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Les hôpitaux complètement dépassés à Tizi Ouzou




Des malades présentant des symptômes du virus continuent d'affluer vers les urgences, mais en l'absence de tests, les médecins se contentent de relever les signes avant de leur préconiser de se mettre en isolement.Vu de l'extérieur, l'hôpital Meghenem-Lounès d'Azazga offre, en cette matinée du jeudi 12 novembre, l'image d'une structure abandonnée. Même les magasins mitoyens ont tous baissé rideau. L'immense portail de l'entrée principale est cadenassé à l'aide d'une grosse chaîne. Une fois l'entrée secondaire franchie, on se retrouve sur un parking des visiteurs totalement vide.
Dans la cour, on ne rencontre que des agents et quelques rares employés, portant un masque. Au service des urgences règne un calme sidérant. Le hall est totalement vide. Désormais à l'hôpital d'Azazga, c'est au cinquième étage que tout se joue. C'est à cet étage que des médecins, réanimateurs et autres infirmiers mènent une bataille, en silence, et surtout au péril de leur vie, contre ce virus, devenu plus virulent, de la Covid-19.
"Le service est saturé", lance une infirmière d'une voix à peine audible. Le service Covid est tellement saturé que l'on vient de procéder, apprend-on, à son extension vers le quatrième étage où seulement la moitié est encore occupée par les non-Covid.
"Avec la recrudescence actuelle des contaminations, on risque d'occuper tout le quatrième étage et peut-être même celui de la médecine femmes, situé au troisième étage", se désole un médecin qui préconise "des mesures plus sévères au niveau de notre wilaya pour pouvoir contenir cette pandémie et soulager un hôpital trop saturé et en manque de moyens".
Appuyant les propos de ce médecin, une infirmière souligne que cette deuxième vague est pire que la première. "Il faut s'adapter, mais c'est difficile. Depuis quelques jours, nous sommes de plus en plus débordés par des malades contaminés venant de plusieurs communes. Ils arrivent à l'hôpital dans un état très avancé de la maladie", alerte-t-elle.
Cependant, des malades présentant des symptômes du virus continuent d'affluer vers les urgences, mais en l'absence de tests, les médecins se contentent de relever les signes avant de leur préconiser de se mettre en isolement. Lorsque le malade est fatigué, tousse et ressent de la fièvre, le médecin prescrit un scanner thoracique.
"Lorsque le tissu pulmonaire est atteint, il faut mettre le malade sous oxygénothérapie et corticoïdes. Mais l'espoir de les sauver est minime surtout avec les risques de thromboses qui entraînent des crises cardiaques", se désole le médecin. Dans la plupart des cas, poursuit-il, "des malades atteints de la Covid-19 arrivent au service avec des maladies secondaires en parallèle et avec un système immunitaire déficient, et les traitements ne répondent généralement pas".
Mais au-delà des difficultés à prendre en charge, il y a le nombre de plus en plus important de malades qui affluent vers l'hôpital, les membres du personnel vivant également constamment dans l'épuisement et avec la peur d'attraper le virus et de contaminer leurs familles.
Quelques infirmières hésitent à parler de peur d'être sanctionnées par leur tutelle qui leur refuse toute déclaration à la presse et continue donc, ainsi, à s'inscrire en porte-à-faux avec les dernières orientations du wali. Mais sous le couvert de l'anonymat, elles nous ont soumis leurs peines et inquiétudes.
"On a tout donné lors de la première vague du mois de mars. Comme tous les autres hôpitaux, nous avons des manques, tant en personnel qu'en moyens.
Huit mois après, on se retrouve dans la même situation que la première vague, avec les mêmes problèmes", regrette une soignante de l'EPH d'Azazga. "C'est terrible de travailler au milieu de ces malades et d'avoir peur, en même temps, d'attraper le virus. On passe des nuits à côté de ces personnes qui ont de la fièvre, toussent, crient ou suffoquent. Parfois, on s'oublie, on a la tête ailleurs.
On s'approche un peu trop du malade avec la bavette baissée. Lorsqu'on se rend compte de notre erreur, on panique ! On se dit, c'est sûr qu'on a été infectés, qu'on va transporter le virus à la maison et contaminer nos mères, nos grand-mères", s'inquiète une jeune soignante qui précise que beaucoup de ses camarades, médecins ou paramédicaux, ont été déjà infectés et contraints à l'isolement durant la première vague.
La situation est plus compliquée aujourd'hui que les malades sont beaucoup plus nombreux, que leur état de santé est plus dégradé et qu'il y a déficit en personnel, notamment infirmier. "En raison de l'insuffisance du personnel infirmier, le vide est comblé par les aides-soignantes. La formation des infirmiers a été supprimée à l'école paramédicale de Tizi Ouzou.
Ce qui met les hôpitaux de la wilaya en situation de pénurie d'infirmiers", explique un médecin. À l'instar de cet EPH d'Azazga, ce sont, à vrai dire, les sept établissements hospitaliers que compte la wilaya de Tizi Ouzou, et aussi le CHU Nedir-Mohamed, qui font face à la même situation.
En effet, après les responsables de l'hôpital d'Aïn El-Hammam, il y a à peine trois jours, c'était, hier, au tour du directeur de l'EPH de Drâa El-Mizan, Lounès-Bounous, de tirer la sonnette d'alarme. "À l'EPH de Draâ El-Mizan, on déplore le décès de 5 personnes ces dernières 24 heures, et nous avons 29 personnes hospitalisées, dont 25 sous oxygène et 4 en soins intensifs.
C'est alarmant ! On ne sait plus quoi faire, on est démoralisés", a-t-il déclaré, expliquant que "l'hôpital a des capacités d'accueil, mais il manque de lits et de matériel de réanimation, et nécessite un renforcement de l'équipe soignante."
Cela d'autant que, dit-il, dans cet EPH, six médecins spécialistes sont contaminés et confinés, trois généralistes, ainsi que du personnel administratif.
À Tizi Ouzou, le corps médical a été déjà plusieurs fois endeuillé et parmi la population, l'hécatombe n'en finit plus. Mais les autorités tâtonnent toujours et une partie de la population continue de faire fi des mesures de protection.

KAMEL N. O./S. LESLOUS


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