Algérie

Les Etats, les marchands et l'histoire




A «hauts risques» la visite de Nicolas Sarkozy en Algérie ? La presse française, à des exceptions notables, aime beaucoup dramatiser et on peut supposer, d'après ce que l'on connaît du président français, que cela ne lui déplaît pas que ce voyage paraisse, médiatiquement parlant, comme un exercice aussi difficile que l'escalade de l'Everest. Soyons sérieux, le président français n'est pas dans une banlieue française à «pacifier» au Kärcher, il est dans une visite d'Etat où la marge de surprise n'est pas grande. Ce n'est pas sérieux d'écrire que M. Mohamed Chérif Abbas a été «écarté» du comité d'accueil alors qu'il n'a manifestement aucune envie d'en faire partie. Nos collègues hexagonaux veulent en faire la visite de «Sarkozy contre Abbas», elle ne l'est pas. Le ministre des Moudjahidine a fait dans l'excès, le chef de l'Etat français sait en faire trop aussi, comme de lancer un épouvantable «il y a trop de musulmans en Europe». Sans que cela fasse désordre, bien entendu, dans la presse. La visite de Sarkozy n'est ni un tournant ni un élan, mais une banale continuité de ce qui existe. Ce qui existe, c'est une divergence totale sur les questions mémorielles, sur l'appréciation de ce qu'était le fait colonial et ses effets sur la société algérienne. Dans ce domaine, il faut dire que la parenthèse ouverte par la tentative d'élaborer un traité d'amitié est close pour longtemps. C'est du côté de la société civile que les choses pourront évoluer, car du côté des Etats, il y aura toujours et encore des surenchères politiques qui viendront obstruer le mouvement et créer de nouveaux obstacles. Les choses étant ce qu'elles sont, c'est moins Chérif Abbas et les anciens moudjahidine qui expriment la réalité de la relation franco-algérienne qu'un Rédha Hamiani, patron et chef d'une organisation patronale. C'est le business, les échanges commerciaux. Il n'y a aucun mal à convenir que c'est ce qui se passe relativement le mieux dans la relation. C'est ainsi et il n'est pas nécessaire de faire dans la littérature et de l'enrober d'inutile poésie en inventant la formule de «traité d'amitié simplifié». Il est totalement logique qu'après la première rencontre d'usage entre les deux chefs d'Etat, Nicolas Sarkozy aille parler devant un aréopage d'hommes d'affaires français et algériens. Hier, au Sheraton, avant l'arrivée du président français, ils échangeaient simplement en se disant ce qu'ils souhaitent, ce qu'ils peuvent, en parlant du problème du foncier, du système bancaire. Les relations économiques sont si importantes et les intérêts tellement imbriqués qu'ils n'ont pas besoin d'un «supplément d'âme». Il vaut mieux être terre à terre, parler sérieusement affaires, échanges, visas... Quant à l'histoire, elle n'a pas besoin de Sarkozy pour dire que le colonialisme fut une totale abjection. C'est un travail que les historiens, de France et d'Algérie, mènent sérieusement depuis longtemps. Ce sont eux le meilleur de la relation algéro-française et ce n'est pas une surprise qu'ils soient en avance sur les Etats et sur les marchands.
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