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Le ministère de la Santé se réapproprie la prérogative


"Cette instruction vise à interdire l'installation des médecins dans les villes qu'ils souhaitent", a accusé le président du Conseil de l'Ordre des médecins.Le ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière vient d'instruire les directions de santé de wilaya (DSP) de ne plus délivrer d'autorisation d'installation en cabinet médical privé sans l'accord préalable de la tutelle. Cette décision est prise au moment où d'aucuns s'attendaient à des propositions de sortie de crise pour le secteur de la santé, marqué par la longue grève des médecins résidents.
"Toute demande d'installation à titre privé de médecin spécialiste est soumise à l'approbation préalable de la Direction générale des services de santé et de la réforme hospitalière. Toute autorisation d'installation non visée par la DGSSRH sera nulle et non avenue", peut-on lire dans l'instruction n°8 du 3 juin 2018. Cet "ordre administratif", visé par le directeur général des services de santé, le Pr Mohamed El-Hadj, a surpris tous les professionnels de la santé, ainsi que les partenaires du ministère.
Cette instruction "surprise", qui durcit davantage les conditions d'installation privée des médecins, signe le retour des procédés bureaucratiques révolus des années 1970, pour paraphraser le Dr Bekkat Berkani Mohamed, président du Conseil de l'Ordre des médecins, qui s'est montré stupéfait par la "nouvelle sortie bureaucratique" du département de Mokhtar Hasbellaoui. Le Conseil de l'Ordre, qui est, de par la loi, un partenaire officiel du système national de santé, n'a pas été destinataire de cette nouvelle "mesure administrative", alors que c'est lui qui délivre le quitus technique à tout médecin spécialiste désirant s'y installer, après avoir rempli un nombre de conditions. "J'ai appris l'existence de cette nouvelle contrainte imposée aux futurs cabinards via des sites électroniques. Le ministère nous a ignorés cette fois-ci, il n'a rien envoyé. Cette instruction porte, en fait, atteinte à la liberté d'installation privée des médecins spécialistes, voire la liberté fondamentale de l'individu garantie par la Constitution." Pour le Conseil de l'Ordre, la promulgation d'une telle instruction signifie que la tutelle de la Santé reprend à son niveau une tâche technique qui n'est pas sienne. "À la faveur de cet avis, le ministère tente maladroitement de contrôler la carte sanitaire. Cette instruction vise à interdire l'installation des médecins dans les villes qu'ils désirent. Cela provoquera un sentiment de frustration. À l'ère de l'économie de marché, on recourt à des procédés des années 1970 où les pouvoirs publics accordaient des mesures incitatives et attribuaient des locaux pour tout spécialiste désirant ouvrir un cabinet médical à l'intérieur du pays. Cette mesure a été abrogée il y a trente ans. Aujourd'hui, le ministère remet sur le tapis une ancienne méthode pour ventiler les médecins à travers le territoire national. Cette instruction n'est pas utile ; à présent, elle est d'une légalité relative. On oblige les spécialistes à aller s'installer dans des endroits qu'ils n'ont pas choisis, ce qui envenimera la situation dans le secteur de la santé qui se débat déjà dans une impasse totale", dénoncera leDr Bekkat.
Pour les observateurs du système national de santé, la nouvelle instruction de Hasbellaoui s'apparente à un cas de numérus clausus puisqu'il n'y aura désormais qu'un nombre restreint de spécialistes qui auront la possibilité "administrative" d'ouvrir un cabinet médical dans une grande ville.
Autrement dit, le nombre de cabinets médicaux qui seront ouverts dans les grandes villes sera fixé par la tutelle. Une telle démarche vient donc à l'opposé des libertés garanties par la loi fondamentale du pays.
Hanafi H.
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