Algérie - A la une

Le pétrole des autres


Le pétrole des autres
Depuis le temps que le pétrole change de prix, Omar ne voit vraiment pas ce qui a changé dans sa vie. Il aurait pu ne pas savoir où en est le prix du baril. A la télé, il ne voit que le foot et les films d'action parce qu'il pense qu'il n'y a rien d'autre à voir. Il ne lit jamais les journaux parce qu'il sait à peine lire. Et c'est fatigant de lire les journaux quand on sait à peine lire. Quand le pétrole coûtait plus de 100 dollars le baril, Omar avait perdu, à plus de 40 ans, le seul boulot intéressant qu'il a pu décrocher dans sa vie.Depuis quelques semaines, il se dit qu'objectivement, il devrait vivre pire, maintenant que le pétrole se négocie à moins de 60 dollars le baril. Au fait, c'est quoi un baril ' Déjà qu'il ne s'est jamais posé la question de savoir ce qu'est un million de barils/jour, il ne va pas se fatiguer pour un seul. Il sait pourtant que c'est approximativement ce que produit son pays, mais il ne sait pas vraiment ce que cela rapporte. Il n'a jamais eu l'impression que ça lui rapportait quelque chose à lui, alors il ne va pas s'encombrer de calculs savants pour apprendre ce que ça vaut pour les autres.C'est qui, les autres ' Il ne sait pas exactement. Il y en a qui disent que les «autres sont trop nombreux» et c'est pour ça qu'ils ne laissent plus rien aux? autres. Il y en a qui disent qu'au contraire, ils sont très peu mais le résultat est le même. L'Algérie est riche et les Algériens sont pauvres, Omar a entendu ça, même s'il ne regarde que le foot et l'action à la télé, même s'il ne lit jamais les journaux. Et lui, il est riche ou pauvre ' Il ne sait pas vraiment.Il doit douter qu'il ne roule pas sur l'or mais il est trop digne pour dire qu'il est pauvre. Omar aurait pu dire que quand on n'est ni riche ni pauvre, on est «normal». Mais il n'aime pas trop les termes galvaudés, même s'il sait à peine lire. A plus de 100 dollars le baril, il avait perdu le meilleur job de sa vie et à moins de 60, il vient d'en trouver mieux. Il paraît que ça peut changer du jour au lendemain et qu'il suffit que l'Arabie saoudite décide de produire moins que ce qu'elle produit. Et l'Algérie dans tout ça ' Il paraît qu'elle compte pour du beurre, tellement les «autres» font leur beurre.Est-ce qu'on peut faire du beurre avec du pétrole ' Omar sait seulement qu'on en fait des steaks. Il ne sait pas pourquoi mais Omar vient de se rappeler le «qahouet echoumara» (le café des chômeurs) à Hassi Messaoud, où il s'est retrouvé un jour à attendre un jour et une nuit quelqu'un qui lui avait promis un «contrat Sonatrach». Il n'est jamais venu. Il y a des chômeurs à Hassi Messaoud, pour qu'il y ait un café des chômeurs 'Tout le monde peut aller à Hassi Messaoud. Ceux qui travaillent et ceux qui cherchent du travail. Ceux qui prennent le beurre et l'argent du beurre vont à Genève, à Milan, à Paris, à New York et accessoirement à Alger. Omar a presque oublié qu'il venait d'avoir un boulot intéressant.Normal, il s'est aussi rappelé que ça ne changerait pas grand-chose pour lui. Il veut bien ne plus suivre les prix du pétrole mais il sait que ce n'est pas possible. A moins de devenir sourd, ce qui n'est pas intéressant. Le foot sans commentaires et les films d'action sans le bruit des carambolages, c'est comme des frites sans pommes de terre.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)