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D'abord pourquoi les dirigeants arabes feignent-ils l'indignation après ce que vient de décider le Président américain ' Ensuite, dans quel but actionnent-ils le moulin à émotions, au nom de l'œcuménisme religieux d'El-Qods, alors qu'ils n'avaient, à aucun moment, ignoré que les USA, parrains indiscutables d'Israël, finiraient un jour où l'autre, par piétiner, sans la précaution d'usage, la résolution onusienne qui donna à la cité sainte une double appartenance ' Celle de palestinienne à l'Est et israélienne à l'Ouest. Or, même ce vertueux compromis, qui, jusque-là , ne se justifie que par des considérations religieuses, n'est en réalité opératoire que dans un Moyen-Orient pacifié avec deux Etats et une cité doublement capitale, du moins symboliquement. Or, le moins que l'on puisse constater est que les Palestiniens vivent toujours dans certaines terres mais pas dans un Etat unifié. Une situation contraire à toutes les normes admises et qui condamne ce peuple à des oppressions inimaginables de la part d'un sionisme fascisant qui les chasse des territoires ancestraux par le biais des colonies de Kibboutzim.
D'ailleurs, en 1983 déjà , un universitaire libano-américain allait soumettre à la question cette problématique singulière du cas de Jérusalem tout en mettant en perspective les louvoiements de Washington qui furent chaque fois autant de dénis aux revendications palestiniennes. «Il est douloureux, écrivait-il, de dire que le doute des Arabes à propos des Etats-Unis n'est plus de savoir s'ils sont impartiaux ou non. (”?) La question qui se pose à eux est de savoir si les USA sont structurellement capables d'être équitables dans la résolution du problème palestinien et globalement du conflit arabo-israélien. Personne ne demande aux Etats-Unis de choisir entre Israël et les Arabes. Mais tout Palestinien, tout Arabe est, par contre, en droit de leur demander ceci : l'appui que vous accordez va-t-il à l'Etat d'Israël ou à l'empire d'Eretz-Israël '»(1)
L'interpellation est majeure car elle touche à l'aspect caché du soutien américain. Celui qui cautionne sans limites l'expansionnisme de l'idéologie sioniste. Etonnemment, Trump n'a que peu dérogé aux règles auxquelles furent soumis également ses prédécesseurs. Certes, il a fait preuve d'un manque flagrant de diplomatie lors de sa transgression sur une question émotionnelle sensible au Moyen-Orient. Seulement, il s'était auparavant rassuré quant aux comportements qu'allaient adopter les dirigeants arabes. Convaincu par les analyses israéliennes que l'espace arabe est en pleine décomposition pour pouvoir s'opposer en front uni à ce hold-up historique, il décidera rapidement d'exploiter le contexte régional pour requinquer sa notoriété auprès de réseaux médiatiques acquis à l'internationale sioniste. Tirant ainsi profit du fait que «la cause palestinienne a perdu de sa centralité géopolitique», comme le notait ces derniers jours un politologue(2), Israël parvint à créer une opportunité stratégique susceptible de faire réagir Washington dans le sens qu'il souhaitait. Dès l'instant où Tel-Aviv eu la certitude que le récent Président américain était sous la bonne influence des lobbys pro-israéliens, ses dirigeants prirent la décision de lui proposer le fameux scénario de Jérusalem afin qu'il le mette en scène. Selon certains observateurs, l'opération se décida dès le retour de son voyage en Arabie Saoudite. En effet, ce sont les «contacts» de Riyad qui lui certifièrent que le palais ferait le «dos rond» dans cette éventualité. Il est vrai que la monarchie de Riyad est, elle-même, aux abois pour s'impliquer dans une quelconque campagne autre que l'affaiblissement de l'Iran et cela, quitte à passer sous les fourches caudines de la puissance militaire d'Israël en contrepartie d'une neutralité discrète sur l'accaparement de la totalité de la «cité d'or». Trump jouait donc sur du velours quand on le disait impulsif. Seulement l'humiliation diplomatique qu'il vient d'infliger au monde musulman eut tout de même quelques répercussions négatives dans les capitales européennes. Celles qui récusèrent un unilatéralisme américain piétinant le droit international ne sont en vérité que de reproches amicaux pour n'avoir pas été mis au parfum avant de rendre publique sa décision. C'est dire que leurs dénonciations sont de pure forme et seront vite oubliées dès que retombera la vague de manifestations de rue dans l'espace arabo-islamique. Grâce au lobbying sioniste, puissamment actif aussi bien en France qu'aux Etats-Unis, Israël ne sera pas de sitèt mis au ban des nations et de surcroît moins contraint de s'asseoir au banc des accusés au sujet des traques mortelles des «arabouches» de Ghaza, cet équivalent des ratonnades» que les Algériens connurent sous la colonisation. Seul pays au monde à être considéré en «état de légitime défense permanent», quand d'autres sont violemment qualifiés «d'Etats voyous», Israël exploite sans vergogne cette impunité insupportable. Un viatique lui permettant d'agir en dehors du droit international et de redessiner ses frontières selon ses stricts besoins. Or, la communauté internationale possède avec Israël, l'exemple même de l'Etat voyou sauf que celui-ci bénéficie de la bienveillance du Conseil de sécurité qui en fit d'Israël un Etat «au-dessus des lois», à ne pas confondre avec les Etats «hors-la-loi». Dans tout cela, la responsabilité des Etats-Unis est accablante. Elle l'est à la fois comme leader du monde et surtout comme le parrain, au sens mafieux du terme, de la construction d'un Israël passé de foyer juif» avant 1948 à la puissance territoriale de 1967 au détriment des populations et des nations du Proche-Orient. Multipliant les procédés discriminatoires au profit de Tel-Aviv, l'Amérique épuisera la patience des régimes arabes qui, pour la plupart, se convertiront à un drèle de «réalisme». Celui d'une risible paix, mais armée pour Israël exclusivement ! Une attitude proche de la reddition morale à laquelle l'Occident dans son ensemble refusa d'accorder le moindre intérêt en tant que porte ouverte sur de réels accords. Il est vrai que le bellicisme d'Israël constituait le seul moteur de son lobbying politique et dans le même temps le carburant du conditionnement médiatique. En 40 années de concessions (depuis le discours de Sadate à la Knesset en 1977), les Arabes n'ont fait que collectionner les ressentiments des échecs tout au long des Intifada du désespoir au cours desquelles des centaines de jeunes Palestiniens s'étaient fait flinguer par Tsahal. C'est dire qu'une si lointaine proposition de paix et une si limpide reconnaissance ne suffisait pas à cette théocratie hyper-militarisée que l'on présente pourtant comme la seule démocratie dans la région ! Or, comment cela a-t-il été possible, se demande-t-on 70 ans plus tard. La réponse tient en un mot désignant une idéologie : le sionisme. Celui qui s'était fixé comme objectif de «transformer la Palestine en Eretz-Israël» en procédant à l'évincement systématique du peuple palestinien. L'appropriation d'El-Qods préconisée par Trump répond exactement mot pour mot au concept fondateur. Celui de faire en sorte que les «Palestiniens deviennent étrangers à leur propre pays», ce qui veut dire les spolier de leur ville sainte en urbanisant autour de celle-ci le moindre arpent de terre que l'on attribuerait, par la suite, aux seuls Hébreux. En préparant de la sorte l'ultime exode des Palestiniens, Israël et Etats-Unis s'apprêtent à réactiver un intégrisme violent qui sera le géniteur d'autres Daesh et multipliera les franchises du terrorisme international. Trump et Netanyahu ont certainement pris le risque d'appuyer sur le mauvais bouton dans un Moyen-Orient assis sur un volcan.
B. H.
1) Conférence, datant de 1983, de Walid-Khalidi, alors professeur à l'Université américaine de Beyrouth.
2) Se référer à l'interview du politologue Sami Aoun parue dans le quotidien Liberté du 10 décembre 2017.


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