Algérie

Les mille et une nuits



Le châtiment de Bakbarah CXLIXe nuit La jeune dame, au lieu de perdre quelque chose de l’avantage qu’elle avait pris d’abord, en gagnait encore sur mon frère: elle lui fit faire deux ou trois tours de galerie, et puis enfila une longue allée obscure, où elle se sauva par un détour qui lui était connu. Bakbarah, qui la suivait toujours, l’ayant perdue de vue dans l’allée, fut obligé de courir moins vite à cause le l’obscurité. Il aperçut enfin une lumière, vers laquelle ayant repris sa course, il sortit par une porte qui fut fermée sur lui aussitôt. Imaginez-vous s’il eut lieu d’être surpris de se trouver au milieu d’une rue de corroyeurs. Ils ne le furent pas moins de le voir en chemise, les yeux peints de rouge, sans barbe et sans moustache. Ils commencèrent à frapper des mains, à le huer, et quelques-uns coururent après lui et lui cinglèrent les fesses avec des peaux. Ils l’arrêtèrent même, le mirent sur un âne qu’ils rencontrèrent par hasard, et le promenèrent par la ville, exposé à la risée de toute la populace. Pour comble de malheur, en passant devant la maison du juge de police, ce magistrat voulut savoir la cause de ce tumulte. Les corroyeurs lui dirent qu’ils avaient vu sortir mon frère dans l’état où il était, par une porte de l’appartement des femmes du grand vizir, qui donnait sur la rue. Là-dessus, le juge fit donner au malheureux Bakbarah cent coups de bâton sur la plante des pieds, et le fit conduire hors de la ville, avec défense de n’y jamais rentrer. «Voilà, commandeur des croyants, dis-je au calife Mostanser Billah, l’aventure de mon second frère que je voulais raconter à votre majesté. Il ne savait pas que les dames de nos seigneurs les plus puissants se divertissent quelquefois à jouer de semblables tours aux jeunes gens qui sont assez sots pour donner dans de semblables pièges». Schéhérazade fut obligée de s’arrêter en cet endroit, à cause du jour qu’elle vit paraître. La nuit suivante elle reprit sa narration, et dit au sultan des Indes:   A suivre...
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