Algérie - A la une

Les belles intentions ne suffisent pas



Pour cause de deuil national de huit jours déclaré après le décès du président Ben Bella, les débats politiques à l'Unique ont été mis en veilleuse cette semaine. Mais la campagne électorale pour les prochaines législatives, ouverte aux représentants des 43 partis en liste, ne s'est pas arrêtée pour autant. A croire que les futurs députés ne sont pas invités pour faire' de la politique. Les obliger à reporter leurs communications aurait-il pu être considéré comme un point négatif dans le carnet de route du projet présidentiel ' Allez savoir' Qu'à cela ne tienne ! les candidats, anciens et nouveaux, connus du grand public ou carrément anonymes, expérimentés des médias ou novices, n'ont donc pas été privés de leurs temps de passage sur les trois chaînes nationales pour venir exposer les grandes lignes (') de leurs programmes respectifs.
Constituant pratiquement le seul pôle d'intérêt au cours de cette semaine cathodique en berne remplie de vieux documentaires sur la Révolution algérienne et de témoignages sur la vie du premier président de la République algérienne, les interventions des postulants à la députation à force d'être répétitives, par trop évasives, et très incohérentes ou irréalistes pour certaines, n'ont pas vraiment réussi à capter l'attention du public sur une opération électorale qui peine à s'installer dans le quotidien des Algériens alors que l'échéance approche à grands pas. C'est qu'en plus de la difficulté à convaincre une masse de téléspectateurs sur les sujets qui les touchent directement, celle-ci est pour ainsi mal tombée puisqu'elle a à affronter une certaine concurrence par petit écran interposé qui la prive d'une audience plus conséquente dans une période cruciale où il faut brasser large.
Comparée, en effet, à l'élection présidentielle dans l'Hexagone qui connaîtra dimanche ses premières estimations officielles avec les résultats du premier tour, après une campagne folle et furieuse qui a duré de longs mois et qui aura passionné de bout en bout l'opinion publique française, la nôtre fait grise mine. Bien sûr que les deux scrutins sont différents l'un de l'autre. Que les contextes dans lesquels ils se déroulent ne sont pas les mêmes. Que les sociétés et les enjeux politiques ne se ressemblent pas. Mais si de l'autre côté de la Méditerranée, les médias lourds, les plus influents sur la vie sociale et politique, ont réussi à faire évoluer la campagne électorale dans une ambiance prenante, chez nous c'est plutôt terne avec un fonctionnement de l'appareil audiovisuel qui reste très archaïque aussi bien dans la forme que dans le fond. Comment dès lors s'étonner que les Algériens ne subissent pas, eux aussi, l'ascendant médiatique de l'élection française qui a, dans son dernier virage, atteint une intensité et un suspense dramatique, même si le Parti socialiste version Hollande est donné favori par tous les sondeurs professionnels.
Sans mener une enquête d'opinion, on est pratiquement certain d'affirmer qu'en Algérie la campagne française est très suivie. Aussi bien par les dirigeants, les cadres que par toutes les catégories de travailleurs, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, qui majoritairement ont un penchant naturel pour le combat de la gauche contre l'idéologie d'extrême droite incarnée personnellement par le Président sortant. Dans l'absolu, les Algériens qui sont représentés par une forte communauté d'émigrés en France souhaitent que la gauche l'emporte, mais entre Hollande qui reste malgré lui très dépendant du capitalisme dominant et Jean-Luc Mélenchon qui veut redonner plus d'humanisme à l'image de la France, il y a une réelle sympathie pour ce dernier qui a promis, dans une émission télé, qu'il effectuerait son premier voyage officiel en Algérie s'il était élu Président.
Pour lui, notre pays reste stratégiquement incontournable dans la construction des nouveaux rapports avec les pays du bassin méditerranéen. L'homme ne fait pas dans la démagogie, c'est pourquoi on pense ici qu'avec l'avancée de ses idées, les choses changeront sûrement pour tous les laissés-pour-compte, autour desquels l'étau de la droite s'est encore resserré. En fait, pour le public algérien, l'intérêt de l'élection présidentielle réside dans les vrais changements qu'est appelée à apporter la gauche pour améliorer le sort de la communauté algérienne émigrée trop longtemps exposée à la virulence xénophobe de la majorité en place qui n'a pas trouvé mieux pour se maintenir au pouvoir que d'aller encore plus loin que la Marine fille du papa tortionnaire. En voulant revoir à la baisse les accords sur l'immigration avec l'Algérie, en instrumentalisant outrageusement l'affaire Merah, en remettant sur le tapis le problème des harkis, Sarkozy a voulu indirectement se relancer dans la campagne sur le dos de notre pays.
Il a ainsi perdu le peu d'estime qui lui restait, renforçant en tout cas le sentiment que son départ est la meilleure chose qui puisse arriver à une France avec laquelle l'Algérie à intérêt à développer des relations plus cordiales, moins passionnées. Cela dit, on aurait aimé que notre campagne électorale à nous soit plus vivante, plus enthousiasmante. Mais avec quoi, et avec qui ' A voir la pléthore de partis créés à la va-vite pour faire le plein, c'est le risque de décrédibiliser notre scrutin qui pointe à l'horizon, surtout si on s'acharne à vouloir pousser le citoyen au bureau de vote sans le convaincre sur les raisons qui le motiveraient à le faire. Peut-on construire la démocratie parlementaire avec seulement de belles intentions ' Si donc la campagne paraît grippée, c'est faute de l'inexistence d'un vrai code de campagne qui mettrait, comme l'a dit Bouteflika, les partis politiques et les citoyens face à leurs responsabilités.
Pour l'heure, chacun chante sa partition dans une musique où les fausses notes sont légion. Et en matière de pédagogie politique, c'est Mohammed Harbi, l'historien, avec quelques-uns de ses pairs qui paraissent les mieux avertis pour discerner les scories en affirmant que «la tendance à l'enfermement et l'obsession du contrôle de la société paraissent dangereuses pour une société composée majoritairement de jeunes et qui aspire à être dans un monde en mouvement. Ces pratiques visent à sacraliser la pensée monolithique dominante et à empêcher le développement de l'esprit critique'»


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