Algérie

Les mille et une nuits




Le déguisement de Bakbarah CXLVIIIe nuit Mon frère souffrait tout cela avec une patience admirable; il affectait même un air gai, et regardant la vieille avec un sourire forcé: «Vous l’avez bien dit, disait-il, que je trouverais une dame toute bonne, tout agréable, toute charmante. Que je vous ai d’obligation! -Ce n’est rien encore que cela, lui répondait la vieille: laissez faire, vous verrez bien autre chose».La jeune dame prit alors la parole, et dit à mon frère: «Vous êtes un brave homme, je suis ravie de trouver en vous tant de douceur et tant de complaisance pour mes petits caprices, et une humeur si conforme à la mienne. -Madame, repartit Bakbarah, charmé de ce discours, je ne suis plus à moi, je suis tout à vous, et vous pouvez à votre gré disposer de moi. -Que vous me faites de plaisir, répliqua la dame, en me marquant tant de soumission! Je suis contente de vous, et je veux que vous le soyez aussi de moi. Qu’on lui apporte, ajouta-t-elle, le parfum et l’eau de rose». À ces mots, deux esclaves se détachèrent et revinrent bientôt après; l’une avec une cassolette d’argent où il y avait du bois d’aloès le plus exquis, dont elle le parfuma; et l’autre avec de l’eau de rose qu’elle lui jeta au visage et dans les mains. Mon frère ne se possédait pas, tant il était aise de se voir traiter si honorablement. Après cette cérémonie, la jeune dame commanda aux esclaves qui avaient déjà joué des instruments et chanté, de recommencer leurs concerts. Elles obéirent, et pendant ce temps-là, la dame appela une autre esclave et lui ordonna d’emmener mon frère avec elle en lui disant: «Faites-lui ce que vous savez, et quand vous aurez achevé, ramenez-le moi». Bakbarah, qui entendit cet ordre, se leva promptement, et s’approchant de la vieille, qui s’était aussi levée pour accompagner l’esclave et lui, il la pria de lui dire ce qu’on lui voulait faire». C’est que notre maîtresse est curieuse, lui répondit tout bas la vieille; elle souhaite de voir comment vous seriez fait déguisé en femme; et cette esclave, qui a ordre de vous mener avec elle, va vous peindre les sourcils, vous raser les moustaches et vous habiller en femme. -On peut me peindre les sourcils tant qu’on voudra, répliqua mon frère, j’y consens, parce que je pourrai me laver ensuite; mais pour me faire raser, vous voyez bien que je ne le dois pas souffrir: comment oserais-je paraître, après cela, sans moustaches? -Gardez-vous de vous opposer à ce que l’on exige de vous, reprit la vieille, vous gâteriez vos affaires, qui vont le mieux du monde. On vous aime, on veut vous rendre heureux; faut-il pour une vilaine moustache renoncer aux plus délicieuses faveurs qu’un homme puisse obtenir?» Bakbarah se rendit aux raisons de la vieille, et, sans dire un seul mot, se laissa conduire par l’esclave dans une chambre, où on lui peignit les sourcils de rouge. On lui rasa la moustache, et l’on se mit en devoir de lui raser aussi la barbe. La docilité de mon frère ne put aller jusque là. A suivre...
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)