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Le pôle d'Excellence en mal de réussite !


Le pôle d'Excellence en mal de réussite !
Inauguré en grande pompe par le Premier ministre, le pôle d'Excellence des écoles de commerce de Koléa, présenté censément comme un grand accomplissement dans le secteur universitaire, est devenu en cette rentrée la hantise du ministère de l'Enseignement supérieur.L'entame de l'année universitaire à Koléa s'annonce sérieusement compromise. Et pour cause, un grand nombre d'enseignants et de travailleurs des trois écoles sur les quatre concernées par cette mutation refusent de rejoindre ce nouveau regroupement des établissements universitaires. Le spectre de l'insécurité autour du lieu inquiète les délocalisés. L'éloignement du site et son isolement font aussi craindre aux enseignants de graves bouleversements socioéconomiques et une instabilité qui risque de nuire sérieusement à la qualité des enseignements prodigués.Les protestataires qui disent avoir épuisé toutes les voies de règlement de la question liée à la délocalisation de leurs écoles vers le site de Koléa avaient fini par déposer, au mois de juin dernier, un préavis de grève, un arrêt de travail effectif à partir du premier jour de la rentrée universitaire, sous réserve, avaient-ils précisé, de la mise en œuvre d'une solution satisfaisante avant la date butoir. La missive tombe tel un couperet au cabinet du ministre, branle-bas de combat et communication de crise au ministère. En plein mois d'août, le ministre s'adresse aux contestataires par voie de presse (entretien accordé à El Watan paru le 11 août), une première qui renseigne sur la gravité de la situation et qui en dit long sur le statut particulier des contestataires.Le ministre assure avoir reçu leurs représentants et entendu leurs doléances, il avoue par la même occasion ne pas comprendre les dessous de cette volte-face, il tance les plus récalcitrants et se dit «scandalisé» par leur attitude et les réduit à une minorité malintentionnée, avant de se raviser et s'engager à rouvrir la porte du dialogue, tout en insistant sur le caractère irréversible de la décision de délocalisation. Devant l'ampleur de la grogne, le ministre fait miroiter un traitement privilégié en faveur des enseignants, notamment en matière d'accès au logement.Le wali de Tipasa est vite appelé à la rescousse pour promettre quelques dizaines de logements supplémentaires, mais les besoins du personnel déplacé sont de loin plus considérables et la tentative de marchander l'adhésion des plus indispensables ne parvient pas à dissuader les réfractaires, qui jusqu'à présent n'y voient toujours pas d'autres voies d'issues convenables et campent sur leurs positions «à quelques jours de la rentrée effective et en dépit des rounds de négociations entamées avec les responsables de la tutelle, les deux parties n'ont pas encore réussi à trouver un consensus ; on est en plein imbroglio», tente d'expliquer un membre de la section syndicale.«Il existe parmi les résistants au transfert des disparités ; certains réclament l'accès au logement dans la localité du nouveau site, d'autres rejettent catégoriquement ce déplacement et revendiquent le maintien de leurs établissements sur leurs anciens sites. Ce qui est sûr, c'est que face à l'inflexibilité du ministère, le seul point de consensus entre enseignants et travailleurs est bien le maintien de la grève». C'est ainsi donc que l'entame de l'année universitaire s'en trouve sérieusement compromise dans trois des établissements rattachés au pôle, en l'occurrence l'Ecole des hautes études commerciales (EHEC), l'Ecole nationale supérieure de statistique et d'économie appliquée (ENSSEA)n et l'Ecole supérieure de commerce (ESC) ; seule l'Ecole supérieure de management semble épargnée par les troubles.Ah ! ces fonctionnaires!«Ah, ces fonctionnaires du ministère ! N'ont-ils aucune idée ou feignent-ils d'ignorer ce qui est censé constituer un pôle universitaire ' Ces rassemblements d'établissements d'enseignement et de recherche sont supposés s'asseoir sur une plateforme urbanistique, dont la philosophie de fonctionnement favorise une vie étudiante au sein-même du site. Comment ose-t-on comparer ces structures sans âme disséminées au milieu de nulle part, sans commerces ni services, aux villes universitaires étrangères '» s'interroge un enseignant que nous avons rencontré devant le portail du nouveau site.L'homme a l'air sérieusement affecté. Sous le soleil de plomb de ce début de semaine caniculaire, l'enseignant, haletant, nous invite à l'accompagner à traverser le site à pied jusqu'à l'autre versant de la colline, quelques kilomètres plus loin, pour chercher une bouteille d'eau au restaurant. «J'ai tellement soif que je boirai volontiers de l'eau du robinet, mais comble des combles, les sanitaires sont fermés aujourd'hui, même les agents de nettoyage ont dû quitter ce matin à cause de la rupture d'alimentation en eau potable, et il y a également les pannes électriques qui sont récurrentes depuis l'ouverture du site», se plaint-il. Cette information nous a été confirmée par un agent préposé aux inscriptions des nouveaux étudiants venus des écoles préparatoires d'Oran, de Tlemcen, de Laghouat ou de Constantine. Ils ont dû rebrousser chemin sur Alger, car pénalisés par les pannes d'ordinateurs.Sur le chemin goudronné qui serpente entre les quatre bâtiments flambant neufs, l'agent administratif renchérit : «Nous faisons face à d'innombrables soucis logistiques, une grande partie de notre mobilier est encore au niveau de l'ancien siège, ainsi que la totalité des archives. Les responsables des écoles ne savent plus où donner de la tête entre la gestion du déménagement et les soucis liés au personnel qui refuse de rejoindre le nouveau siège», révèle-t-il. Nous continuons notre marche sans croiser âme qui vive, pas un seul arbre ni le moindre abri entre les bâtiments pour marcher à l'ombre. «On s'était réjoui des arguments des initiateurs de ce projet qui parlaient de proximité et de passerelles académiques jetées entre les écoles ; hélas, sur le terrain, il apparaît très difficile de les rallier à pied sans souffrir le martyre, je crains sérieusement les déluges hivernaux, personne ne partage son parapluie de nos jours'vivement la mise en commun des dispositifs scientifiques», rigole notre enseignant. Au restaurant, nous avons enfin pu «nous désaltérer».Le resto U, situé en contrebas de la nouvelle résidence jouxtant le site, est déjà opérationnel depuis le début de mois de septembre pour prendre en charge la restauration du personnel chargé des inscriptions, mais la désaffection des lieux profite ces jours-ci aux agents de la société de gardiennage privée et aux chauffeurs du transport universitaire Tahkout, qui, en temps normal, n'ont pas le droit de s'y restaurer. «c'est encore le no man's land ! Et il serait bien malheureux de gaspiller toutes ces quantités de nourriture», justifie un des cuisiniers» ; «et puis, c'est du donnant-donnant, car pour rejoindre ce coin perdu, nous autres cuisiniers nous profitons des navettes du Cous alors qu'on n'y a pas droit», poursuit-il.L'endroit est agréable, les cuisines sont propres et bien équipées. «Les restaurants des écoles supérieures ont toujours été réputés par la qualité de leurs mets, celui du nouveau pôle de Koléa, flambant neuf, est encore mieux tenu», précise un responsable. Au menu du jour, du poulet grillé, une salade variée et une corbeille de fruits, s'il vous plaît ! Un collègue de notre sympathique enseignant nous rapporte, amusé, que le chef s'est tout à l'heure présenté pour exprimer ses excuses pour l'absence de la soupe veloutée annoncée au menu faute d'eau courante. «Je n'aimerais pas être à la place du préposé à la vaisselle», rit encore notre enseignant.Le restaurant est situé à l'intérieur du site d'hébergement, une cité mixte où nous avons croisé des filles venues d'Oran ; mine grise et l'air égaré, les braves étudiantes viennent juste de confirmer leurs réservations à la résidence universitaire et de visiter brièvement leurs nouvelles chambres. A notre question sur l'état des chambres, l'une d'elles nous répond à la volée, en souriant : «Les chambres ' C'est une horreur, c'est une horreur !» Et à une autre d'enchaîner : «Mon amie est effarouchée ! C'est vrai que les chambres sont plutôt exiguës, à peine un mètre entre les deux lits, les vitres des fenêtres sont fumées, mais sans rideaux. J'avoue que la vue sur le bois voisin est inquiétante», confie-t-elle.Les deux filles nous quittent pour rejoindre le cous (bus universitaire) qui les ramène à la gare routière ; elles doivent regagner leurs domiciles à Oran avant la fin de la journée. «Nous reviendrons après l'Aïd. Nous espérons que d'ici là, cette cité fantôme reprendra vie.» Notre ami enseignant n'est pas de cet avis : «Je crains que ces pauvres étudiants soient sanctionnés par la raideur du ministère, les professeurs les plus éminents risquent de déserter nos écoles, eux n'ont pas de problème d'embauche, ils sont tellement sollicités par les cabinets et autres établissements étrangers. Quand le chef de cabinet du ministère parle du recrutement d'une centaine de nouveaux professeurs, on ne peut que s'en féliciter, mais pourvu qu'ils aient vraiment les moyens de leur politique.»Son collègue qui été présent lors d'un rassemblement, la veille, à Alger, nous apprend que des bruits courent et que des mesures imminentes en faveur des contestataires vont être annoncées incessamment. Ainsi, soumis à un examen sévère en cette proche rentrée, le ministre de l'Enseignement supérieur qui peine à sortir de cette impasse, semble, selon des indiscrétions officieuses émanant des couloirs du ministère, disposé à accepter les plus cinglantes des compromissions pour dénouer cette crise qui risque de remettre en cause la crédibilité même de la politique de réformes des enseignements supérieurs.





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