Algérie - Irrigation

Les Foggaras : "UN SYSTÈME D’IRRIGATION ORIGINAL: LES FOGGARA"



Le système de la foggara :

Certaines régions du Sahara sont riches en eaux souterraines . Cela a permis, vers le 1° siècle, le percement d’un extraordinaire système de captage et d’adduction d’eau sur le modèle existant dans certaines régions de la Mésopotamie. Pour couvrir les besoins en eau et lutter contre l’aridité importante de la terre sans laisser prise à l’évaporation, parfois considérable dans le Sahara , il a fallu trouver un moyen d’irrigation adapté :
C'est le système des " foggaras " (ou "foguagir" au pluriel arabe maghrébin) qui "semble être originaire de la Perse et remonter à une antiquité reculée. On en trouve déjà la mention au V° siècle av.J.-C., dans Hérodote (Melpomène 120) […]. On possède également, grâce aux narrations de Polybe (X-23.25), des renseignements détaillés sur les foggaras de la Perse du III° et du II° siècle av. J.-C. "(J.M.Solignac).

Une foggara est une canalisation souterraine construite pour alimenter les jardins dans les palmeraies, lorsqu’il n’est pas possible de creuser des puits. Elle peut avoir un développement de 2 à 10, voire 15 kilomètres. Les canalisations suivent une pente légère (quelques millimètres de dénivelé par mètre) et courent à environ 5 ou 10 mètres sous la surface du sol. La foggara proprement dite a un diamètre suffisant (1 m à 1,20 m) pour permettre le déplacement d’un homme courbé, travailleur progressant d'aval en amont au moment du percement , et ouvrier circulant pour effectuer des travaux d’entretien.

Voir le schéma de fonctionnement et d'évolution dans le temps des foggaras, et quelques photos d'une foggara facilement accessible, qui alimente la ville de Merzouga au maroc (sud Erfoud, contre l'erg Chebbi): la ligne de puits d'entretien, et l'eau à 10-12 m de profondeur.

Le mot "fogaguir" est la forme plurielle de " foggara " dont l’étymologie reste des plus incertaines : ce mot rappelle la forme verbale de l’arabe "f’qr " (= creuser), qui a son équivalent "f’ar" en hébreu. Selon Et Tamentiti, foggara serait une altération du mot fedjara (dj > g), qui signifie donner une issue à l’eau, la faire couler.

En surface, les cônes de déblais ou les ouvrages maçonnés jalonnent le trajet de la foggara (et de l’eau) entre la nappe et le bassin de réception. Construits tous les 12 à 15 mètres, ces cônes protègent l’orifice en même temps qu’ils permettent de surveiller l’écoulement et, au besoin, de descendre dans la foggara pour déblayer le point précis de la galerie qui viendrait à être obstrué. Au débouché de chaque canalisation dans la palmeraie, l’eau est reçue dans un bassin.
Son débit sera soigneusement mesuré avant qu’elle ne reparte pour être parcimonieusement redistribuée entre les jardins, moyennant le versement d’un écot par les propriétaires. A la sortie du bassin de réception, l’eau passe alors par une "chebka" (= grille), qui est une plaque de cuivre - ou de terre cuite - percée de trous, le "kassis" ou "kesra" (= peigne), dispositif répartiteur, qui permettra la redistribution de l’eau de la foggara calculée en doigts ou en demi-doigts, selon le cas; elle peut alors s’en aller par de minuscules rigoles ( "seguia ") qui parcourent la palmeraie et la conduisent vers les jardins.

L’ingéniosité du procédé réside dans sa conception et son adaptation aux conditions de la vie et du climat sahariens : il supprimait les corvées d’eau épuisantes, qui prenaient l’essentiel du temps des habitants, et assurait un approvisionnement à débit constant, sans risque de tarir la nappe d’eau et en limitant l’évaporation au minimum.

La réussite de cette technique continue aujourd’hui encore à faire l’admiration des observateurs. " Il ne pleut pour ainsi dire jamais au pays des fgagir. Et cependant, depuis plus de dix siècles, à chaque heure, la moindre foggara soutire plusieurs mètres cubes d’eau souterraine dont le remplacement pluviométrique est manifestement impossible" (J.Savornin).

" En utilisant quelques suintements après un labeur énorme et une dépense stupéfiante d’ingéniosité, l’homme […] a fait naître une agriculture savante, intensive, ce qu’on connaît de plus évolué en matière d’agriculture […] au Touat seulement […] ce serait au moins 2000 kilomètres de cheminement souterrain ".

On perce encore à l’époque actuelle des foggaras : la dernière au Touat date de 1984.
Nieger, au début de ce siècle en avait dénombré 372 dans cette région , dont beaucoup, hélas, obstruées, sont aujourd’hui considérées comme mortes .

On estime à environ 4000 kms (la moitié au Touat) la longueur totale des canalisations de ce type existant dans l’ensemble saharien.



A qui revient le mérite de ces réalisations , les hommes qui ont fait la gloire et la fortune des Oasis?

Le système vient sans doute de l’orient où il était connu sous Le nom de "qanat" en Iran et en Arabie.

Mais il a été adapté aux besoins et aux conditions de la région. Les terrassiers de ces gigantesques travaux, ce furent les milliers d’esclaves noirs, qui ont constitué l’essentiel de la main-d’oeuvre ; les maîtres d’oeuvre étaient des Juifs, sans doute avant le X° siècle, et leurs successeurs musulmans ensuite , qui ont développé considérablement le réseau existant à partir des X° et XI° siècles.

Selon L.C.Briggs, " le système des foggaras est très fortement développé dans la partie occidentale du centre du Sahara. Le Touat comporte environ neuf cent cinquante de ces galeries.[…].Certains estiment que ce sont des Juifs ou des Berbères judaïsés réfugiés de la Cyrénaïque qui auraient introduit les foggaras au Sahara occidental il y environ deux mille ans. […] Elles peuvent se rencontrer tout au long d’une ligne partant du Sud Marocain en direction du sud-est et traversant le Hoggar puis en direction de l’est traversant le Fezzan, mais celles du sud ne sont que de grossières miniatures comparées aux systèmes sophistiqués du Touat. […] Il est vraisemblable que certains de ces réfugiés furent les premiers colonisateurs juif du Touat […] et il se pourrait bien que ce fussent eux qui ont introduit l’idée des foggaras dans la partie occidentale du Sahara ".

E.F. Gautier, qui a interrogé les habitants, a appris que " le travail de creusement progressait d’aval en amont, c’est-à-dire qu’on a attaqué la nappe souterraine à son point d’affleurement et qu’on a poussé la galerie horizontale jusqu’à ce que le débit soit devenu suffisant " .

Au Touat, toutes les foggaras sont orientées dans le sens est-ouest issues de la région du plateau de Tademaït, elles se dirigent vers la ligne perpendiculaire des palmeraies et sont partagées en volume.

Quatre des foggaras de Tamentit sont très particulières; sans doute des vestiges d’un "système primitif ", comme le note j. Vallet , trois d’entre elles passent sous le ksar, la quatrième dans son voisinage et sont toutes orientées dans le sens sud-nord. La foggara Hennou - une de plus anciennes - en est l’exemple type : contrairement aux autres, elle n’est pas alimentée par l’eau de la nappe souterraine, mais par une source. Il faut noter que son niveau d’eau a baissé à plusieurs reprises au cours des siècles, au point qu’on a dû la recreuser plus profond chaque fois. Or, elle passe sous le ksar de Tamentit, à une profondeur considérable - ce qui atteste son ancienneté, puisqu’on ne peut imaginer que son percement ait été réalisé après la construction de la ville fondée en 517. Là encore, certains auteurs n’hésitent pas à voir la main de la communauté juive.

Ainsi, pour J.-C. Echallier, " la foggara Hennou de Tamentit […] serait l’ouvrage des Juifs […] ".

Hypothèse reprise avec insistance par E-F. Gautier, qui écrit : "Au Gourara et dans tout le Touat septentrional, les beaux travaux d’irrigation, orgueil des oasis, aqueducs souterrains, puits artésiens, les traditions en font honneur aux Juifs ". " La gloire des oasis ce sont leurs fgagir. […] La foggara Hennou de Tamentit et toutes les foggara mortes comprises entre Zaouiet Sidi Bekri et Beni Tameur seraient l’ouvrage des Juifs ".

Le système de distribution de l’eau dans la palmeraie de Tamentit est du reste différente de ce qui existe ailleurs ; ici il s’agit d’une " foggara horaire " : la répartition ne se fait pas en quantité et en volume; nul besoin de "peignes " d’où partiraient des "séguias " (canaux d’irrigation) plus ou moins importantes. La foggara est obstruée une ou deux fois le jour, pour permettre de reconstituer le niveau requis, puis libérée pour un temps donné, proportionnel à la contribution versée par le bénéficiaire. Nous pouvons supposer que la nature de cette foggara issue d’une source est peut-être à l’origine du nom de Tamentit donné à la capitale du Touat, à partir de " aman " (l’eau) et de " tit " (la source).


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