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Les mentalités rétrogrades


Les mentalités rétrogrades
Ces femmes sont la victime expiatoire d'une société qui a failli et qui se complaît dans un traditionalisme sous-tendu par des croyances qu'on tient pour constantes et perpétuelles. Ce substrat bien assis dans la vie dite moderne impose des conduites et des comportements vis-à-vis de la femme qui estreléguée à un rang secondaire pour être complètement soumise aux desiderata de l'homme. La cellule familiale perpétue cette ségrégation et la diffuse dans toute la société si bien qu'au niveau du langage même officiel on la retrouve. L'exemple le plus à même d'illustrer cela sont les panneaux indicateurs où l'on trouve écrit en arabe «dhoukour, ineth» au lieu de garçons et filles et là on focalise directement sur le sexe et non sur l'individu ce qui constitue déjà une forme de ségrégation.Dans la famille, les parentscomplètement inhibés par une société rétrograde et accrochée à des traditions révolues continue à perpétuer lesrelations homme-femme à travers les rôles définis à l'avance pour chacun au sein du foyer. La fille doit rester à la maison, doit aider sa mère à la cuisine, doit se soumettre à la volonté de son frère qui remplace le père en son absence même si celle-ci est plus âgée que lui. Il est l'homme de la maison. Cette obéissance donne de l'ascendant à l'homme sur la femme si bien que tout refus est assimilé à une rébellion à un manquement aux règles établies ; le pas est très vite franchi puisque ce refus est pris comme étant un affront, une atteinte à l'honneur de l'homme à qui la femme doit respect et obéissance, autrement on n'est pas considéré comme tel.Une mentalité très répandue et qui sévit toujours dans tous les aspects de la vie dans la société, au travail, dans la rue, à la maison, dans les transports publics, au marché et même pendant les vacances où on est censés se détendre et sortir de cet assujettissement.À Annaba comme ailleurs dans le pays, la gent féminine subit le même sort et souffre en silence, une souffrance de tous les jours qu'elle supporte sachant que la société telle quelle n'est pas près de changer car les mentalités n'ont pas évolué. Beaucoupd'entre-elles vivent dans la rue, elles sont l'objet de moqueries et de vindictes populaires, désignées comme étantresponsables de ce qui leur arrive alors que la plupart du temps, elles sont les victimes expiatoires d'une société qui en fait un objet entre les mains de l'homme qu'il peut cacher, casser, mettre en valeur et dévaloriser. «Il rentre chaque jour ivre et me bat, j'ai dû supporter cela pendant des années.À un moment je me suis dit que cela ne peut plus durer et je me suis défendue, il m'a jetée dehors et a fermé la porte et depuis je suis dans la rue. Au début, je me disais que peut-être, il va changer de comportement, que Dieu le remettrait sur le droit chemin, mais cela n'a pas eu lieu. J'ai tenu pendant longtemps car je ne voulais pas quitter mon foyer puis un jour, je me suis dit quelle vie vais-je mener avec cet homme si cela continue ' Alors, je ne me suis pas laissée faire et je vous le dis, je préfère vivre dans la rue que de subir chaque jour les violences qui me sont infligées», nous a rapporté une femme de 40 ans, assise sur les marches du théâtre de la ville situé sur le Cours de la Révolution.Une autre, répudiée, nous rapportera qu'elle et ses deux enfants vivent chez ses parents parce que son époux lui reprochait le fait d'avoir enfantéuniquement des filles. «Déjà, lorsqu'il a su que je portais une fille au cours de ma seconde grossesse, son comportement a changé, il ne manquait pas une seule occasion pour m'insulter, ilinventait des situations juste pour créer des problèmes, il en est venu jusqu'à me battre pendant ma grossesse, me disant que c'était de ma faute si je n'ai que des filles», nous confie-t-elle. «Tous mes frères ont eu des garçons, je ne peux pas être responsable de cela, c'est de ta faute !», me disait-il tout en déversant un chapelet d'insultes. Il n'est même pas venu me voir quand j'ai accouché à l'hôpital d'où je suis rentréedirectement chez mes parents. Est-ce un comportement d'époux responsable ' Quelqu'un qui abandonne sa famillede la sorte ne peut en être le chef», ajoutera, sans amertume, cette jeune maman de 32 ans.Au niveau de Dar El Insania située dans la plaine Ouest, un centre où une association -très active- soutient les femmes victimes de violencesconjugales, des mères de famille, jeunes et moins jeunes sont assistées et aidées à se reconstruire. Derrière chaque paire d'yeux se profile un drame, une histoire terrible, un divorce, un échec, une vie détruite dont on tente de recoller les morceaux...Notre société traine comme un boulet des traditions qui veulent que celle-ci-reste et demeure une société faite par les hommes et pour les hommes où la place réservée à la femme est loin derrière.L'affranchissement de cescomportements ne viendra sûrement pas de cette campagne menée tambourbattant contre la violence faite aux femmes, elle devrait se faire d'abordet avant tout au niveau des mentalités pour se concrétiser ensuite dans lacellule familiale qui rayonnera sur toute la société. M. R.


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