Algérie - A la une

Le pari de la dignité


Le pari de la dignité
Le système colonial ayant réduit les Algériens autochtones au rang d'indigènes, après les avoir spoliés et dépossédés de leurs biens, le moment est suffisamment mûr pour passer à l'action armée. Non sans avoir désespéré de la possibilité de recouvrer l'indépendance par les moyens pacifiques de la lutte politique. La répression sanglante du 8 mai 1945 a accéléré la prise de conscience chez les militants nationalistes que le colonisateur ne peut se résoudre à accepter la demande de respect de la dignité du peuple algérien. Et qu'il fallait user d'une autre stratégie pour mettre un terme à la situation d'occupation imposée à l'Algérie depuis 1830, dans un contexte de construction d'empires coloniaux annexionnistes insatiables. La création du Mouvement du triomphe des libertés démocratiques (MTLD) répondait à ce souci de maintenir intacte la flamme nationaliste. Et la préserver de l'essoufflement que pouvait suggérer l'état de mobilisation déclinant du PPA. L'organisation spéciale (OS), créée en 1947, une entité paramilitaire, renseigne déjà sur la détermination des militants engagés à en finir, à terme, avec la soumission et à s'émanciper du joug colonial. Cette organisation, présidée successivement par Belouizdad, Aït Ahmed puis Ben Bella, avait pour mission de préparer, précisément, le passage à la lutte armée. Son démantèlement par l'ennemi, en 1950, ne changea rien à la donne. Le code d'indigénat, qui instaura deux collèges, des citoyens pour les Européens d'Algérie, des sujets, les Algériens musulmans, a achevé d'anéantir le mince espoir que les tenants de l'ordre colonial pouvaient se raviser. Et faire amende honorable. Il fallait neuf voix électorales algériennes pour équivaloir une seule d'un colon. C'en était assez des atteintes à la dignité qui se conjuguaient avec une répression méthodique menée de la part des autorités coloniales françaises à l'encontre de toute voix discordante. Un noyau de militants appelé le groupe des 22 a ainsi pris le taureau par les cornes pour aller au-delà des divisions intestines qui minaient les partis du mouvement national. La période immédiate qui a précédé l'appel à l'insurrection était marquée par des dissensions aggravées par des prétentions de leaderships au sein du Parti du peuple algérien (PPA), en tant que porte-étendard de la revendication indépendantiste. Notamment durant la période comprise entre 1945 et 1946. Les nouvelles scissions qui ont déchiré le MTLD, affaibli par une implosion entre Messalistes et Centralistes, ont conduit à la création, en mars 1954, d'une autre tentative de resserrement des rangs : Comité révolutionnaire d'unité et d'action (Crua). La réunion, le 25 juin 1954, des 22 (tous des anciens de l'OS) avait scellé le principe de recourir aux armes comme nouveau moyen d'action. Mais la déclaration solennelle ne sera rédigée que 4 mois plus tard. Celle-ci, appelant les Algériens à se soulever contre l'occupant, fixe le cap de l'indépendance nationale comme objectif suprême autour duquel devaient se fédérer non seulement les partis politiques en présence, mais aussi l'ensemble de la population. La création du FLN répond à ce besoin de rassemblement de toutes les énergies devant être cristallisées autour de la quête du recouvrement de la souveraineté. L'appel en ce sens est sans ambigüité. Il décrit l'action comme « dirigée uniquement contre le colonialisme, seul ennemi aveugle, qui s'est toujours refusé à accorder la moindre liberté par des moyens de lutte pacifiques. ». Le FLN exige donc que les « autorités françaises [...] reconnaissent, une fois pour toutes, aux peuples qu'elles subjuguent, le droit de disposer d'eux-mêmes », sans quoi il annonce « la continuation de la lutte par tous les moyens jusqu'à la réalisation de [son] but [...] la restauration de l'Etat algérien souverain, démocratique et social, dans le cadre des principes islamiques ». Le FLN prend la précaution de ne pas exclure de l'objectif indépendantiste les autres communautés, annihilant ainsi les préjugés raciaux. L'appel au soulèvement s'est donc adressé à « l'ensemble des communautés d'Algérie, quelles que soient leurs confessions, à rejoindre sa cause ». D'aucuns auront perçu que l'appel du 1er novembre portait sur une stratégie de libération durable et de reconstruction du pays, ainsi que sur une vision prospective d'une République algérienne démocratique et populaire unie et unifiée. Il fallait mesurer la bravoure et la témérité des auteurs de l'initiative, tant l'oppression coloniale était féroce. Ils avaient vu juste. La mobilisation populaire, suscitée par l'appel, garantissait, à elle seule, l'issue des hostilités. Selon le témoignage Mohamed Mechati, également membre des 22, le mot d'ordre de la lutte armée avait été adopté à l'unanimité par le groupe historique. L'une des premières décisions prises à l'issue de cette rencontre avait été le découpage de l'Algérie en cinq zones : les Aurès, confiée à Mustapha Ben Boulaïd, le Nord-Constantinois à Didouche Mourad, la Kabylie, à Krim Belkacem et Amar Ouamrane, Alger et l'Algérois à Rabah Bitat et enfin, l'Oranais à Larbi Ben M'Hidi. Mohamed Boudiaf était, quant à lui, chargé de la coordination entre les zones. Le 1er novembre aura été, aussi bien pour ses acteurs que les observateurs, l'aboutissement d'un long processus de maturation politique dont le fil conducteur est l'aspiration à la liberté et à la dignité. Des valeurs universelles qui ne pouvaient être rétablies que par le recouvrement de l'indépendance. Les militants nationalistes imprégnés de cette culture auront réussi la gageure de faire transcender, d'abord, les clivages entre Algériens pour, ensuite, canaliser, dans une détermination subliminale, une volonté commune d'émancipation citoyenne. En cela, la révolution algérienne, à la fois pour ses nobles objectifs et les valeurs qui l'ont portée, aura servi de source d'inspiration pour tous les peuples opprimés dans le monde.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)