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"Les territoires palestiniens sont au bord de l'explosion"



Politologue suisse et algérien spécialiste du monde arabe, Hasni Abidi, est directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen à Genève. Il enseigne au Global Studies Institute de l'Université de Genève et est chercheur invité à Paris Panthéon-Sorbonne. Dans cet entretien, il revient sur les enjeux des derniers développements que connaît la scène palestinienne, notamment de l'escalade de la violence et des perspectives.Liberté : Le conflit israélo-palestinien connaît un regain de tension qui s'est matérialisé par des centaines de blessés en majorité des Palestiniens. Qu'est-ce qui explique cette subite escalade '
Hasni Abidi : Plusieurs éléments sont à l'origine de cette escalade. Le point culminant réside dans un plan méthodique pour effacer toute référence arabe, islamique et chrétienne dans Jérusalem-Est. Mais aussi un changement démographique par la force. C'est la mémoire palestinienne qui est visée. Les provocations quotidiennes, les expulsions forcées d'habitants du quartier Shaikh Al-Jarrah et les violations répétées de l'esplanade des Mosquées par les extrémistes juifs soutenus par les forces de l'ordre ont créé un sentiment d'injustice et d'humiliation. Enfin, le refus des Israéliens d'autoriser des élections à Jérusalem-Est est perçu comme une autre humiliation par les Palestiniens désireux de se doter de nouvelles instances démocratiques et s'exprimer sur leur projet politique.
Etait-elle évitable, selon vous '
La communauté internationale s'est détournée du conflit. Elle s'est dérobée de ses responsabilités en laissant un grand boulevard à Netanyahou. Le chef du gouvernement sortant s'inscrit dans une configuration dominée par l'extrême droite et les ultras religieux qui exigent l'annulation des droits des Palestiniens.
La "cause" palestinienne est abandonnée peu à peu par certains pays arabes qui ont normalisé leurs relations avec l'Etat hébreu. Cette normalisation n'a-t-elle pas alimenté le sentiment d'abandon, et le désir d'entretenir la flamme de la résistance chez le peuple palestinien '
La cause palestinienne a certes perdu sa centralité auprès des Etats arabes. Les régimes ont tout fait pour verrouiller tous les espaces de contestation y compris manifester un soutien aux Palestiniens. La dernière vague de normalisation sponsorisée par Trump a marginalisé la question palestinienne dans les préoccupations locales au nom de l'intérêt national des Etats qui ont pactisé avec Tel Aviv. C'est justement le pari israélien : couper le lien entre les Etats arabes et les droits palestiniens. L'autorité palestinienne est désormais, contenue par la force de l'occupant, tributaire des aides qui ne viennent pas et privée de soutien politique et diplomatique des "frères arabes".
Sommes-nous face à une nouvelle intifada ' Pensez-vous que cela est possible au vu de la situation actuelle '
Les territoires palestiniens sont au bord de l'explosion. La poursuite des attaques sur Gaza et la mort de civils vont être un élément décisif dans les nouvelles mobilisations. Le contexte a évolué et les moyens de résistance ont changé.
Les cailloux ont fait leur temps. Ils laissent la place à des missiles. Le soutien militaire immédiat des fractions palestiniennes de Gaza à la résistance des habitants de Jérusalem est probablement une nouvelle forme d'intifada.
Comment voyez-vous la fin de cette nouvelle escalade ' Une relance de la solution politique ou la poursuite du statut quo ' Et quel rôle peut avoir l'administration Biden '
Netanyahou se plaît dans le rôle du général. Il est dans un contexte post électoral transformé en une deuxième campagne électorale pour se profiler en tant le meilleur garant de la défense et la sécurité d'Israël. Il n'est pas pressé de clore ce chapitre sans faire des gains politiques.
Les médiations arabes de l'Egypte et du Qatar sont suspendues au feu vert du gouvernement israélien pour une pause, le temps de reprendre un jour.
La solution politique basée sur le respect de la légalité internationale et sur le droit international est évacuée par Israël.
Biden, serait-il prêt à engager un bras de fer avec Israël ' Le cafouillage de la première réaction de son administration n'est pas rassurant.

Entretien réalisé par : Amar RAFA
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