Algérie

Les mille et une nuits



Le barbier babillard CXLe nuit -Continuez de me raser, lui dis-je en l’interrompant encore, et ne parlez plus. C’est-à-dire, reprit-il, que vous avez quelque affaire qui vous presse; je vais parier que je ne me trompe pas. Et il y a deux heures, lui repartis-je, que je vous le dis. Vous devriez déjà m’avoir rasé. -Modérez votre ardeur, répliqua-t-il; vous n’avez peut-être pas bien pensé à ce que vous allez faire: quand on fait les choses avec précipitation, on s’en repent presque toujours. Je voudrais que vous me disiez quelle est cette affaire qui vous presse si fort, je vous en dirais mon sentiment: vous avez du temps de reste, puisque l’on ne vous attend qu’à midi et qu’il ne sera midi que dans trois heures. -Je ne m’arrête point à cela, lui dis-je; les gens d’honneur et de parole préviennent le temps qu’on leur a donné. Mais je ne m’aperçois pas qu’en m’amusant à raisonner avec vous je tombe dans les défauts des barbiers babillards; achevez vite de me raser». «Plus je témoignais d’empressement, et moins il en avait à m’obéir. Il quitta son rasoir pour prendre son astrolabe, puis, laissant son astrolabe, il reprit son rasoir». Schéhérazade voyant paraître le jour, garda le silence. La nuit suivante, elle poursuivit ainsi l’histoire commencée: «Le barbier, continua le jeune boiteux, quitta encore son rasoir, prit une seconde fois son astrolabe, et me laissa à demi rasé pour aller voir quelle heure il était précisément. Il revint: «Seigneur, me dit-il, je savais bien que je ne me trompais pas: il y a encore trois heures jusqu’à midi; j’en suis assuré, ou toutes les règles de l’astronomie sont fausses. -Juste ciel! m’écriai-je, ma patience est à bout, je n’y puis plus tenir. Maudit barbier, barbier de malheur, peu s’en faut que je ne me jette sur toi, et que je ne t’étrangle! -Doucement, Monsieur, me dit-il d’un air froid, sans s’émouvoir de mon emportement; vous ne craignez pas de retomber malade; ne vous emportez pas, vous allez être servi dans un moment». En disant ces paroles, il remit son astrolabe dans sa trousse, reprit son rasoir, qu’il repassa sur le cuir qu’il avait attaché à sa ceinture, et recommença de me raser; mais en me rasant il ne put s’empêcher de parler: «Si vous vouliez, Seigneur, me dit-il, m’apprendre quelle est cette affaire que vous avez à midi, je vous donnerais quelque conseil dont vous pourriez vous trouver bien». Pour le contenter, je lui dis que des amis m’attendaient à midi pour me régaler et se réjouir avec moi du retour de ma santé. Quand le barbier entendit parler de régal: «Dieu vous bénisse en ce jour comme en tous les autres! s’écria-t-il; vous me faites souvenir que j’invitai hier quatre ou cinq amis à venir manger aujourd’hui chez moi: je l’avais oublié, et je n’ai encore fait aucun préparatif.   A suivre...



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