Algérie - A la une

"Les vraies réformes ne sont pas dans l'agenda du pouvoir"




Le spécialiste des questions économiques et financières souligne dans l'entretien qui suit que la diversification de l'économie évoquée par le cabinet Ouyahia attendra que les cours du pétrole se redressent autour de 80 dollars.Liberté : Comment analysez-vous le tableau des réformes économiques et financières que veut proposer l'actuel gouvernement sur cinq ans, dans le cadre du financement non conventionnel que vous n'appréciez pas '
Mourad Goumiri : Il ne s'agit pas d'aimer ou pas, mais de mesurer la cohérence globale, de vérifier la possibilité de mise en ?uvre des réformes. L'actuel gouvernement déclare avoir besoin de liquidités pour boucler ses fins de mois. Mais, lorsque le Premier ministre s'adresse au pouvoir législatif (les deux chambres du Parlement), il avoue ne pas avoir une évaluation quantitative des besoins qu'il réclame... Il faut le faire ! En fait, il demande un chèque en blanc sur deux ans (l'échéance présidentielle d'avril 2019) pour puiser autant qu'il veut de signes monétaires via l'instrument du financement non conventionnel, puisque le FRR est épuisé... Seul le maintien au pouvoir compte, l'assainissement de l'économie et la construction d'un appareil économique moderne qui soit en mesure de prendre en charge cette formidable demande intérieure ne sont pas dans l'agenda du pouvoir actuel.
Justement, combien d'argent l'Etat espère-t-il avoir, en ces temps difficiles, pour faire avancer la diversification de l'économie nationale '
C'est une question juste et une bonne question ; quel volume de liquidités faut-il fournir à l'économie ' Le gouvernement ne le sait pas ! Ce qu'il veut, en réalité, c'est obtenir le pouvoir de puiser autant de ressources qu'il veut, quand il le veut, c'est unique dans les annales des finances publiques au monde. Pourtant, les comptes publics de l'Etat font l'objet d'un suivi constant par le Trésor public et ses services extérieurs, il suffit pour le gouvernement d'afficher sa politique budgétaire et de prendre les mesures classiques, -forcément impopulaires-, usitées partout dans le monde, dans le but d'atteindre aussi rapidement que possible les équilibres budgétaires. Or, l'Exécutif ne veut pas et ne peut pas faire cela, de peur que la rue ne réagisse et mette en difficulté la pérennité du gouvernement ...Ce dernier, utilise, dès lors, sa "Rokia" monétaire pour donner l'illusion d'une solution monétaire et financière afin de pouvoir traverser cette période difficile et cruciale et, par là même, se maintenir au pouvoir et continuer à jouir de tous les privilèges passés, présents et futurs, sans avoir à rendre compte de sa gouvernance à quiconque. Quant à la diversification de l'économie, elle attendra que les cours du Brent remontent autour de
80 dollars le baril, inch'Allah ! D'ici là, une autre désignation élective présidentielle viendra clôturer le débat politique jusqu'au jour où la masse critique du mécontentement rencontrera une étincelle sociale et suivra une explosion qui nous conduira tout droit vers le chaos.
Comment voyez-vous les perspectives financières du pays '
Le refus de l'endettement extérieur n'est pas dû à un problème de souveraineté contrairement à ce que déclare le gouvernement. D'ailleurs, un pays qui pour se nourrir dépend des agriculteurs étrangers, peut-il encore parler de souveraineté' En fait, l'endettement extérieur conduit inévitablement à une plus grande transparence dans les opérations économiques et financières, ce qui, inévitablement, contrecarre la prédation organisée dans notre pays. Il ne faut pas oublier que la corruption, dans le pays, atteint des niveaux jamais égalés et qu'elle est entrée dans le calcul économique comme une catégorie normalisée. Les perspectives financières du pays vont forcément induire des réajustements drastiques qu'aucune résilience sociétale ne peut contenir, puisque les relais sociétaux ont été détruits ou domestiqués, ce qui revient au même. Il est donc à craindre que la seule variable d'ajustement susceptible de rééquilibrer notre économie soit une intervention violente et autoritaire qui, si elle n'est pas contrôlée, risque de nous mener vers l'inconnu.
Entretien réalisé par : Youcef Salami
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