Sidi-Belabbès - Monts du Tessala	(Commune de Tessala, Wilaya de Sidi Bel Abbes)


Les Monts du Tessala (Chaînes sud-telliennes d'Oranie)
Morphologie des. Monts Tessala. Paris, S.E.D.E.S., in-8°, 351 p., 73 fig., XX pi. photo, et 8 pi. de coupes h. t. Les Montsi Tessala sont une des chaînes importantes de l'Atlas tellien d'Algérie au Sud et au Sud-Ouest d'Oran. Allongés sur une centaine de kilomètres entre la basse Tafna et l'oued Tlelat, ils se dressent au-dessus des collines d'Ain Temouchent et de la plaine de la Sebkha d'Oran (la Mléta) au Nord, le cours du bas Isser et la plaine de Sidi-bel-Abbès au Sud. Ils donnent des reliefs assez modestes, de 500 à 1000 mètres d'altitude, où les formes molles et aplanies de la plupart des sommets et des croupes contrastent avec la jeunesse de certaines vallées et les éboulements et les ravinements de certains versants. La structure plissée ne semble guère révélée que par la direction d'ensemble du massif et celle des principales lignes de faîte. C'est à l'Est du djebel Tessala, le point culminant (1061 m.), que la chaîne présente l'aspect le plus montagneux. Etroite et bien dégagée au-dessus des plaines de la Mléta et de Sidi-bel-Abbès, elle est morcelée par de nombreuses rivières qui se sont facilement enfoncées dans la masse peu résistante de marnes, d'argiles, de schistes et de grès du Crétacé et de l'Eocène. Le pic de calcaire jurassique du Tafaraoui pointe au-dessus de ces terrains. Au Sud-Ouest le Trias intrusif est riche en gypse et en sel. La couverture néogène, discordante et faiblement plissée, plonge sous les alluvions des plaines encadrantes. Le Tessala occidental étale plus largement ses collines plus modestes (5 à 800 m.). Ses terrains, presque tous éogènes, offrent assez peu de résistance sauf les calcaires et les poudingues du Lut et i en. Les surfaces nivelées s'y étendent plus largement qu'à l'Est. Enfin les Seba Chioukh prolongent le Tessala proprement dit jusqu'à la Tafna; ils forment une seule crête émoussée par des aplaňissements entre 550 et 650 mètres. Leurs terrains éogènes disparaissent au Nord sous de puissantes coulées basaltiques. C'est à cet ensemble montagneux, dont la géologie est encore assez mal connue et dont la morphologie n'a été qu'esquissée par M. R. Tin-


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thoin i que M. J. Pouquet vient de consacrer sa thèse principale, un « essai morphogénétique » (ce mot barbare est-il bien indispensable ?). П s'attache d'abord à dégager les caractères du relief des trois parties qui forment la chaîne du Tessala, insistant à la fois sur les différences et sur les caractères d'ensemble, en particulier sur l'existence « d'une immense surface de maturité déformée, gauchie plutôt, entaillée par des vallées en V ou drainée directement par des oueds qui semblent ne pas avoir eu la force de creuser leur lit » (p. 14).- II faut attendre le Livre II pour avoir des renseignements d'ordre géologique. La méthode, bonne en soi, est ici trop strictement appliquée : bien que « la structure ne semble pas à l'origine des formes essentielles du modelé » (p. 57), quelques données auraient aidé à la lecture des 60 premières pages. Trois chapitres, — « Pétrographie, Tectonique, Les paléoclimats », — nous font savoir du passé ce qui est indispensable à la compréhension du présent, et même un peu plus. L'auteur n'insiste ni sur la discordance post-burdigalienne, ni sur la différence de style de plissement des deux séries de terrains, car il note « la profonde indifférence de la morphologie vis-à-vis de la tectonique pyrénéo-alpine ». Il préfère, avec raison, s'attarder sur les événements récents, depuis le Villafran- chien, et tout particulièrement sur les paléoclimats qui, depuis cette époque, ont présidé aux types d'érosion. Il arrive à cette conclusion que les climats de type tempéré, favorables à une érosion normale, l'ont emporté dans le temps, et que les climats semi-arides semblables à l'actuel « n'ont été que momentanément réalisés » (p. 109). Les deux premiers livres sont en quelque sorte la préparation du IIP qui, sous le titre général « Morphogénèse » , expose et développe les principales vues de l'auteur. On peut les schématiser de la façon suivante. Tous les terrains jusqu'à l'Astien sont nivelés par une surface «majeure», surface d'érosion qui se prolonge en bordure par une surface de remblaiement datée du Villafranchien et que recouvrent les alluvions récentes des plaines. Cette surface aurait été élaborée au cours d'une période de climat frais et humide qui a évolué vers un climat semi-aride (croûte calcaire). Elle a été bombée (on la rencontre à 900 mètres au Djebel Tessala) et parfois ondulée. Elle est surmontée de quelques témoins d'Un niveau antérieur ou seulement de reliefs résiduels. Elle a en partie disparu, en bordure, au profit de deux ébauches de surfaces cycliques elles-mêmes déformées et postérieures aux coulées volcaniques de l'Ouest. Puis elle a été morcelée, aux deux extrémités en particulier, par l'érosion des oueds actuels. Le réseau hydrographique est dans l'ensemble conséquent par rapport à la surface villafranchienne et à ses déformations. H s'est enfoncé sur placé, par surimposition, mais aussi par antecedence, les mouvements du sol s'étant très tardivement prolongés et les terrasses étant souvent déformées. Il s'est parfois adapté aux directions principales de la structure et a même ébauché, au centre, un relief appalachien. Il a évolué en fonction de niveaux de base

1 Seule la carte géologique à 1 : 500.000 (Oran Nord) couvre l'ensemble de la région (voir l'édition de 1962) ; les cartes à 1 : 50.000 n'ont pas toutes paru, mais l'auteur a pu consulter les minutes des feuilles dessinées par M. M. Dalloni. R. Tinthoin, dans Les aspects physiques du Tell oranais (Oran, Fouque, 1948, in-4°, p. 111-429), a donné une utile esquisse de la morphologie des régions méditerranéennes de l'Oranie.


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locaux comme la Sebkha d'Oran et de rivières exoréiques et antécédentes comme Tisser et la Tafna. Un IVe livre, sur « Le modelé actuel », complète l'ensemble et nous ramène à des développements plus terre à terre. Déjà, au début du livre précédent, M. Pouquet s'est ingénié à décrire et à expliquer « deux types de relief secondaires », les « replats climatiques » et les chevrons de la bordure. Maintenant il montre fort bien les rapports du climat actuel de cette partie de l'Oranie avec les processus d'érosion. 11 étudie en détail le mode d'enfoncement des rivières et montre comment la viscosité accroît la turbuJence, donc la force d'érosion des oueds. Il décrit le recul des berges et le façonnement des versants, versants presque toujours convexes jusqu'au talweg, mais qui autrefois, sous un climat plus tempéré, évoluaient vers un profil plus normal. Enfin il consacre tout un gros chapitre à « L'érosion du sol », aux modes et aux types de ravinement et aux mouvements de masse, glissements et coulées boueuses. Il retrouve et étudie dans son domaine oranais les processus décrits par H. H. Bennet dans son livre « Soil conservation » sous les noms de « sheet erosion, rill erosion, gully erosion, slumping et flowage ». Cette partie a été reprise et développée, on le sait, dans un petit volume de la collection « Que sais-je » sous le titre tronqué « L'érosion (des sols) ». J'espère avoir donné une idée de l'intérêt de ce livre par ailleurs assez touffu. S'il est bien illustré, les cartes essentielles, trop réduites, sont peu lisibles. La rédaction paraît avoir été un peu hâtive : le lecteur aurait aimé que certaines questions ne soient pas reprises en divers endroits, que les faits essentiels et sûrs soient mieux dégagés et les faits secondaires ou douteux exposés avec plus de concision. Etait-il nécessaire de soulever tant de problèmes de détails que l'on sait insolubles, en particulier dans l'explication du réseau hydrographique ? On dirait parfois que l'auteur se complaît à semer les points d'interrogation pour avoir ensuite le plaisir d'en faire une ample moisson. Le style est négligé, encombré de mots impropres, d'expressions peu en usage et de vocables étrangers, arabes et anglais, non traduits 2. A côté de ces défauts, défauts de présentation surtout, plus agaçants souvent que graves, on se plaira à reconnaître à l'auteur des qualités évidentes et notamment des qualités d'observation. S'il est au courant des théories et des modes actuelles de la morphologie, s'il y fait un peu trop de concessions parfois, il part toujours, il le dit lui-même dans sa préface, de « la contemplation directe du paysage ». Il a parcouru en tous sens et en toutes saisons son Tessala, et il y a multiplié les observa-

2 «Formation, croûtale» (p. 80, 139...) n'est pas français; perturber, affé- r&nt à, ressortissant à (qui revient plus de 50 fois) sont employés de façon vraiment abusive. Pourquoi se servir constamment du mot chabet, alors que la forme arabe est châba et qu'il se traduit facilement par ravin ou vallon ? Pourquoi dire khaïma et non tente, mot que tout le monde comprend ? Pourquoi n'avoir pas cherché d'équivalent, dans le dernier chapitre, aux termesi anglais sheet erosion, rill' erosioni, gully erosion... ? Ecrire que « le gully s'est transformé en chabet ou en oued» (p. 278), c'est employer en fait trois mots qui ont le même sens de ravin ; et l'italien vient en renfort, dans ce charabia international, avec «le stade des calanchi ». On regrettera aussi bien des négligences dans la ponctuation.


tions et les comparaisons; il est allé parfois ailleurs chercher des éléments de confirmation. J'avoue avoir été plus intéressé par son étude sur le modelé, qui est remplie de notations précises, minutieuses et souvent neuves, — plus riches de conséquences qu'elles ne le paraissent à première vue, — que par les belles constructions du Livre III .(Morphogénèse); je suis persuadé aussi qu'elle est plus solide et plus durable. Je ne mets pas en doute l'existence ni la date d'une surface villafranchienne, mais sa généralisation est peut-être plus admise que prouvée et bien des explications relatives aux niveaux secondaires et au réseau hydrographique restent singulièrement incertaines. Quel que soit l'attrait de cette « morphogénèse », on est en droit de lui préférer les observations précises de la dernière partie. J. Despois.





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