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Les émigrés en d'énormes et sonores congratulations



Les émigrés en d'énormes et sonores congratulations
L'ambiance est aux grandes retrouvailles, difficilement contenues, avec d'énormes congratulations et de grosses bises sonores, accompagnées d'accolades interminables. A l'image de cette vieille, arborant la tenue traditionnelle kabyle, qui ne fait pas cas de la barrière protectrice pour aller à la rencontre de ses proches agglutinés, nombreux, derrière la grille du port. Avant d'arriver à destination, elle est rappelée à l'ordre par un agent de police qui lui enjoint poliment mais fermement d'attendre d'en finir avec toutes les formalités pour quitter les lieux. La septuagénaire ne l'entend pas de cette oreille. Elle rétorque que « la séparation n'attend pas les formalités pour casser l'impatience de serrer contre sa poitrine ses proches que l'on a désespéré un jour de revoir, surtout que cette même séparation s'est bien échinée, à force de pleurs et d'inquiétudes, à sacrifier cette rencontre remise d'année en année. Alors j'y suis, j'y reste. La vieille joint le geste à la parole, échappant à son gardien. Le policier, las de remettre ça, s'occupe plutôt de surveiller les autres arrivants pour se parer contre toute autre mauvaise surprise. La dame, est, elle, à présent, dans les bras robustes d'un grand jeune homme qu'elle ne cesse de regarder et de soupeser du coin de l''il. Lui, amusé, se laisse faire, se prêtant même au jeu de sa mère dont il n'a pas revu le visage tant aimé depuis que les événements dans le pays ne le lui ont pas permis, d'autant que lui-même ne peut effectuer le déplacement en raison de sa situation encore bloquée vis-à-vis du service national. Derrière le portail, du monde, beaucoup de monde. Les tracasseries sont évidemment du lot. A la douane, il y a toujours ces récalcitrants face à l'intransigeance des hommes en gris sévère. Les plus malins ont fait embarquer pratiquement toutes leurs affaires dans leur véhicule. Sur le toit, dans la malle, à l'intérieur de la voiture, tout est sens dessus dessous, pêle-mêle, anarchiquement disposé, à faire vomir le véhicule qui échappe à la saisie, selon les habitués. Et tout y passe, des vieux meubles aux articles les plus anodins. C'est aussi cela l'image cliché de l'émigré qui revient chez lui, chargé d'un présent pour chaque membre de la famille.Youyous, klaxons, odeursSur place, les premiers à sortir sont accueillis par des salves de youyous qui créent des embouteillages à l'amorce de l'avenue de l'ALN, mal digérés par les agents de la sûreté de faction aux alentours du port qui déverse sa marée humaine sans discontinuer. La fatigue est vite effacée devant le bonheur de revoir les siens. La colère provoquée par les uns et les mille tracas du voyage se dissipent peu à peu pour laisser la béatitude de l'accostage face à l'incomparable beauté de la baie d'Alger, prendre place et se faire remplacer par des cris de joie et d'enthousiasme, dont les passants se rient, eux qui voudraient tant partir et changer d'horizon. Dans un grand brouhaha, les voitures démarrent en trombe, laissant aux autres, qui attendent encore sous un soleil de zénith, un gros nuage de poussière et le crissement de pneus dans les oreilles encore sous l'effet des klaxons sans répit des automobilistes, gênés dans leur circulation. Kader montre son impatience à regagner enfin son douar d'origine, la-bàs à Draa El Mizan. Il est pressé d'y être, d'autant que le voyage ne s'est pas bien passé, entre réservations, reports, retards, non sans avoir épuisé toute voie de recours, après que le déplacement par avion s'est avéré vain, vu les interminables files d'attente sur l'avenue de l'Opéra, à Paris, au niveau de l'agence Air Algérie. Kader s'est rabattu sur d'autres destinations pour faire rallier l'Algérie au reste de sa famille et pas fatalement via la capitale. Il y en a qui ont dû se rabattre sur les pays voisins du Maghreb ou encore par l'Espagne, la Belgique... « Un détours qui, j'espère, en vaut la peine » confie ce jeune beur, absent du pays depuis 1994. Une longue absence qu'il a ressentie comme une déchirure, même s'il n'est pas né dans le pays. « Ce sont les parents qui nous ont habitués à venir passer quelques semaines au village. Ils disent que l'on ne sait jamais, la vie n'épargne personne et il faut donc songer à avoir un pied-à-terre, ne serait-ce que pour un coin où enterrer les siens sans à avoir à s'embêter une fois la mort venue ».Quelques semaines de saveurs authentiquesCette nombreuse famille a du mal à contenir son impatience. Visiblement, il n' y a personne pour elle. « Heureusement, nous n'allons pas tout de suite sur Sétif, sans quoi nous nous serions perdus. Il nous reste à trouver un taxi pour rejoindre notre famille à Alger. Demain nous serons à Sétif » commente la mère, exténuée par le long voyage depuis la Normandie. Son empressement est de se voir avec les enfants en bord de mer pour le reste du programme des vacances au pays. Elle hume déjà l'air marin de la corniche béjaouie où sa famille a, chaque année élu domicile pour les grandes vacances, surtout maintenant que le pays est mieux. Parole d'émigrée forcée à l'exil et débarrassée de tout accabit nostalgique stéréotypé. Ceux qui ont choisi de monter au bled ne comptent pas en repartir sans avoir goûté aux savoureuses figues. Pas de programme spécial, à cause des grosses chaleurs, sinon les longues promenades à l'aube ou au crépuscule, les fêtes de mariage et autres célébrations traditionnelles, ou encore les longues veillées dans les ruelles étroites au seuil des maisonnées, pas encore touchées par le modernisme qui a dénaturé la Kabylie. Les vieilles demeures sont si fraîches ! Omar y séjourne avec toute la famille. Il fait initier ainsi les enfants aux traditions du pays et à la pratique de la langue. Un devoir, plus qu'une corvée, même s'il n'est pas évident d'avoir l'adhésion de tous, reconnaît ce père de famille qui, lui, vient plus souvent pour superviser, en personne, l'état d'avancement des travaux de la construction familiale : « Nous n'avons pas de pays de rechange. Il va nous falloir bien y revenir un jour ou l'autre ! » lâche Omar. Sur l'autoroute est, il n'y a pas un jour qui passe sans que le regard croise les toits de voitures immatriculées dans différentes villes de France ou de Belgique se suivre presque à la queue leu leu dans des moments de grands trafics. Un retour au pays qui augure pour beaucoup d'une grande amélioration de la situation en Algérie. Beaucoup d'entre eux, rencontrés au hasard d'une halte en Kabylie ou sur une plage d'Alger, se disent surpris de voir le pays ainsi, sans aucune trace des violences et des années de destructions qui ont touché plusieurs édifices et instituions. « C'est drôle de le dire, mais l'Algérie n'a pas changé » commente cet ouvrier à la ville de Paris, à son escale à Alger. Lui, comme tous les autres, se font d'ores et déjà une revanche de contredire les qu'en dira-t-on de là-bas. C'est la promesse de Aziz qui rase les murs d'une cité dortoir de Lyon, « où il ne cesse de faire la sourde oreille aux commentaires des copains empruntés aux médias, sans pitié pour tout ce qui vient d'Algérie. Moi-même j'avais peur de venir ! Et voilà je suis quand même venu "bessif". Les parents, qu'est- ce que tu veux ! » Et il en a des choses à raconter, Aziz, « malgré la galère du voyage, de la longue file d'attente aux guichets de la police des frontières, à ceux des douanes, sans compter les insupportables bouchons incompréhensibles sur les autoroutes. Mais la mer est si belle. Elle n'est nulle part ailleurs aussi belle. Quelle chance de pouvoir la contempler tous les jours, à portée de main » se laisse aller le jeune beur.


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