Algérie

«Les événements du 8 Mai 1945 m'ont poussé à me rebeller» Rachid Mekhloufi. Figure emblématique de l'équipe du FLN




«Les événements du 8 Mai 1945 m'ont poussé à me rebeller»                                    Rachid Mekhloufi. Figure emblématique de l'équipe du FLN
Rachid Mekhloufi figure parmi les personnages du documentaire Les rebelles du foot, que diffusera demain la chaîne franco-allemande Arte (20h35). Mis en musique par Eric Cantona, le film retrace le parcours de cinq footballeurs qui se sont mis en danger pour faire triompher leurs idéaux. Présent lors de l'avant-première, l'ex goléador de l'équipe du FLN a accepté de revenir sur cette fabuleuse épopée humaine en livrant quelques anecdotes inédites.
-Pour quelles raisons avez-vous accepté de participer à ce projet '
J'ai tout de suite accepté. C'est un message pour la jeunesse du monde entier qui est un petit peu perdue. J'estime que c'est mon devoir de leur expliquer. On est en train de les emmener vers des voies sans issue. Regardez les problèmes économiques de la Grèce, du Portugal, de l'Espagne. Ce n'est pas la joie. On va vers la catastrophe ! Il n'y a que l'Algérie qui mène une politique économique extraordinaire en prêtant aux pays capitalistes (rires). J'espère que la diffusion de ce film sera étendue.
-Comment votre départ avait-il été perçu, en France, par le monde du football '
La majorité a compris ce départ. Ils avaient connu une situation qui était presque la même pendant l'occupation. C'est pour cela que mon retour à Saint-Etienne a été totalement accepté de la part du public, mais en tant que joueur.
-Cela veut-il dire que vous n'avez pas été accepté en tant qu'Algérien '
Non. D'habitude, ils étaient 7 à 8000 personnes à garnir les tribunes. Ce jour-là, pour mon retour, leur nombre était de 20 000. Quand je suis rentré le climat était glacial. Je prends le ballon, je fais un grigri, et subitement c'est l'ovation ! Donc ils sont venus voir le footballeur, pas l'homme. Le public stéphanois est connaisseur. Il transmet de père en fils l'histoire des Verts.
-Est-ce que c'est plus difficile de s'engager quand on est un sportif, un chanteur ou un comédien ' Il semblerait qu'on n'attend du footballeur que d'être bon sur le terrain'
Le chanteur ou le comédien est seul. Le footballeur s'inscrit dans une équipe. Si on a la chance d'être dans une équipe performante, on ne peut que faire des résultats et encourager les gens à faire des actions importantes. Ce groupe, qu'on le veuille ou non, formait une grande équipe. Il pouvait gagner n'importe quelle coupe du monde. Je le dis en tant que technicien et non en tant que militant. Il y avait de superbes joueurs qui m'ont beaucoup apporté. J'ai profité au maximum de leurs connaissances de footballeur et d'homme. Si je ne les avais pas fréquentés, j'aurais peut être été muet (rires). Quand je dis cela, les gens sont un peu étonnés. A l'heure actuelle, les joueurs professionnels ont-ils la possibilité de développer un sujet footballistique, politique, économique' ' Les anciens joueurs avaient un autre niveau. Brahimi était un médecin de la parole, Bouchouk était pharmacien, Bentifour'. Chacun avait la possibilité de s'exprimer. C'est pour cela que les responsables du FLN n'avaient pas peur qu'on dise des «bêtises» (rires).
-Qu'est-ce qui a fait que les choses ont changé dans ce milieu footballistique '
C'est à cause des banques, de l'argent, des sponsors. La FIFA a ses torts dans cette procédure. Elle doit absolument préserver le football, sinon il arrivera un jour où les sponsors abandonneront ce sport. On se retrouvera alors avec des centaines et des centaines de chômeurs. On veut de plus en plus d'argent, de recettes, de primes. J'espère que Michel Platini n'interdira pas mais réduira cela. L'argent dans le monde a toujours corrompu les personnes.
-Est-ce davantage dans la nature de l'attaquant de se rebeller '
Je me suis rebellé parce que j'ai des antécédents. A neuf ans, j'ai vu des choses (ndlr, les massacres de Sétif en 1945). Sétif, c'est quelque chose de terrible pour un gamin qui jouait au football. Cela m'a amené à accepter la proposition du FLN en 1958. J'avais un petit problème à l'époque, car j'étais militaire. J'étais déserteur. Mon père a reçu à Sétif une convocation de la police demandant au procureur de la ville d'arrêter telle ou telle personne et de les mettre en prison. J'étais loin'le canard ouvre l''il (rires).
-Etiez-vous conscient de la portée politique de vos actes '
Quand vous êtes dans ce genre de situation, si vous réfléchissez vous êtes «foutu». C'est un moment où l'on oublie tout. Je me souviens par contre qu'à Alger, dans les années difficiles, en 1958-59, un monsieur vient, se présente et me dit que c'est un moujahid qui fait la guerre d'Algérie. Et il ajoute : «Vous ne pouvez pas imaginer l'aide que vous nous avez apportée quand vous avez fait votre coup. On était un peu en difficulté, sans arme'vous nous avez donné un souffle extraordinaire.» C'était un bonhomme qui avait les armes à la main, face aux chars et qui nous dit cela (souffle d'étonnement). Quand vous entendez aussi, Ferhat Abbas, le président de l'Algérie, dire : «Vous avez fait avancer la révolution de dix ans», cela signifie qu'on a supprimé dix ans de guerre, de pertes d'un côté comme de l'autre.
-On a fêté le cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie. Ce film a-t-il une résonance particulière '
Je voudrais que ce film passe en Algérie. J'estime que c'est une obligation qu'il soit diffusé. Il n'y a pas de contraintes. Je vais tout faire pour qu'il soit montré. C'est une reconnaissance pour tous les autres joueurs qui ont participé à ce film.
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