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«Les catégories moyennes ont été abandonnées»




«Les catégories moyennes ont été abandonnées»
-La classe moyenne est une sorte de classe de promotion sociale pour les classes populaires. Pensez-vous qu'en Algérie les conditions de ce passage existent 'L'enseignement et l'entreprise publique étaient les principaux moyens d'opérer cette promotion pour beaucoup de catégories populaires à travers le diplôme universitaire et le poste d'emploi dans le secteur public. Cela s'est largement produit jusqu'à la seconde moitié des années 1980. Par la suite, ce passage au niveau supérieur est devenu de plus en plus difficile, particulièrement en raison de la crise qui secoue l'université et le système éducatif d'une manière générale et qui l'empêche de jouer ce rôle «d'ascenseur» qu'il a mené à la perfection à partir de l'indépendance et jusqu'au début des années 1980.Ce constat vaut aussi pour l'entreprise publique. Il ne faut pas non plus oublier que les choix économiques des années 1990 ont lourdement impacté les catégories moyennes, dont la situation économique s'est détériorée autant que sa symbolique dans la société. Beaucoup de salariés qui étaient employés dans le secteur public se sont sentis abandonnés par l'Etat qui se tournait davantage vers les autres catégories supérieures ou même pauvres. Cela est visible notamment en matière de logement.Les habitants d'un bidonville ont plus de chances d'obtenir un logement parce qu'ils vont brûler des pneus et couper des routes qu'un enseignant ou un journaliste qui, lui, va se retrouver sur une liste d'attente pendant des années. Bien entendu, les choix économiques n'ont pas eu le même impact négatif sur toutes les catégories moyennes. Certaines ont profité de l'ouverture économique et se sont dirigées vers le secteur privé, devenant des employeurs au lieu d'être employés. D'autres, moins nombreuses ont également profité économiquement de la situation en travaillant pour le compte de multinationales.-Il y a, en Algérie, une catégorie de population intermédiaire entre les riches et les pauvres. Peut-on la qualifier de classe moyenne en se basant sur ce seul critère 'Je préfère, quand il s'agit de l'Algérie, utiliser le terme «catégorie» plutôt que «classe» au vu de la grande diversité qui les caractérise et de leur hétérogénéité et cela pas seulement chez nous, mais aussi ailleurs dans le monde. Ces catégories occupent une position intermédiaire du point de vue de leur statut économique et social, ainsi que de leurs spécificités culturelles et leur rôle socio-politique.Le peu d'études ayant été conduites dans le monde et qui sont quasiment inexistantes en Algérie sur ces catégories-là indiquent que le revenu et la situation économique ne constituent pas le seul critère d'identification de ces catégories. Il y en d'autres comme, par exemple, le type de consommation matérielle, sociale et culturelle ou encore le lieu d'habitation.Tout cela permet des distinctions entre les catégories moyennes et populaires d'un côté, et les catégories moyennes et bourgeoises d'un autre. Ceci peut se remarquer dans le regard qui est porté par la société sur le médecin, plus valorisé car instruit, avec un mode de vie différent du nouveau riche parvenu (beggar), qui est méprisé bien qu'il soit aisé financièrement. Ce sont ces catégories moyennes qui vont voir des spectacles (toute proportion gardée), qui lisent le plus les journaux et les livres, ou du moins qui sont censées le faire. Evidemment, il faut bien vérifier qu'en Algérie ces catégories accomplissent ces rôles et ont conscience de leurs spécificités par rapport aux catégories populaires et riches.-Au-delà de sa dimension sociale et économique, la classe moyenne joue-t-elle son rôle politique 'Les catégories moyennes en Algérie souffrent d'une dissension sur les plans culturel et linguistique, comparativement aux autres pays maghrébins par exemple. Je pense que ces particularités font qu'elles vivent un certain isolement s'agissant de leurs relations avec les couches populaires, ce qui les empêche d'accomplir tous leurs rôles politiques et culturels.Certaines personnes choisissent l'exil. D'autres, parmi les plus âgées, vivent une situation d'inadaptation avec la société avec le sentiment de ne pas être écoutées. Avant, l'enseignant se présentait aux élections, tout en sachant qu'elles allaient être truquées. L'Etat-nation a abandonné les catégories moyennes et se tourne davantage vers celles de niveaux supérieurs, dans une situation économique meilleure.Il suffit de regarder le rôle joué par ceux qu'on appelle «Shab echkara» dans les élections présidentielles pour s'en convaincre, ce qui risque d'aggraver encore, à court et moyen termes, la crise du système politique dont la base sociale a muté des catégories moyennes vers les catégories riches et aisées.


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