Algérie - A la une

Les paniers à 'ufs
La classe politique algérienne a horreur des engagements clairs et des positions tranchées. Elle ne se hasarde jamais à exprimer la moindre opinion sans y mettre des «mais», des «sauf que» et des «peut-être». Jamais totalement sûrs de leurs choix, les hommes comme les structures partisanes aiment nager entre deux ou plusieurs eaux. Ils passent pour des maîtres dans l'art de dire la chose et son contraire, avec l'arrière-pensée de gagner les faveurs des «pour» et des «contre». On veut tout prendre : le beurre et l'argent du beurre. La position ambiguë du MSP en claquant avec fracas la porte de l'Alliance présidentielle, tout en maintenant ses ministres en poste, est à ce propos assez caractéristique. Le parti d'Aboudjerra Soltani se désolidarise, ainsi, de ses partenaires au pouvoir (RND et FLN), mais sans rejoindre ouvertement les rangs de l'opposition. Vis-à-vis des populations frustrées, il tente maladroitement de se présenter en frondeur qui militerait pour le changement. A l'endroit du pouvoir et de l'administration, il exprime son obéissance en gardant sa place de collaborateur discipliné. La tactique visiblement électoraliste du parti islamiste consiste à mettre tous les échecs et les ratés du gouvernement sur le dos de ses alliés d'hier, sans vraiment rompre les amarres avec les centres de décision. Et, en même temps, il compte se présenter aux élections avec l'étoffe de l'opposant mécontent, dans l'objectif d'améliorer sa présence dans le prochain Parlement. En clair : les disciples de Soltani s'accordent les avantages du pouvoir sans en assumer les responsabilités qui vont avec. A ce jeu de ni blanc ni noir, il n'est pas le seul sur la scène politique algérienne. Toutes les autres formations, une fois aux commandes ou à la périphérie, s'emmêlent sciemment les pinceaux pour mieux brouiller leurs pistes. Le FLN et le RND, principaux acteurs dans l'élaboration de l'agenda des réformes politiques sous la houlette de la commission Bensalah, ne se sont pas pour autant empêchés d'apporter de gros amendements à des propositions qu'ils avaient, eux-mêmes, formulées dans un premier temps. L'«opposition» ayant, dès le départ, boycotté ces consultations. Lors des meetings de campagne, les militants de ces deux partis majoritaires plaident pourtant pour l'approfondissement du processus démocratique, l'alternance, l'émancipation de la femme, le pluralisme, la transparence, la liberté d'expression et d'organisation. Mais dans les faits, ils ont ouvertement réduit la portée des changements entrepris dans ce sens ! Dans un passé récent, des partis, comme le FFS et le RCD, fervents défenseurs de la culture et de la langue amazighes, ont bruyamment boycotté la séance parlementaire consacrée à la constitutionnalisation de tamazight comme langue nationale. Les mauvaises langues avaient, alors, justifié cette volte-face par l'usage de cette question fondamentale comme fonds de commerce électoral. Des exemples comme ceux-là sont légion. Essentiellement électoralistes, les partis politiques algériens ne mettent jamais leurs 'ufs dans un seul panier au risque de tout perdre. Se souciant trop de leur place dans les appareils de l'Etat, ils font peu cas des valeurs qui sont théoriquement les leurs, quitte à piétiner l'éthique et la déontologie politiques. Au bout du compte, tout le problème se résume à cela. Ne croyant plus aux fausses promesses des politiques, les Algériens empruntent d'autres chemins pour régler leurs problèmes. Ils descendent directement dans la rue, car leurs représentants ne s'acquittent plus correctement de leurs tâches.
K. A.
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