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Le rêve inaccompli
Abane Ramdane et Larbi Ben M'hidi, les architectes du congrèsLa mort de Abane Ramdane a été une grande inflexion dans l'histoire de l'Algérie. A sa disparition, on ne parlait plus de révolution, mais de guerre d'Algérie.Séduits ou fascinés, opposés ou réfractaires, le congrès de la Soummam ne laisse personne indifférent, 60 ans après sa tenue au coeur de la Wilaya III historique à Ifri Ouzellaguen, dans la wilaya de Béjaïa. Les historiens s'interrogent toujours sur le génie qui a guidé ces hommes à réaliser un tel exploit en pleine guerre de libération. Ils restent envoûtés par cette vision post-indépendance qui guidait la démarche du chef FLN. Jamais dans l'histoire du Mouvement national une vision aussi claire et lucide n'a été produite par les militants algériens. Car ce regard au-delà de l'écume de la révolution supposait un théoricien. Abane Ramdane était ce chaînon manquant. Un homme dont le destin et l'envergure se confondent avec ceux de sa nation, avec une baie largement ouverte sur la pensée universelle. Il prévoyait la construction d' «un Etat social démocratique et non la restauration d'un état théocratique». Dans l'esprit d'Abane, la prééminence du politique sur le militaire était une garantie sur l'avenir, afin que les rapports dans la société post-coloniale ne soient pas déterminés par la force. Comme il privilégiait la primauté de l'intérieur sur l'extérieur. Chez Abane, la fertilité, de la pensée et l'ampleur de l'action dépassent de très loin son temps. Les 132 années d'occupation coloniale par la France, ont complètement dé-structuré la société algérienne. Face au rouleau compresseur du colonialisme qui débarquait avec armes et bagages culturels solides, il n'y avait pas de conscience nationale suffisamment élaborée à même de résister efficacement. Le Mouvement nationaliste né dans le sillage du monde ouvrier n'était pas porté par une élite capable de se projeter au plan national. Le mouvement indépendantiste était donc dès le départ atrophié, sans profondeur historique.Aux assauts répétés du colonialisme, les Algériens n'avaient rien à opposer que la stratégie du refus et lénergie de l'espoir ce qui était loin de constituer une stratégie d'action et d'émancipation. C'est dans ce contexte de manque de perspectives stratégiques qu'est né le Mouvement national et qui a mené à la guerre de libération. Le congrès de la Soummam a ceci de particulier: l'Algérie pensée par Abane s'est affranchie.Elle ne s'identifie plus par rapport à l'Autre, elle s'affirme en tant que nation avec ses propres ambitions et repères universels comblant ainsi le vide stratégique. Sur le terrain des opérations, l'impact du congrès a été d'une grande efficacité. Car il vient en réponse à un besoin organisationnel qui s'est exprimé deux ans après le déclenchement de la guerre de Libération nationale. La guerre a été déclenchée, mais sans véritables structures. Il fallait donc donner corps à toutes ses actions à travers une plate-forme claire et qui fixe les objectifs de cette lutte. Dans les quatre coins du pays, des actions militaires sont menées par les moudjahidine, mais sans véritable cohésion puisque le cadre organisationnel faisait défaut. Il fallait surtout entretenir cette flamme allumée le 1er Novembre 1954 par un pacte politique couplé avec une stratégie de libération. Tels étaient les défis qui se posaient sur le terrain.Ce n'est qu'après la tenue du congrès, minutieusement préparé par Abane Ramdane, que les missions ont été déterminées et confiées. C'est également grâce à ces assises que la révolution s'est donné des institutions solides et ses porte-paroles légitimes qui lui ont valu une reconnaissance et un soutien sur le plan international. Cela au moment où l'Armée de Libération nationale (l'ALN) s'est dotée d'un encadrement militaire qui lui a ouvert la voie pour poursuivre sereinement sa mission sur le terrain. La guerre de libération a été l'une des plus belles épopées de l'humanité en quête de liberté.Si le souhait d'indépendance de Abane Ramdane et de Larbi Ben M'hidi s'est réalisé et l'Algérie a acquis son indépendance, que reste-t-il -il aujourd'hui des idéaux de cette révolution' Un goût d'inachevé, un rêve inaccompli, tant le chantier de la construction nationale est toujours en cours avec ses coups d'arrêts parfois compromettants.La mort de Abane Ramdane a été une grande inflexion dans l'histoire de l'Algérie. A sa disparition, on ne parlait plus de révolution, mais de guerre d'Algérie. Les chefs militaires ont pris les rênes des actions et les politiques n'avaient pas droit au chapitre. Avec l'assassinat de Abane, l'Algérie avait raté un virage de son histoire. Mais sa boussole il l'a léguée aux générations futures.


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