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«Les compagnies théâtrales font vibrer le cri du monde»


«Les compagnies théâtrales font vibrer le cri du monde»
C'est parti pour le grand festival Off d'Avignon. Sous une chaleur cette année éprouvante, la cinquantième édition, du 4 au 26 juillet, verra intervenir plus de 1000 compagnies qui présenteront 1336 spectacles, de toutes les esthétiques du spectacle vivant. On comptera également 126 spectacles joués par des artistes venus de 27 pays étrangers. Greg Germain, président d'Avignon Festival & Compagnies ? Le Off, nous en parle.- Dans quel état s'est préparée cette cinquantième édition du festival Off 'L'état d'esprit est combattif, évidemment, comme à chaque fois qu'on aborde un festival comme le nôtre. J'avoue que cette année sera plus consensuelle, parce que moins tourmentée que l'an dernier où on a eu de graves problèmes qui ont frappé la profession au sujet de l'intermittence du spectacle et qui se sont répercutés sur le Off qui est le plus grand théâtre du monde, en tout cas le premier rassemblement artistique des gens de théâtre. C'est aussi une grosse caisse de résonance puisqu'il y a des centaines de compagnies qui font vibrer le cri du monde.- Ce festival est en même temps très organisé, mais aussi très libertaire, chacun y apportant ce qu'il peut et ce qu'il veut. Cette symbiose assez étonnante, est-ce un miracle 'Non, je pense que c'est le monde. Le monde est comme ça, il parle, bien, mal, mais il s'exprime. C'est comme çà et pourquoi les gens s'expriment comme ça, librement ! C'est peut-être pour cela que l'Etat ne reconnait pas ce rassemblement. Le ministère de la Culture refuse de regarder ce festival, je dis bien refuse. Le ministre, quel qu'il soit, ne répond jamais à mes lettres. Par peur qu'on leur demande de l'argent ' Je pense justement que le Off n'en a pas besoin. C'est peut-être pour ça que ça marche?- Comment fonctionne le Off d'Avignon 'Je dois expliquer deux choses. D'abord, le Off c'est le marché du théâtre? Nous sommes paradoxalement dans un pays où on fait du théâtre depuis des centaines d'années et il n'y a pas de marché avoué du théâtre. Le théâtre, capturé par la bourgeoisie, gardé jalousement par les ministères, ne se prête pas au marché. Les gens que le ministère a décidé de soutenir échangent entre eux, ce qui fait qu'il n'y a pas de place pour celui qui veut y entrer.Or, aujourd'hui la France a changé, c'est aussi la Plaine St Denis, les villages et les banlieues, c'est aussi ces gens qui viennent du Maghreb, de la Martinique, d'Afrique et qui n'ont pas accès aux scènes nationales ou aux centre dramatiques nationaux et ils n'ont pas de lieu. Ils viennent au Off pour s'exprimer. Ils louent un espace horaire dans un théâtre et ils jouent parce que c'est un acte fondamental pour eux, peut-être fondateur d'une carrière, en tout cas fondateur d'un esprit artistique.- Depuis les premières scènes du Off il y a une cinquantaine d'années à aujourd'hui, le Off a évolué. C'est impressionnant pour vous qui en êtes un des cofondateurs avec André Benedetto décédé il y a six ans 'C'est le travail que nous avons réalisé et il était nécessaire pour les compagnies. Il est normal que leur travail soit tiré par le haut et non vers le bas. Pour moi, que la fréquentation artistique soit constamment en hausse au Off, cela tire vers le haut. Il ne faut pas se focaliser sur une centaine de pièces de gros rire dont je vous passe les titres, il y a aussi un vrai théâtre et de la réflexion. Ne serait-ce que par notre initiative de primer des textes. Nous avons mis en place les éditions du Off pour encourager quelques textes dans plusieurs catégories. C'est enrichissant pour la profession mais, fondamentalement, dans quel autre lieu trouve-t-on 1300 spectacles joués chaque jour pendant presque un mois '- Il y a peut-être une question que nos lecteurs se posent à Alger : est-ce qu'on ne peut pas aider nos troupes à venir à Avignon ' Peut-il y avoir de la part du festival une proposition en ce sens 'Oui, je dis clairement oui, puisque j'ai signé des partenariats avec la Chine, Taiwan, Okinawa au Japon. On peut très bien signer un partenariat avec un collectif de compagnies ou le ministère de la Culture d'Algérie qui nous dirait : «Moi, j'ai besoin d'envoyer des compagnies, je n'ai pas beaucoup d'argent mais j'ai des propositions artistiques.Comment faire pour que mes compagnies d'Algérie puissent jouer dans le Off, montrer ce qu'elles savent faire, apprendre aussi des autres '» Je crois qu'on peut s'assoir autour d'une table et voir la meilleure façon de faire, comme je l'ai fait dans d'autres pays, les Allemands, les Polonais? Le Off ne peut bien sûr pas payer des billets de transport, ni la location d'un théâtre, mais le Off peut chercher des hébergements, mettre sa force au service des troupes, comme trouver un théâtre qui louerait moins cher ou coproduirait? On peut faire des choses.- Ces derniers mois, des thèmes qui vous sont chers ont fait l'actualité. D'abord le Mémorial de l'esclavage, en Guadeloupe d'où vous êtes natif, et les propos de François Hollande sur la faute imprescriptible envers Haïti. Qu'en avez-vous pensé 'Un peuple qui fait un devoir de mémoire se grandit. C'est extraordinaire, mais c'est comme ça. Et ce n'est pas de la repentance. Quand j'entends certains refuser de reconnaître les erreurs du passé parce que ce serait de la repentance, je trouve courageux de la part de ce Président que l'on dit «sans colonne vertébrale» d'avoir inauguré ce mémorial qui est le plus grand sur la traite négrière et l'esclavage, sur une histoire douloureuse qui est une histoire de l'humanité assez singulière.Il faut dire qu'il y a eu une friction de deux grands mondes. Hollande a réparé une vraie injustice en Haïti, un peuple qui a conquis son indépendance et qu'on a continué de la lui faire payer chèrement, 150 millions de francs or pour compenser la perte des colons, c'est scandaleux, car ça a laissé le pays exsangue.




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