Le monde dit «arabe»

Midi, l'un des derniers. Il n'en reste pas beaucoup, avant que le monde ne glisse sur ses entames et rotations. Le sujet du jour est la carte vivante. C'est ainsi qu'il faut nommer l'actualité, ce concept du média-synchrone. L'actualité est une forme légèrement décalée du présent. L'enfant aîné de la simultanéité. Et du bref. Les choses se passe sous vos yeux, et en même temps que votre absence. Vous n'avez pas besoin d'être présent pour voir, toucher, sentir et assister et pourtant l'Actualité est la preuve de votre absence. L'actualité est l'ubiquité. C'est le monde en spectacle et en même temps que le Temps. L'actualité est du temps sans nécessité d'espace. Donc l'actualité : cette fausse histoire du monde. Très brève au point où le monde tue la présence du monde. Par où commencer justement ' Difficile. Si vous parlez de la Syrie, vous parlez d'un choix. Pour ou Contre Assad ' Difficile. Si vous êtes pour lui, vous êtes pour ses crimes et pour l'évidence : sa dictature a provoqué la révolte, la révolte a provoqué les meutes et les meutes se déchirent le pays sur le dos d'une révolution juste. Si vous êtes contre lui, on vous accusera d'être pour les hordes, les Djihadistes, l'Etat islamique et le califat qui tue. Sombre pays devenu un trou noir où on entend encore un peuple gémir, des gens mourir et des villages geindre sous le feu et les barils de bombe et sous les lapidations. Libye, un autre trou noir. Kadhafi est mort mais son cadavre est gigantesque, il pourrit à vue d'oeil sous le soleil et multiplie les vers et les hyènes. Passons. L'Egypte ' Une Algérie sans pétrole. Là où l'Algérie est du pétrole sans Etat. Tunisie ' En mode 92 algérien. Le Maroc ' Coincé dans le coin mort, entre le Roi et le rien. Les Arabes d'Arabie ' De la non-histoire climatisée. L'Irak ' Comme écrit autrefois : Saddam a été retrouvé dans un trou, son pays est tombé dans trois autres : chiite, sunnite ou kurde. Ecrire sur Gaza et la Palestine ' C'est un champ du dogme, de la pensée unique et de la violence. Cette violence née de l'impuissance que l'on exerce sur le sien parce que ne pouvant la résoudre.L'Actualité est à la fois ce qui m'implique et fausse mon engagement. Elle me vend le présent mais annule ma présence. C'est une illusion du monde. Un fast-food qui dévore le client, étrangement. Elle permet de regarder mais détruit la vision. Elle enferme en ouvrant l'angle de l'horizon. Elle isole et conditionne. En images, c'est une haute muraille de Chine avec des milliards de trous de serrures. Cela vous donne l'impression de voir tout, mais vous ne pouvez voir le tout qu'en détail et conditionné par la serrure.Le sujet ' La difficulté d'écrire sur un sujet dans le monde dit «arabe» aujourd'hui. La terra incognita s'étend. On ne sait pas que y penser ou oser dire. Qui y a raison ou tort' Qui y meurt et quand' Qui tue qui ' Le flou accentué par l'effet de prisme des propagandes, des haines, des médias, des hoax, internet et l'orientalisme guerrier ou apeuré de l'Occident. Même chez soi: immense déluge de passions et d'affect. Aucun sujet n'échappe à la violence subie ou donnée. Tout est émotion désormais dans le monde « arabe », tout est sujet d'affects. C'est une carte qui bouge et tue et qui hurle. C'est une tempête de sable. Toute idée y a la forme d'une pierre sourde. Tout engagement y est exclusion. Toute solidarité est donnée comme une pensée unique. Dans les sons de l'univers, le monde dit «arabe» doit faire ce bruit rouillé d'une vieille porte qui grince, agitée par des vents violents, ouvrant d'un côté sur le passé étouffant. De l'autre, sur un avenir qui a déjà des vitres cassées.