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Les investissements Emiratis et koweïtiens en Algérie permettent-ils la transition d’une économie de rente à une économie productive ?



Les investissements Emiratis et koweïtiens en Algérie permettent-ils la transition d’une économie de rente à une économie productive ?
L’APS relayée par la télévisons officielle (ENTV) au cours des visites officielles en Algérie s’est fait l’écho la mi octobre 2010 d’investissements émiratis, en donnant des chiffres bruts sans analyse, de 15 milliards de dollars dans les prochaines années comme elle s’est fait l’écho par le passé d’un investissement entre 2004/2009 de 50 milliards de dollars qui n’a jamais été réalisé. Comme elle s’est fait l’écho d’investissements koweitiens. Comment ne pas souligner que l’Algérie ne souffre pas de financement (la monnaie n’est qu’un signe et non facteur de développement) mais de la faiblesse d’une accumulation du savoir faire managérial et technologique comme le montre la faiblesse des capacités d’absorbation renvoyant d’ailleurs à la réforme et gouvernance globale. L’objet de cette modeste contribution est de poser d’une manière objective la portée de tout acte d’investissement en Algérie qu’il soit arabe, asiatique, russe, américain ou européen ou de tout autres pays, qui doivent être les bienvenus en Algérie s’ils sont porteurs de valeur ajoutée.


I- Situation des économies algérienne, émiraties et koweitienne
Le bilan de l’investissement productif est mitigé. Selon les chiffres communiqués par l’Agence de développement des investissements, ANDI, fin juillet 2010, les déclarations d’investissement local, en termes de projets et non de réalisation, sont passées de 11.000 projets en 2007, à 17.000 en 2008, pour atteindre le chiffre symbolique de 20.000 en 2009 mais avec 1% seulement d’IDE.
De ces projets, les chiffres avancés par l’ANDI, indiquent que ce sont les projets locaux qui sont dominants avec 99% des déclarations de projets. Pour ce qui est de la répartition des projets par secteur, c’est celui des transports qui attire le plus d’investissements depuis 2009 avec 60% en majorité des micro- projets, suivi par le secteur du bâtiment, des travaux publics et de l’hydraulique (16 %), du secteur de l’industrie (10 %), celui de l’agriculture (2 %).
Le nombre de projets étrangers déclarés en intention hors hydrocarbures a été de 694 projets en 2008, dont 387 projets dans le secteur de l’industrie pour un montant en valeurs monétaires dérisoire, estimé à 88 millions dinars (moins de 1 million d’euros). D’une manière générale les investissements directs étrangers significatifs réalisés restent insignifiants en dehors des hydrocarbures, avec un déclin en 2009, 4 projets d’IDE. Le plus important n’est pas d’afficher les intentions mais les réalisations. Les enquêtes sur le terrain montent que 70% des intentions en projets sont abandonnés du fait des contraintes d’environnement (bureaucratie, système financier, foncier, dominance de la sphère informelle) et il serait intéressant de mener une enquête sur les 30% restants pour voir si après avoir bénéficié des avantages financiers et fiscaux, d’autres projets n’ont pas été abandonnés.
Face à cette déperdition de l’entreprise, la performance de la dépense publique misant essentiellement sur les infrastructures , est mitigée comparée à la dépense publique dont les prévisions officielles 2004/2009 sont passées successivement de 55 milliards de dollars en 2004, à 100 milliards de dollars en 2005 (inclus le Sud et les hauts plateaux) puis à 140 milliards de dollars fin 2006 et qui a été clôturée entre 2004/2009 à 200 milliards de dollars mais faute de bilan on ne sait pas si l’intégralité de ce montant a été dépensé. Quant au programme d’investissements publics 2010/2014, le gouvernement a retenu des engagements financiers de l’ordre de 21.214 milliards de DA (ou l’équivalent de 286 milliards de dollars) et concerne deux volets, à savoir le parachèvement des grands projets déjà entamés, l’équivalent à 130 milliards de dollars (46%) et l’engagement de projets nouveaux pour un montant de 11.534 milliards de DA soit l’équivalent de près de 156 milliards de dollars, ce qui monte d’importantes réévaluations. L’économie algérienne est une économie totalement rentière ou la baisse du cours du pétrole/gaz combiné avec la non maitrise de la dépense publique a eu un impact sur le niveau élevé du déficit budgétaire.
Face à ces dépenses, le montant du fonds de régulation des recettes géré par le trésor, différence entre le prix réel des hydrocarbures et le prix fixé par la loi de fiances (37 dollars) à ne pas confondre avec les fonds souverains qui sont des fonds d’investissement (le gouvernement algérien ayant écarté le recours à cette procédure), est passé de 4 280 milliards de DA, à fin décembre 2008, à 4 316 milliards de DA, à fin décembre 2009. En cas d’un cours des hydrocarbures inférieur à 70 dollars à prix constants, et d’un cours de cession du gaz inférieur à 9/10 dollars le MBTU(le gaz représentant actuellement plus du 1/3 des recettes) , si on n’arrive pas à mobiliser d’autres fonds à travers d’autres circuits, le déficit du Trésor pourrait atteindre 3615 milliards de dinars dans un proche avenir, ce déficit ne pouvant qu’être couvert qu’à travers le recours au Fond de régulation des recettes qui seront puisés du même fonds, ce qui réduirait ses réserves à 665 milliards de dinars.
La loi de finances 2011 confirme cette tendance lourde , puisque le budget de l’Etat pour 2011, nous avons des recettes pour 2 992 milliards de dinars soit 29,7 milliards d’euros de recettes ( 38 milliards de dollars) contre des dépenses de 6 605 milliards de dinars soit 65, 520 milliards d’euros (88 milliards de dollars), la différence 3613 milliards de dinars , soit 36, milliards d’euros ou 48 milliards de dollars US devant être couverte partiellement par le fonds de régulation des recettes.
L’impact sur la sphère réelle est évident. Face aux données officielles notamment du taux de croissance, le IB algérien avoisine 160 milliards de dollars pour une population d e 36 millions d’habitants ) l’on peut démontrer aisément à partir du renversement de la matrice du tableau d’échange inter- industriel que la rente des hydrocarbures participe pour plus de 80% directement et indirectement à travers la dépense publique au taux de croissance officiel, ne restant aux seuls créateurs de richesses que moins de 20% dans la contribution de la valeur. Entre le taux de croissance réel et le taux de chômage officiel, nos calculs donnent un taux de chômage corrigé bien plus important.
Qu’en est-il des économies émiraties et koweitiennes les deux pays étant membres de l’organisation mondiale du commerce (OMC) ? Les Émirats arabes unis sont un Etat fédéral créés en 1971 regroupant sept émirats mitoyens : Abou Dabi,Ajman, Charjah, Dubai, Fujairah, Ras El Khaimah et Oumm al Qaiwain. Selon les estimations de décembre 2008, la population est estimée à 6 ,4 Millions dont 13,5% Emiratis/ 86,5% expatriés, originaire du sous continent indien (Pakistan, Inde, Maldives) le reste provenant des autres pays arabes, d’Iran, et d’Asie du Sud Est (Malaisie, Indonésie).
Les hydrocarbures, pétrole et gaz, représentent environ 36% du PIB (190milliards de dollars), moyenne en 2007/2008 ,64%, secteur des services (finance…) et secteur de la haute technologie (Telecom, IT, Santé, Biotechnologies), contre 70% en 1970 avec des investissements massifs à travers les fonds souverains à l’étranger. D’après les calculs, avant le début de la crise en août 2008, les actifs des fonds souverains des quatre pays les plus importants du CCG (Emirats arabes unis, Arabie saoudite, Koweït et Qatar) dépassaient 1 500 milliards de dollars dont 875 milliards correspondaient aux fonds souverains des Emirats arabes unis, 300 milliards à l’Arabie saoudite, 250 au Koweït et 40 au Qatar.
Ces calculs sur les actifs se réfèrent uniquement aux fonds souverains et n’incluent pas les investissements des particuliers ni des institutions privées. En comptabilisant ces derniers, une estimation raisonnable situerait leur valeur au-dessus de 3 000 milliards de dollars. Selon les experts, la crise a entrainé pour l’ensemble des pays du Golfe une perte estimée à 600 milliards correspondant à la valeur des actifs des fonds souverains et les effets de la crise de Dubaï courant 2009 en est la démonstration.
En ce qui concerne le Koweït, détenteur des quatrièmes réserves pétrolières du monde (101,5 milliards de barils, soit 8,5% des réserves mondiales), la population est estimée en 2009 à 2 691 000 habitants dont 18% de koweitiens le reste comme pour les Emiraties étant des émigrés et le PIB est estimé à 100 milliards de dollars dont environ 55% proviennent des hydrocarbures, et plus de 44% des services pour plus de 44% ,l’industrie manufacturière moins de 4% .
II- Les investissements émiratis et koweitiens s’inscrivent–ils dans la logique de la nouvelle politique économique du gouvernement ?
En ce qui concerne notre problématique, le problème qui se pose est ce que les investisseurs émiratis et koweitiens ont –ils souscrits aux nouvelles mesures gouvernementales dans l’acte de leur investissement. Ces dispositions depuis les lois de finances complémentaires 2009/2010 sont les suivantes.

1- La préférence nationale passe de 15 à 25% pour toute soumission par rapport aux étrangers
2-Pour le commerce la part des étrangers doit être inférieure à 30% au maximum et 70% pour les nationaux, pour l’agriculture la nouvelle loi foncière 2010 restreignant presque toute activé pour les étrangers.
3-Dans les services, BTPH, industries y compris les hydrocarbures le privé étranger doit avoir au maximum 49% et le local 51%. En vertu de ces dispositions, toute augmentation ou modification de la structure de capital, et tout accroissement du nombre d’actionnaires de la part des entreprises étrangères détenant plus de 51 % des actions, seront contraintes de recevoir un ou plusieurs actionnaires des entreprises nationales à raison de 51% du capital.
4- L’Etat peut faire prévaloir le droit de préemption et que toute transaction qui ne respecte pas les dispositions légales ne sera pas avalisée par les pouvoirs publics et sera déclarée nulle et sans effet, suite à l’article 62 de la loi de finances complémentaire de 2009.
5- Le texte législatif stipule l’effet rétroactif de la règle 51% et de 49% est susceptible d’être généralisée pour les opérateurs étrangers ayant investi en Algérie avant 2009.
6- En cas de cession, les étrangers qui voudront vendre les actions qu’ils détiennent de groupes algériens devront faire fixer leur prix de vente par un expert algérien et non pas par le marché et il sera fait application des dispositions de la loi de finances 2009 qui stipule un taux d’imposition à 20% du taux de l’IRG applicable aux plus values de cession de la partie étrangère (article 47 Loi de finances 2009).
7- Ces dispositions sont étendues aux banques étrangères complétant l’ordonnance n° 03-11 du 26 août 2003, relative à la monnaie et au crédit. Toute future ouverture de banque ou d’établissement financier par un investisseur étranger sera conditionnée par la détention de 51% du capital par des actionnaires nationaux. Dans les activités bancaires, l’Etat détiendra une action spécifique dans le capital des banques et établissements financiers à capitaux privés, grâce à laquelle il sera représenté dans leurs organes sociaux sans droit de vote.
8- Hors secteur des hydrocarbures, des activités peuvent être soumises à une taxe forfaitaire y compris les banques, assise sur les marges exceptionnelles élargissant ainsi les dispositions qui étaient appliquées au niveau du secteur des hydrocarbures.
9- l’Etat a le droit de «procéder à la reprise des actifs publics cédés dans le cadre des opérations de privatisation, dans le cas où le repreneur ne s’acquitte pas de ses obligations », notamment de paiement sur les avantages concédés et les engagements pris initialement par les repreneurs pour non respect du cahier des charges.
Or, il s’agit de réponde à huit questions stratégiques
1- Quel est le temps imparti pour les projets réalisés entre le moment du dépôt et la réalisation effective le principal défi du XXIème siècle étant la maîtrise du temps ?
2-Quelle est la part en devises et en dinars des projets réalisés afin de dresser la balance devise ?
3-Quel est le niveau du financement de la part des banques publiques des projets ?
4-Quel est le montant exact des avantages financiers et fiscaux accordés ?
5-Comment se feront les rapatriements de capitaux ?
6- La ventilation des postes de travail avec le niveau de qualification des projets et ceux créés dans la mesure où le développement du XXIème siècle repose sur la valorisation du savoir
7-Quelle est la contribution à la valeur ajoutée du pays (taux de croissance) des projets ?
8-Enfin ces projets s’insèrent –ils dans le cadre des valeurs internationales dans la mesure avec la mondialisation, malgré la crise, nous sommes dans une économie ouverte. Et un investissement porteur peut-il se réaliser au sein d’un micro-espace posant la problématique de l’intégration économique maghrébine ?
En résumé, il ne faut pas toujours incomber la faiblesse de l’investissement utile à l’extérieur, dans la pratique des affaires n’existant pas de sentiments et il est normal que tout opérateur local ou étranger s’oriente vers là où le profit est maximum renvoyant au rôle de l’Etat régulateur, à l’efficacité des institutions et à cohérence de la politique économique. Et donc de se poser cette question : le mal n’est-il pas en nous et le blocage de l’accumulation n’est-il pas d’ordre systémique ? Ces mesures du retour à l’Etat gestionnaire en Algérie avec la restriction des libertés économiques seront-elles efficaces pour attirer des investissements facteurs d’un développement durable qu’ils soient arabes ou autres ce d’autant plus qu’avec la mondialisation, peut-on encore parler de nationalités en termes économiques et que les opportunités sont devenues de plus en plus larges?

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