
Le 8 Mai 1945 est l'un des chantiers de la mémoire qui restent encore en suspens. L'avenir ne pouvant se construire sans la connaissance et la reconnaissance du passé, il est des haltes historiques qui s'imposent pour choisir les mots à la hauteur de la gravité des événements vécus par les populations dans leur chair.Il est vrai que la paix des mémoires «se construit à deux», mais il y a toujours une partie plus impliquée que l'autre dans le déroulement des faits et devant assumer pleinement, devant l'histoire, la responsabilité des traumatismes qui en ont découlé. Dans les dossiers post-coloniaux, l'ex-puissance coloniale est la seule partie tenue de répondre de l'ensemble des faits. Il y a du chemin à faire avant d'arriver à la reconnaissance des sinistres «enfumades du Dahra» commises par le corps expéditionnaire français en juin 1845, anéantissant des populations civiles qui se réfugiaient dans les grottes pour fuir les combats.Une technique de guerre non conventionnelle qui sera adoptée un siècle plus tard au c?ur de l'Europe, sous une forme «industrialisée» et qui finira par être qualifiée par la mémoire universelle de «mal absolu».Des épisodes plus récents de l'histoire coloniale en Algérie demeurent des livres fermés et des archives oubliées. Les mots des officiels outre-mer n'ont pas encore atteint la «lucidité» promise en campagne électorale ainsi que le courage que commande la gravité des moments et des faits.Entre «profondément injuste» et «injustice profonde», les déclarations des deux derniers présidents français à propos du système colonial n'ont pas convaincu, à juste titre, la partie algérienne.D'autant plus que, après chacune de ces esquisses de reconnaissance, des audiences et des mots sont réservés à la communauté «rapatriée», comme pour culpabiliser le pays qui aurait mal géré son passage à l'indépendance.Demain 8 mai, en pays d'Europe, c'est la victoire sur le nazisme qui sera fêtée. En Algérie, c'est le souvenir d'un massacre qui a été la seule réponse du colonialisme à une population jusque-là «indigène», mais qui croyait avoir droit à une part de cette liberté gagnée en Europe, après une Guerre mondiale à laquelle elle avait participé. Une décennie plus tard, en 1954, la même population était mûre pour une autre guerre, celle de son indépendance.Ce n'est que 37 ans après la victoire sur le colonialisme et l'accession à l'indépendance que la France se résoudra, en 1999, à prononcer le terme de «guerre» d'Algérie en lieu et place d'«événements». Quelques années plus tard, en 2005, l'histoire bégaie et des parlementaires tentèrent de consacrer dans la loi hexagonale «le rôle positif de la colonisation», mais l'écho de cette proposition fut assourdissant : le colonialisme n'a été que massacres, tortures, exactions? Le seul bienfait, pour une nation et ses partenaires, est celui d'une mémoire assumée et d'une responsabilité reconnue.
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Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Djaffar Tamani
Source : www.elwatan.com