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Les petits bonheurs du jeudi


Les petits bonheurs du jeudi
On dit de lui qu'il peut tirer une fortune du néant, mais la fortune n'est pas vraiment son obsession. Alors, il tire de tout et de rien ce qu'il veut bien tirer. Il se débrouille pour vivre au jour le jour. De petits bonheurs simples dont il profite avant la prochaine traversée du désert.Parce que lui sait qu'il n'est pas à l'abri des tempêtes, ce sont les autres qui pensent que rien de bien grave ne peut lui arriver. Saïd ne se prend jamais au sérieux mais il sait qu'il y a des choses? sérieuses dans la vie. Dans son entourage, tout le monde s'est demandé un jour comment, avec autant d'idées et autant d'efficacité dans leur concrétisation, Saïd n'avait pas prospéré.Mais lui, il y a des questions qu'il ne se pose pas. Et quand on le lui demande, sur le ton du reproche affectueux ou carrément de la leçon de morale, il répond qu'il ne sait pas, et quand quelqu'un insiste, il avait sa formule expéditive : arrêtez de me prendre au sérieux et tout ira bien ! Un jour que Saïd était sans le sou, il est allé voir son vieux cousin qui possédait quelques moutons pour lui demander de lui en vendre un.Ils se sont rapidement mis d'accord sur le prix, puis Saïd lui avait demandé s'il pouvait le payer quelques jours après, chose que le vieil homme avait accepté de bon coeur, Saïd étant un homme de confiance infaillible. Il lui remet donc la bête et le lendemain, jour de marché hebdomadaire, Saïd s'est levé à l'aube et a emmené le mouton discrètement pour le vendre. Le soir venu, il s'est présenté chez le cousin pour lui dire qu'il était venu lui régler l'achat de son mouton. Etonné qu'il soit si pressé de le rembourser, Saïd lui dit : tu vois, tonton, j'étais en difficulté et j'avais besoin de quelques sous pour me dépanner. J'aurais pu te les emprunter, je sais que tu n'aurais pas refusé, mais je t'ai acheté la bête et je l'ai revendue avec un petit bénéfice que je vais d'ailleurs partager avec toi. Surpris et ému, le vieux refuse et insiste pour prendre juste son dû.Mais avant de revenir de sa surprise, Saïd lui avait déjà glissé l'argent dans la poche et s'est éloigné.Saïd est aussi voyageur. Une fois, il s'est retrouvé dans une grande ville de l'est du pays, à voir un «autre pan du ciel» comme il aimait dire. Il avait rapidement épuisé son petit pécule, il n'avait même plus de quoi acheter le billet de bus du retour mais il en avait vu d'autres. Il en fallait beaucoup plus pour le stresser.Saïd est allé voir un grossiste en cacahuètes et lui dit la stricte vérité, avant de lui demander de lui vendre un sac de ses arachides qu'il se proposait de lui régler après l'avoir vendu au détail. Le brave marchand, impressionné par la dignité du jeune homme, accepte, mais pour éviter toute déception, il exige de lui de laisser sa carte d'identité, chose que Saïd avait accepté sans rechigner. Il prend donc le sac de cacahuètes sur le dos et va s'installer sur un trottoir, après avoir fabriqué de petits cornets avec du papier récupéré çà et là.Astucieux, Saïd avait aussi cueilli quelques fleurs du jardin de la ville et des haies débordantes des maisons, avec lesquelles il avait décoré son bout de trottoir. Les passants, n'ayant jamais vu un tel décor, se sont rués sur ses cacahuètes et en quelques heures, le sac était déjà épuisé. Quand il est allé chez le vieux grossiste pour payer et récupérer ses papiers, ce dernier était tellement impressionné et reconnaissant qu'il lui propose de lui en vendre encore, sans garder ses papiers. Mais Saïd avait déjà déposé l'argent sur le comptoir, remis sa carte dans la poche et s'était éloigné en remerciant.




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