Algérie

Les mille et une nuits


Le mauvais tour du meunier CXLVIe nuit Bacbouc la lui rapporta le lendemain. Le meunier tira sa bourse. La jeune esclave ne fit en ce moment que regarder mon frère : «Voisin, dit-il au meunier, rien ne presse; nous compterons une autre fois». Ainsi cette pauvre dupe se retira dans sa boutique avec trois grandes maladies; c’est-à-dire, amoureux, affamé et sans argent.La meunière était avare et méchante; elle ne se contenta pas d’avoir frustré mon frère de ce qui lui était dû, elle excita son mari à tirer vengeance de l’amour qu’il avait pour elle, et voici comme ils s’y prirent. Le meunier invita Bacbouc un soir à souper, et après l’avoir assez mal régalé, il lui dit: «Frère, il est trop tard pour vous retirer chez vous, demeurez ici». En parlant de cette sorte, il le mena dans un endroit du moulin où il y avait un lit. Il le laissa là et se retira avec sa femme dans le lieu où ils avaient coutume de coucher. Au milieu de la nuit le meunier vint trouver mon frère: «Voisin, lui dit-il, dormez-vous? Ma mule est malade, et j’ai bien du blé à moudre. Vous me feriez beaucoup de plaisir si vous vouliez tourner le moulin à sa place». Bacbouc, pour lui marquer qu’il était homme de bonne volonté, lui répondit qu’il était prêt à lui rendre ce service; qu’on n’avait seulement qu’à lui montrer comment il fallait faire. Alors le meunier l’attacha par le milieu du corps, de même qu’une mule pour faire tourner le moulin, et lui donnant ensuite un grand coup de fouet sur les reins: «Marchez voisin, lui dit-il. -Eh! pourquoi me frappez-vous? lui dit mon frère. -C’est pour vous encourager, répondit le meunier, car sans cela ma mule ne marche pas». Bacbouc fut étonné de ce traitement; néanmoins il n’osa s’en plaindre. Quand il eut fait cinq ou six tours il voulut se reposer; mais le meunier lui donna une douzaine de coups de fouet bien appliqués, en lui disant: «Courage, voisin; ne vous arrêtez pas, je vous en prie; il faut marcher sans prendre haleine, autrement vous gâteriez ma farine». Schéhérazade cessa de parler en cet endroit, parce qu’elle vit qu’il était jour. Le lendemain, elle reprit son discours de cette sorte: «Le meunier obligea mon frère à tourner ainsi le moulin pendant le reste de la nuit, continua le barbier. À la pointe du jour, il le laissa sans le détacher et se retira à la chambre de sa femme. Bacbouc demeura quelque temps en cet état; à la fin, la jeune esclave vint, qui le détacha. «Ah! que nous vous avons plaint, ma bonne maîtresse et moi, s’écria la perfide; nous n’avons aucune part au mauvais tour que son mari vous a joué». Le malheureux Bacbouc ne lui répondit rien, tant il était fatigué et moulu de coups; mais il regagna sa maison en faisant une ferme résolution de ne plus songer à la meunière. Le récit de cette histoire, poursuivit le barbier, fit rire le calife: «Allez, me dit-il, retournez chez vous; on va vous donner quelque chose de ma part pour vous consoler d’avoir manqué le régal auquel vous vous attendiez. A suivre...

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