Algérie

Le graphisme au service de la mémoire


Le graphisme au service de la mémoire
Le hasard avait fait que Gaétan Nocq rencontre Alexandre Tikhomiroff autour d'un cor chromatique russe qui avait appartenu à son père, un Russe blanc qui avait fui le bolchévisme russe.Tikhomiroff avait publié Une caserne au soleil - SP 88469 (éditions l'Harmattan 2009). Il montre le livre à Gaétan Nocq qui avait déjà travaillé des graphismes sur le thème de l'exil, notamment pour une exposition au Musée de l'immigration à Paris.Dans l'ouvrage, Tikhomiroff raconte sa découverte et son effroi. D'abord sa «fascination» pour «cette terre inconnue et son éblouissante lumière».Avec un certain désarroi : «Bien que son ?il et son âme soient à même de savourer la beauté des montagnes algériennes, Alexandre peut difficilement fermer les yeux sur ce qui se passe alentour, lui qui est un militant de la paix, plutôt favorable à l'indépendance de ce pays qu'il traverse en treillis militaire», explique l'éditeur de la bande dessinée, La boîte à bulles.Pour déplier le fil de sa mémoire, Tikhomiroff explique comment il avait procédé pour son roman, relisant ces écrits de soldat «au cours de mes 27 mois de guerre d'Algérie.» «J'en ai retiré quelques pages personnelles et inutiles et j'ai ajouté un ??15 ans après''.A travers le dérisoire, l'humour ou le drame, c'est un texte brut, écrit avec le c?ur et les tripes, du récit d'une guerre qui en a tant meurtris». Le dessinateur Nocq, dont c'est la première BD, a saisi tout l'impact des mots.Depuis l'école militaire de Cherchell où Tikhomiroff est basé ou bien stationné dans une exploitation de gros colons où il apprend la haine raciale, Tikhomiroff explose intérieurement.Le dessinateur lui a redonné vie dans ce Soleil brûlant en Algérie. Il écrit : «Je travaillais sur des séries de montagnes désertiques sur différents formats. Alexandre a posé modestement sur la table un petit livre jaune. Une photo centrée en couverture représentait un paysage de montagne de cailloux. ??Voilà une petite chose que j'ai écrite. J'ai fait la guerre d'Algérie''. Je n'avais jamais lu d'ouvrage sur cette guerre encore taboue en France. Ce récit m'a touché par sa sincérité et sa sensibilité. Rapidement j'eus envie de le mettre en image et de le scénariser.»Instantanés qui fondent la foi humaniste du jeune «Tiko»Il faut dire que si le regard porté par l'ancien appelé est d'un grand humanisme, le graphiste a apporté l'émotion de l'indicible, à la pointe d'un crayon tout en finesse. La bande dessinée fait ressentir les silences qui n'ont pas besoin d'expression. La beauté des paysages par exemple que les jeunes hommes découvrent : comment les raconter avec justesse ' Un croquis le peut, comme il peut susciter la puissance narrative de l'Algérie dont la magie a tellement été racontée.Une simple esquisse dessinée fait vibrer le souvenir. Le découpage donne à ressentir l'âme brisée de jeunes soldats à peine sortis de l'adolescence auxquels on confie une arme et qui sont plongés dans un conflit qui ne les regardait pas. Le trouble traverse ces dessins qui relatent l'ordinaire du soldat «Tiko», diminutif de Tikhomiroff, jeune rebelle à ordre établi.Un jeune outré lorsqu'il rencontre des soldats acquis à l'Algérie française, heureux de croiser un insoumis qui va passer en jugement parce qu'il a osé dire son dégoût de cette guerre.Ces tranches de vie encasernée sont des instantanés qui marquent avec le recul ce qui heurte et fonde la prudence du jeune Tiko : dégoût des soldats haineux vis-à-vis des Arabes ; exécutions sans justice ; conciliabules des officiers félons ; traitement de bourgeois pour les haut gradés ; pauvreté des deuxième classe ; dialogue lucide contre le conflit colonial?Contre tout cela, il s'engagera après la «quille». Tiko revient à la vie normale, dans un Paris où au début des années 60' la guerre est présente et oppose ceux qui défendent la liberté algérienne et les autres. Il saura choisir son camp : celui des opprimés.Si le livre ne va pas jusqu'au massacre des Algériens en octobre 1961, ni à la manifestation réprimée en février 1962 (Charonne), il a dépeint les contours.Plus tard, Tiko reviendra avec sa femme et ses deux enfants en Algérie pour voir enfin les ruines de Tipasa devant lesquelles il passait dans les convois militaires sans jamais pouvoir s'y arrêter. Là, il découvre ce lieu de paix dans une Algérie qui a retrouvé le sourire.




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