontrer les médias et pour mieux connaître la situation en Algérie. En tant que député, je considère que la diplomatie parlementaire est la mieux indiquée pour renforcer les relations très fortes entre l’Algérie et la Tunisie. En tant que SG d’un parti politique d’opposition, je considère que les relations entre l’Algérie et la Tunisie sont trop importantes pour les laisser uniquement entre les mains du parti au pouvoir. Nous sommes concernés par l’amélioration de ces relations et les échanges avec nos frères en Algérie. En outre, je suis député de la zone frontalière avec la Libye, je considère que cela touche la sécurité de la Tunisie et celle de l’Algérie. Nous partageons la même vision pour une solution en Libye et aider le dialogue interlibyen, donc, du coup, je suis venu pour présenter des idées et essayer d’avoir des contacts dans ce sens-là.

- Au-delà de la diplomatie parlementaire, comment évaluez-vous la coopération entre les deux pays, notamment sur le plan sécuritaire?

Ayant été au pouvoir durant le règne de la troïka, je peux témoigner de la coopération très étroite entre les forces armées algériennes et tunisiennes pour combattre le fléau du terrorisme qui est considéré comme un danger pour nos deux pays et un challenge commun. Cette coopération s’améliore de jour en jour, et en Tunisie, nous comptons beaucoup sur l’aide de l’Algérie. L’armée tunisienne n’avait pas les moyens pendant la période de la dictature. Elle a été très marginalisée, et donc, après la révolution, elle dispose de plus en plus de moyens, mais on compte beaucoup sur l’expérience algérienne pour combattre le fléau terroriste. La coopération doit être exemplaire.

- Comment évaluez-vous la situation interne en Tunisie? Le président Essebsi est-il en train de faire ce qu’il faut?

En fait, je fais partie de l’opposition tunisienne, je suis un responsable qui cherche l’intérêt de la Tunisie avant les intérêts partisans. Donc, sur tout ce qui peut consolider la stabilité et la sécurité de nos frontières, nous sommes tout à fait d’accord. Et nous ne voulons pas que cela entre dans les débats et les conflits politiciens. Du coup, ce qui nous intéresse le plus, c’est de réussir à mettre fin au danger terroriste. Cela exige une bonne relation, une meilleure coopération avec l’Algérie. En ce qui concerne la situation interne, beaucoup de Tunisiens attendaient les élections pour stabiliser le pays et pour mettre le cap sur le grand chantier des réformes économiques et sociales pour améliorer leur quotidien. Malheureusement, ces élections n’ont pas apporté la stabilité attendue et les promesses qui ont été faites de façon irrationnelle pendant la campagne électorale n’ont pas été tenues. Nous sommes dans une situation où le gouvernement a dépassé la période de grâce et il est actuellement face à l’attente des Tunisiens. Il y a des craintes sur la stabilité politique de la Tunisie, surtout que la coalition au pouvoir n’a pas vraiment l’harmonie nécessaire pour pouvoir gérer le pays dans cette phase très sensible.

- Le mouvement du peuple des citoyens lancé par Marzouki s’inscrit-il dans l’esprit de porter les valeurs de la révolution?

Tout à fait. Tout d’abord, il s’agit d’une mouvance et non d’un parti. Un projet porté par Marzouki, non pas dans l’objectif de réaliser une ambition personnelle, d’autant qu’il a été président, ni dans une logique de revanche ou de retour à la présidence, mais plutôt pour défendre les acquis de cette phase transitoire, constitutionnelle, des acquis de la liberté. C’est une initiative également dans la mise en place de toutes les conditions pour un vrai changement de société qui n’a pas eu lieu après la révolution, une révolution qui a connu le changement de classe politique, mais pas de la mentalité des Tunisiens. Donc, le Dr Marzouki part de ce constat-là et considère que le projet que nous devons défendre est celui, à long terme, qui conduira au changement des mentalités pour consacrer les valeurs du travail, de l’entraide, du sacrifice. Cette mouvance-là va se manifester en plusieurs axes de travail : un premier, politique, qui a commencé par une concertation entre notre parti, le CPR, et d’autres forces politiques et personnalités indépendantes pour créer une force politique majeure capable de proposer des initiatives et une alternative pour l’avenir et capable également de se présenter dans les prochaines échéances électorales. Deuxième axe : avec la société civile pour tisser un réseau d’associations pour combattre la pauvreté et mettre en place une économie sociale et solidaire. Et enfin, un troisième, pour changer les mentalités et les idées. Donc, vous voyez, il y a plusieurs niveaux. L’objectif ultime est de changer la société tunisienne. La révolution a apporté une petite partie de ce changement, mais un grand travail reste à faire.


- Vous parlez d’associer toutes les forces. Même les islamistes?

Si vous parlez d’Ennahdha, il est aujourd’hui dans la coalition gouvernementale. Il a choisi de soutenir un programme de droite libérale qui aura des conséquences sur le niveau de vie des Tunisiens. Nous considérons donc qu’il a choisi d’être dans une coalition d’intérêts, mais pas de conviction. Du coup, on ne s’adresse pas à Ennahdha pour participer à cette mouvance, mais à tous les Tunisiens qui partagent avec nous ces valeurs-là et qui veulent une politique économique et sociale soucieuse de la prospérité des classes moyennes et des plus défavorisées. Donc, nous tendons la main à toutes les forces qui se déclarent dans la famille sociodémocrate et qui veulent participer aux changements des mentalités et qui sont contre le retour de l’ancien régime et surtout de ses pratiques.
Puisque la coalition gouvernementale actuelle n’a pas réussi à mettre fin, ni n’a la volonté de combattre le retour de l’ancien régime surtout au niveau des pratiques, des désignations, de l’omniprésence, de l’hégémonie de certains lobbies, etc., donc, on s’adresse aux gens hostiles au retour de ces pratiques-là. On considère cette mouvance porteuse d’espoir de changement pour les Tunisiens loin des idéologies, des conflits politiciens qui n’ont pas de relations avec les besoins des Tunisiens.

- Comment évaluez-vous l’expérience de la cohabitation avec les islamistes?

Il y a des acquis et des points négatifs. On a réussi à sauvegarder l’expérience démocratique tunisienne, l’expérience de la transition puisque on a réussi à éviter une interruption du processus démocratique. On a réussi à produire une Constitution parmi les plus progressistes dans toute la région. C’est un acquis considérable d’une coalition de responsabilité. Ce n’était pas un choix idéologique, c’était un choix difficile qui nous a causé beaucoup de problèmes internes dans notre parti. Mais la phase de transition nécessitait le concours des efforts de tous et on a fait appel à cette époque à beaucoup de partis mais qui ont refusé. Mais nous, nous avons assumé nos responsabilités. De l’autre côté, il y a des points négatifs. On ne devait pas laisser Ennahdha prendre seul le pouvoir surtout au gouvernement. On a participé avec trois ministres. Mais on a assumé l’échec du gouvernement dans beaucoup de volets. Notre erreur était de laisser Ennahdha hégémonique.

- Comment voyez-vous l’avenir démocratique?

On est dans une phase très délicate, dans une situation assez fragile. Le processus démocratique tunisien passe par cette phase de manque d’harmonie dans la coalition au pouvoir. Nous avons devant nous beaucoup de défis, sécuritaires, économiques et sociaux. La Tunisie n’a pas beaucoup de ressources, elle est obligée d’aller chercher des crédits sur le marché international avec des conditions très difficiles. On traverse des difficultés qui nécessitent qu’on transcende ces clivages entre pouvoir et opposition, le clivage idéologique et politique.
On est prêts, en tant que parti d’opposition responsable, à jouer notre rôle dans cette phase délicate, mais l’avenir de la Tunisie est lié, essentiellement, au comportement de cette coalition gouvernementale. On a remarqué une tentation pour le retour aux pratiques de l’ancien régime. Si cette tentation se manifeste de façon plus forte et s’il y a la moindre tentative de toucher aux libertés acquises, on va entrer dans une phase d’instabilité, ce qui risque de déstabiliser le pays mais surtout de lui faire perdre tous ses acquis.
On espère qu’avec notre société civile, éveillée qu’elle est, l’attachement des Tunisiens aux libertés ne laissera aucune dérive au niveau du gouvernement. La Tunisie a besoin de toutes les forces vives pour s’attaquer aux défis majeurs et de la coopération de l’Algérie pour stabiliser la Libye. On considère qu’il y a tellement de défis qu’on ne peut pas les résoudre seuls. C’est dans le cadre maghrébin.

K. K.



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