Algérie - Revue de Presse

Les aveux d?une ligue tourmentée



Le dernier sommet de la Ligue arabe a constitué, pour la énième fois, l?occasion pour ses membres de manifester leurs atermoiements et dissensions. Quoique que, cette fois-ci, de nouveaux comportements se dessinent et de perceptibles terminologies inhabituelles semblent se dégager.En effet, certains membres ont invectivé véhémentement l?état d?esprit qui règne au niveau des relations interarabes, alors que d?autres ont déploré lamentablement, le sort terrifiant ainsi abouti depuis belle lurette par cette organisation qu?on trimballe, au gré des humeurs et préoccupations conjoncturelles des uns et des autres, comme un cercueil d?un bout à un autre d?une vaste région traversée par tant de déceptions et de drames. Un constat bien triste. C?est comme si tout le monde veut mettre fin, définitivement, à un deuil ambulant qui n?a que trop duré.En attendant, cela n?a pas empêché lors de ce sommet toutes les embrassades habituelles et sourires de façades, ainsi que des élans lyriques et d?objecteurs marqueurs de conscience, pour la circonstance, ainsi que des vulgarisateurs de craintes traumato-sadamiennes. Un gâchis !En réalité, ce fut un aveu d?impuissance malgré quelques recommandations jetées en l?air devant des défis qui dépassent ce regroupement, dès le début de sa constitution originelle, car il fut fondé beaucoup plus sur une image mythique enracinée dans la conscience collective, notamment de celle des pays arabes du Moyen-Orient, que sur une logique de raison d?être et de perspectives d?une intégration effective géopolitique et économique rationnelle de l?ensemble du monde arabe post-indépendant.Nous rappelons que cette ligue a été instituée le 22 mars 1945 par sept pays arabes (1) réunis au Caire, dans un contexte naissant vers la fin d?une guerre mondiale qui a changé, de fond en comble, la face du monde aussi bien du côté des anciens empires coloniaux régionaux que, plus tard, de celui du nouveau émergent, bipolaire, mondialisé, à savoir URSS - USA. En fait, dès sa création, les germes de dissensions la minaient déjà. En effet, l?Egypte de Nahas Pacha, pays du nombre mouvant dans l?incertitude, pour saper les manoeuvres unitaires de l?Irak de Nouri Saïd, inspirateur des assassinats et des pendaisons liés au pouvoir baathiste qui prêchait pour la constitution du « Grand Cham » - la Grande Syrie - regroupant la Palestine, le Liban et la Syrie, l?Irak et la Transjordanie, avait forcé la main aux... Anglais dans ce sens, qui, de leur côté, cherchaient les bonnes grâces de cette union encore sous son « mandat politique » anciennement anti-turc déclinant et allemand pour des raisons géostratégiques. Peu après, l?Empire britannique commençait alors à se désagréger de partout tout en restant ancré à sa devise : « diviser pour régner », aussi bien dans cette région qu?ailleurs. Ce qui fut fait, à ses dépens et surtout de celui dit du panarabisme naissant pêle-mêle jusqu?aux années soixante.Les USA, rompant avec leur isolationnisme en 1941, s?intéressent eux aussi au Moyen-Orient. En 1942, la conférence des Juifs américains à l?hôtel Biltimore à New York consacre l?idée du sionisme et lui donne une autre ampleur décisive. Le retour du peuple juif à la terre promise, est devenu la consécration sublime à atteindre coûte que coûte. Un mythe tenace. Cette rencontre inaugure, également, le début des tourments du panarabisme enfanté dans le giron anglais déclinant au profit des USA. Les Juifs américains, étant plus puissants que ceux de « l?ancienne Europe » décrépite par tant de guerres et d?épreuves, vont désormais influer considérablement la politique extérieure des USA. En avril 1946, ils vont encourager 100.000 survivants des camps nazis à s?installer en Palestine, ainsi que la suppression des restrictions des « achats » de terres par les Juifs. Le tout, conjugué à une compassion de l?opinion publique des USA à l?avantage des Juifs, locaux et surtout de la diaspora, remontés contre les... Anglais anciens ennemis des USA. Ce fut le début de l?ère du « terrorisme libérateur ». Une savante trouvaille truffée de sentimentalisme patriotique refoulé dans le subconscient du peuple américain conditionné, constamment, par un arsenal médiatico-politico-financier redoutable.Le monde arabe de son côté, perdu dans ses mythes antariens tribalisés, beylicalisés, puis bizarrement « anglicanisés », et aveuglément confiant aux Britanniques et aux Français, va être floué sur toute la ligne malgré les résistances sporadiques et les « indépendances » successives des pays arabes dont celle, éphémère, de la Palestine le 31 décembre 1948, et leur adhésion massive mais en rangs et intérêts dispersés à la dite ligue, engagée, malgré elle, dans trois grandes guerres israélo-arabes et qui va se retrouver, à chaque fois, au point de départ sinon pire, par Palestine interposée, et, donc constamment soumise à un dilemme terrible : la paix avec Israël, comme ce fut le cas pour l?Egypte - dont il faut reconnaître qu?elle a payé le prix fort durant ces guerres -, la Jordanie, la Palestine encore sous « mandat en voie de règlement », la Mauritanie pour d?autres considérations et bien d?autres chacun à sa manière... ou le statu quo, confus et lassant, pour les autres membres restant ligués dans l?ancienne approche, pour des questions d?opinions internes respectives, entre autres, et sur lesquelles des milliers de litres d?encre ont été déversés par des analyses effectuées par des élites frustrées, mais aussi par des rengaines et entrains sans lendemains, dont poético-tragiques à tout vent entretenus par des nationalistes, de toute obédience, en mal d?inspiration réaliste, et, pour leur plupart non objectifs et irrationnels (2). La preuve : trois générations, au moins, furent broyées par une mythologie autodestructrice conjuguée à des systèmes de gouvernance instables. Un immense désarroi !Ainsi, Israël a réussi à « équilibrer », paradoxalement, les divergences au sein de la Ligue arabe. C?est-à-dire ni guerre ni paix dans la concertation imposée (...). Une schizophrénie collective entretenue, intelligemment, USA y aidant. Indéniablement, la gestion du temps a été rentable du côté israélien. Une usure psychologique mais qui, par la force des choses, a atteint ses limites en la matière et donc devenue une lame à double tranchant, car d?autres fougues de jeunesse ont apparu de part et d?autre. L?une voulant vivre son temps dans la paix, et, ce sont les jeunes générations israéliennes, alors que l?autre voulant vivre dans l?outre-tombe ou ailleurs à cause des autoritarismes qui la gouvernent. C?est la grande majorité de la jeunesse et... des intellectuels arabes honnêtes. C?est ainsi !Dans ce sillage, d?autres événements ont surgi dans la région depuis 1990 et notamment ces dernières années. On cite les deux guerres du Golfe, dont la dernière qui n?a pas montré tous ses prolongements, la résurgence du jeune mouvement de Hamas en Palestine, le Hezbollah au Liban... et surtout l?Iran redouté aujourd?hui, par les USA et Israël bien évidemment, comme une puissance nucléaire nuisante et d?exemple de turbulences susceptibles de s?ancrer pour longtemps dans la région. Tout un « croissant fertile » scintillant de potentiels dangers se rapprochant, de plus en plus, du c?ur du problème qui est la coexistence pacifique entre Israël et tous ses voisins de proximité et de leurs alentours. A ce titre, le fameux projet buschien du Grand Moyen-Orient - GMO -, inauguré dans une guerre revancharde au terrible 11 septembre 2001 et ses répliques, promettant aux Israéliens une solution consensuelle et finale dans ce sens, s?est bel et bien terminé, lamentablement, par une autre guerre entre Israël et le Hezbollah au Liban; ainsi que l?échec patent de concrétiser les fondements de deux Etats vivants l?un à côté de l?autre. Et bien évidemment, les bourbiers récurrents irakien et à faible degré du Liban confortant pour le moment l?Iran et la Syrie mais qui pourraient constituer, en revanche, des pièges successifs dans le temps et l?espace. Pour tout le monde !Lors de la première guerre du Golfe, un diplomate iranien avait comparé le président défunt Saddam Hussein à un poisson ne pouvant avaler, d?un seul tenant un gros hameçon comme l?Iran, fut par contre piégé par un plus petit qui est le Koweït. Les hasards de l?histoire, et le temps ont fait que l?arroseur est devenu l?arrosé y compris les USA. En fait, une région où tous les pièges seraient désormais permis. Le Hamas pour le Fatah, le Hezbollah pour Israël, le Liban pour la Syrie, l?Irak pour l?Iran... et vice versa. Un cercle vicieux dans tous les sens ! Ceci nous ramène à supposer que le prochain président des USA, se profilant en la personne de John Mac Caine - donné favori par des lobbys influents en tous genres -, avait déclaré que la situation en Irak est catastrophique, en pertes humaines et surtout financières - le débat sur ce dernier point fait rage actuellement aux USA - mais notre présence se poursuivra insiste-t-il. Ce qui laisse entendre que les équilibres en faveur d?Israël seront maintenus, peut-être plus que jamais, et, que les pays arabes - du Golfe - doivent casquer encore plus. Les chiffres annoncés sont faramineux. Ainsi, il exprime nettement ses intentions pour « l?avenir » de la région, bien qu?il existe d?autres situations menaçantes qui vont de la récession interne des USA, causée justement par la guerre en Irak entre autres, aux ambitions de la Chine qui pourrait constituer pour le futur président des USA le souci majeur durant sa mandature et bien d?autres problèmes en suspens. Dans ce même ordre d?idées, la nouvelle stratégie américaine - des lobbys toujours bien évidemment - semble déjà avoir déléguer à d?autres centres d?intérêts sous-traitants définis en certains pays habituels, de l?ancienne Europe, de prendre le relais mais toujours sous la supervision des USA, exige-t-il. Un plan ficelé avec des variantes au fur et a mesure de l?évolution des choses. Le renforcement par la France de sa présence militaire en Afghanistan, s?inscrit dans cette démarche coordonnée et annonçant d?autres. L?affaiblissement de la Chine en tête. Cela a déjà commencé, d?après certains signes avant-coureurs d?isolement interne progressif du régime et sa stigmatisation à la moindre occasion. Son expansionnisme économique tous azimuts dérange et ne s?inscrit surtout pas dans la finance « traditionnelle » mondiale. Comme ce fut, à quelques exceptions près, le cas du Japon un certains temps aujourd?hui bien révolu. Le pôle euro-américain, désormais affiché nettement, semble bien lancer ses équins pour la « grande chevauchée » économique mondiale. Beaucoup de poussières en vue !Le projet pour l?Union de la Méditerranée, ainsi nouvellement défini par Bruxelles, constitue une des pièces maîtresses de cette stratégie jugée celle du siècle en la matière. L?idée en discussion, concertation et maturation, va dévoiler ses tenants et aboutissants au cours de cet été en France qui est, en même temps, conceptrice et facilitatrice dudit projet. Un enjeu décisif pour la crédibilité et l?avenir politico-économique de la rive nord de la Méditerranée, la France en tête ! Pour le moment, les deux bouts extrêmes sudistes du projet ne sont pas encore bien « ficelés », à savoir le Sahara Occidental pour le Maghreb et la Palestine pour le croissant fertile du Moyen-Orient. Ce dernier ressemble étonnement à la Ligue arabe initiale d?inspiration anglaise, tandis que le premier est le prolongement sinueux de l?ex-Afrique du Nord coloniale. Du franco-anglais intercontinental en puissance. Une autre inspiration d?une époque historique tourmentée. Un éternel recommencement dans un autre monde où déjà les pays arabes du Golfe forment une entité à part entière et s?y plaisent dans tous les domaines, y compris de s?en passer, à contrecoeur certainement, d?une Ligue arabe encombrante et qu?en plus inutile. A moins de « jeux de Golfe » programmés ou bien imprévisibles...!En gros, ces trois « mini-ligues » arabes dont deux intègrent, en principe, en leur milieu Israël à qui, lors de ce dernier sommet arabe, certaines résolutions codées ressemblent à des clins d?oeil suggestifs conditionnels à son intention. Pour savoir plus sur ce nouvel agenda, rendez-vous le 14 juillet prochain à Marseille la Méditerranéenne ou Paris l?Européen. En tout cas, les préparatifs vont bon train dans ce sens, pour faire réussir le projet de l?UPM notamment au sud de la Méditerranée dont les pays se débrouillent, à leurs façons, dans cette optique paraissant salvatrice, à plus d?un titre, aux yeux de leurs dirigeants anxieux sur l?évolution du monde liée aux situations internes respectives durant les prochaines années. Un Sud qui restera plein de richesses, de toutes sortes, mais aussi d?épines en tous genres. Ainsi sont faites la géographie et l?histoire dans les contrées du figuier de Barbarie et du cèdre, du pétrole et des trois grandes religions monothéistes !!!  NOTES1- Il s?agit de l?Egypte, l?Arabie saoudite, le Yémen, l?Irak, la Transjordanie, la Syrie, le Liban.2- L?homme de culture égyptien, le défunt Taha Hussein, azhariste de formation, était assez influencé par la pensée dite occidentale. A ce titre, il aimait dire que les philosophes, écrivains, journalistes... européens, lisaient mille pages pour écrire une seule page, alors que dans le monde arabe c?est l?inverse. Il est utile d?ajouter que cela reste valable aussi, pour d?autres domaines tel celui que nous venons de traiter.





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