Algérie

Le paradoxe algérien



Les attaques terroristes ainsi que les opérations de racket enregistrées çà et là sont les indices probants que le terrorisme est toujours actif, mais avec la particularité qu?il a perdu l?ampleur des années écoulées : survivant au harcèlement des forces de sécurité et hostiles au repentir, les quelques centaines d?éléments armés qui subsistent encore dans les maquis sont, pour la plupart, encadrés par le GSPC qui, tout en continuant d?agir en Algérie, a décidé d?élargir son champ d?action aux intérêts étrangers dans le pays et à l?extérieur. C?est la contrepartie de son allégeance à Al Qaîda. Les autorités algériennes sont soumises à la nécessité d?adapter leur riposte à ce redéploiement du GSPC qui s?est déjà matérialisé par l?enlèvement de touristes européens dans le Grand Sud par un de ses chefs, Abderazak el Para. Mais force est de relever que le politique ne suit pas encore le sécuritaire et que même, par moments, il le contrecarre. Lorsque les services de police avaient évoqué des retours assez importants au maquis de repentis et signalé la présence de ces derniers parmi les braqueurs de banques, le discours politique officiel ambiant a été ébranlé : la « concorde nationale » et son prolongement la « réconciliation nationale » ne sont plus la panacée en matière de traitement du terrorisme. Or elles constituent l?essentiel du dispositif dit de traitement de la « tragédie nationale » élaboré par le président Bouteflika, lequel ne semble pas disposé à changer de cap. L?assassinat des deux diplomates par le groupe irakien dirigé par Zarqaoui et l?apologie de ce crime tant par le GSPC que par le numéro deux de l?ex-FIS Ali Benhadj - que l?ancien chef d?Etat Ben Bella avait rendu éligible à la concorde nationale - avaient révolté l?opinion publique algérienne. Ce meurtre est venu renforcer la conviction de ceux qui refusent toute main tendue aux terroristes et à leurs commanditaires. Mais leur voix ne se fait pas entendre tant elle est étouffée par les partisans du « grand pardon » qui se recrutent essentiellement dans la sphère politique islamo-conservatrice qu?incarnent les partis islamistes et une frange du FLN et du RND, encore que ce dernier, sous l?impulsion d?Ouyahia, hésite à trop s?engager dans la démarche présidentielle. En revanche, Belkhadem et Aboujoura Soltani tentent, de leur côté, de peser de tout leur poids de ministres d?Etat et de chefs de parti pour amener le président de la République à proposer au référendum sur la « réconciliation nationale » - prévu pour la fin de l?année 2005 - un texte qui dédouane la mouvance islamiste des actes dévastateurs commis ces quinze dernières années et prononce en même temps la clémence de l?Etat algérien à l?égard de ceux qui ont pris les armes. Une sorte de « remake » de la « grâce amnistiante », ce décret qui a permis, fin des années 1990, à des assassins notoires d?échapper à la justice et de recouvrer l?ensemble de leurs droits de citoyens algériens. Ces derniers, dans les villes et villages, ont nargué les familles de leurs victimes et reconstitué, d?une manière informelle, les réseaux intégristes d?hier. Beaucoup, depuis, vivent de manière ostentatoire des fruits du butin constitué dans les razzias et les rackets opérés durant les années de feu. Le grand paradoxe de l?Algérie officielle d?aujourd?hui est qu?elle ambitionne au plan international une place de choix dans la lutte antiterroriste, mais en même temps continue de cultiver le terreau intégriste. Les experts sont pourtant formels : le terrorisme n?est totalement éradiqué que lorsque sa matrice idéologique disparaît. Les exemples foisonnent dans le monde de pays qui, n?ayant pas suivi cette leçon de l?histoire, n?arrêtent pas de subir la violence sous toutes ses formes. Ils en payent un prix très lourd.
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