Algérie - 01- Généralités



Les Mamelouks
Photo : Horace Vernet : Le Massacre des Mamelouks à la citadelle du Caire, en 1811

Le peuple égyptien, occupant un pays plat et un sol fertile, n’est point fait pour guerroyer, son rôle doit se borner à cultiver la terre. On ne remarque point chez lui l’énergie, le courage et l’esprit d’indépendance des habitants des montagnes.

Il y a un demi-siècle environ que brillait en Égypte une troupe remuante, guerrière, pleine d’audace et de bravoure, distinguée surtout par la beauté du corps. Elle était presque seule capable d’entrer en campagne et de tenir tête à l’ennemi.

Cette troupe était composée de Mamelouks, cavaliers d’élite, habiles dans le maniement des armes et d’une valeur à toute épreuve; mais ces hommes ardents à la guerre, comme à toutes les jouissances de la vie, n’étaient point Égyptiens.

Les Mamelouks, ou Mameluks, dont le nom signifie acquis, possédés, étaient recrutés tous les ans dans la Géorgie, la Circassie, la Mingrélie, l’Anatolie. Achetés dans leur enfance de parents chrétiens, on les obligeait à embrasser la religion mahométane, ils étaient circoncis, puis instruits avec soin, et ils acquéraient le savoir nécessaire pour occuper tous les emplois du gouvernement jusqu’aux fonctions même les plus élevées.

C’était dans cette milice qu’on prenait les vingt quatre beys, gouverneurs des provinces égyptiennes.

Mais ce corps, cette sorte d’aristocratie, livrée à un luxe effréné, toujours disposée à la mutinerie, ne voulant se plier à aucune discipline, se croyant plutôt faite pour commander que pour obéir, et dévorée d’ambition, faisait le désespoir des Pachas, lieutenants en Égypte de l’empereur de Turquie. Ces fonctionnaires, ne jouissant d’aucune espèce de considération, demeuraient comme prisonniers dans la citadelle du Caire, sans initiative et sans autorité.

Les Mamelouks les renvoyaient les uns après les autres suivant leur caprice. Jamais le Sultan ne leur refusait une demande de changement du Pacha qui gouvernait en son nom.

Ce fut Méhémet-Ali qui eut l’énergie et la gloire de débarrasser son pays de ces maîtres despotes et gênants. Il usa d’un moyen violent, il est vrai, en les faisant tous massacrer, comme chacun sait, le 1er mars 1811.

On montre sur les remparts de la citadelle du Caire l’endroit où fut effectuée cette boucherie, et la place où l’un de ces Mamelouks, Anym ou Hassan Bey, sauta avec son cheval d’une hauteur de plus de 15 mètres. Le cheval resta mort sur le coup, et l’homme fut le seul qui échappa au massacre. Mais ce malheureux devint fou et, dans ses accès, croyait toujours voir les Albanais de Méhémet-Ali massacrant ses compagnons. L’égorgement de toute cette race s’étendit aux diverses provinces de l’Égypte.

Méhémet-Ali, voulant détruire le corps redoutable des Mamelouks, prend, pour mettre son projet à exécution, le jour d’une cérémonie qui devait précéder le départ d’un de ses fils pour la Mecque. Les Mamelouks reçoivent l’ordre de se rendre dans le château du Caire pour suivre le cortège ; ils y arrivent montés sur leurs plus beaux chevaux, et magnifiquement vêtus.

Ce tableau représente le moment où, entrés dans l’intérieur du château, les portes se referment sur eux. A l’instant, des Albanais dévoués, cachés derrière les créneaux, remparts, sur les tours, font, à un signal donné, un feu des plus terribles sur ces malheureux, qui sont impitoyablement massacrés. Le pacha , placé au sommet d’une sur les terrasse, sans pouvoir être aperçu, et ayant derrière lui trois de ses officiers, ses confidents intimes, est témoin de cette affreuse catastrophe. C’est ainsi que fut détruite presque entièrement l’audacieuse milice des Mamelouks.

Il est bien remarquable que ces Mamelouks, dont la belle et forte constitution se perpétuait dans leur pays natal, ne pouvaient pas se reproduire en Égypte. Leur génération s’y appauvrissait, et tous leurs enfants périssaient en bas âge. Cependant ce même climat d’Égypte a été bien favorable à la multiplication des Hébreux. Cette race blanche s’y était acclimatée, suivant la Bible, et avait habité pendant plus de 400 ans la vallée de Gessen.

Sous le joug des Mamelouks l’Égypte était en proie à l’anarchie de la féodalité; sous celui de Méhémet-Ali elle souffrit des rigueurs du despotisme. Le fellah fut en définitive aussi malheureux après la réforme du massacreur des Mamelouks qu’il l’avait été sous le pouvoir de ces vampires.

Le massacre des Mamelouks ne fut pas seulement une boucherie, mais aussi une magnifique opération financière. Celui qui le fit exécuter s’empara, bien entendu, de tous les biens de ces aristocrates indépendants, et ils étaient aussi considérables que l’avaient été leurs exactions, le plus souvent atroces.

Mais bourreau de leur argent comme il le fut de leur personne, Méhémet-Ali se livra à l’exécution de grands travaux d’amélioration pour son pays et ne tarda pas à voir diminuer son trésor. Des emprunts forcés lui parurent alors un moyen simple et facile de remédier à l’épuisement de sa caisse. Il ne se fit pas faute d’en user, d’en abuser même; et il faut rendre à sa mémoire la justice de dire qu’il agit avec impartialité, car il puisa indistinctement à pleines mains dans toutes les poches de ses sujets..

Cette productive méthode a été volontiers mise en usage par quelques-uns de ses successeurs.

Mais ce qui ne sera pas imité, il faut l’espérer, c’est la manière dont il s’acquitta envers ses prêteurs. A ceux qui n’osèrent pas lui demander le remboursement de leur argent, il ne rendit rien ; mais quant à ceux qui eurent la maladresse de lui faire des réclamations, il obtint aisément quittance de leurs créances en ordonnant qu’on leur tranchât la tête, Moyen certain de faire taire toutes les criailleries.
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