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Le coût exorbitant du changement climatique



L'association de la migration au changement climatique et les altérations environnementales y résultant ont tendance à s'imposer, ces derniers temps, dans les agendas politiques et économiques mais aussi dans les programmes d'action des organismes, institutions et ONG internationaux en charge des migrants et des réfugiés dans le monde. Et ce n'est pas pour rien.Les vingt dernières années ont connu une hausse spectaculaire de 151% des pertes économiques directes induites par les catastrophes liées au climat, fait ressortir un récent rapport de l'Office des Nations unies pour la réduction des risques de catastrophe (UNISDR), publié récemment.
Pis : ces pertes économiques liées aux désastres climatiques ont atteint plus de 2 245 milliards de dollars, soit 77% des près de 3 000 milliards de dollars, représentant le volume des dégâts enregistrés entre 1998 et 2017.
Par pays, les pertes économiques les plus importantes ont été subies par les Etats-Unis, pour une valeur totale de 944,8 milliards de dollars, suivis de très loin par la Chine (492,2 milliards), le Japon (376,3 milliards). Viennent ensuite, encore plus loin, l'Inde (79,5 milliards) et Porto Rico (71,7 milliards).
Les tempêtes, les inondations et les séismes placent trois pays européens dans le Top 10 des pertes économiques : 57,9 milliards de pertes pour l'Allemagne, 56,6 milliards pour l'Italie et 48,3 milliards pour la France. La Thaïlande avec 52,4 milliards et le Mexique avec 46,5 milliards.
Migration environnementale
En termes de nombre d'événements, précise l'agence onusienne basée à Genève, les catastrophes liées au climat pèsent 91% sur les quelque 7200 principaux événements comptabilisés au cours des 20 dernières années.
Les inondations à 43,4% et les tempêtes avec une fréquence de 28,2% étant les deux catastrophes les plus fréquemment survenues. D'où les proportions, de plus en plus grandissantes, prises par le phénomène de la migration environnementale sous toutes ses formes : interne, régionale ou internationale, temporaire ou permanente, forcée ou volontaire.
Car, contrairement à ce qui se répand universellement, le migrant n'est pas seulement celui qui a fui la guerre, les conflits, la persécution et la misère, mais également celui qui a cherché à échapper aux catastrophes naturelles, à la sécheresse, aux inondations? Le nombre de migrants et réfugiés climatiques pourrait atteindre 250 millions de personnes dans le monde en 2050, pronostiquent les experts des Nations unies.
Leurs appréhensions semblent se justifier, puisqu'il est fait état, pour donner un ordre de grandeur, de quelque 4 millions de réfugiés syriens ayant fui leur pays, en guerre, depuis 2011, contre près de 85 millions de personnes que les prolongements des retombées environnementales des changements climatiques, comme «l'augmentation du niveau de la mer, événements climatiques extrêmes (cyclones, tempêtes), sécheresse ou encore raréfaction de l'eau?», ont poussé à quitter leur lieu de vie.
Et ce sont toujours les pays à bas revenus qui en pâtissent le plus, même si les pays riches sont confrontés à 53% des pertes économiques.
«Les personnes dans les pays pauvres sont six fois plus menacées de perdre leurs biens ou de souffrir de dommages que les personnes dans les pays riches», déplorent les auteurs du rapport onusien. Raison pour laquelle la communauté internationale est invitée à faire en sorte que «la migration procède d' une stratégie d'adaptation au changement climatique».
Il en est de même pour le Conseil économique et social des Nations unies (Ecosoc), qui a la vocation de faire avancer les trois dimensions, économique, sociale et environnementale, du développement durable et qui appelle, quant à lui, à ?uvrer à trouver les moyens de gérer de manière plus efficiente les rapports complexes entre l'évolution du climat, la dégradation de l'environnement et la mobilité humaine.
Les conséquences désastreuses du changement climatique sont bien réelles, se faisant de plus en sentir, particulièrement chez les communautés de continents pauvres, à l'image de l'Afrique subsaharienne, grand pourvoyeur de migrants climatiques. En témoignent, à juste titre, les conclusions d'une récente étude réalisée par Pew Research Center.
Cette étude, ayant ciblé une quarantaine de pays du monde, place le dérèglement climatique à la tête des dangers suscitant la plus grande inquiétude en Afrique subsaharienne en 2017. Au Kenya, par exemple, «76% des personnes sondées estiment que le changement climatique est le plus grand péril qui guette les populations locales, contre 64% en Tanzanie, 59% et en Afrique du Sud, et 49% seulement au Nigeria».
Et pas que : aux yeux des chercheurs de ce think tank américain, si la menace Daech est ce dont l'on se soucie en premier dans 18 pays situés essentiellement en Europe, en Asie, au Moyen-Orient et aux Etats-Unis, la préoccupation prégnante en Afrique subsaharienne serait, en revanche, le changement climatique (62%). D'où les départs et les déplacements internes massifs enregistrés au niveau de cette partie du monde.
Insécurité alimentaire
Autres liens, autres impacts : la mobilité humaine, exacerbée par les désastres climatiques, fait, par ailleurs, payer un lourd tribut à la sécurité alimentaire, à des proportions plus graves dans les pays à bas revenus. Ce qui vient, une fois encore, d'être rappelé par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO).
En effet, tel que souligné dans le rapport «Perspectives de récoltes et situation alimentaire» publié fin septembre dernier, «les chocs climatiques contribuent à aggraver les niveaux d'insécurité alimentaire, déjà élevés, et ce, surtout dans les pays d'Afrique australe et du Proche-Orient, qui ont toujours besoin d'une aide humanitaire».
Dans le même document, où il est fait état d'environ 39 pays, dont 31 en Afrique, ayant besoin d'une aide alimentaire extérieure, la FAO estime que «les conflits prolongés, les événements climatiques extrêmes et les déplacements de populations ont des répercussions extrêmement négatives sur l'accès de millions de personnes vulnérables à la nourriture».
Les productions céréalières en sont parmi les indicateurs clés : «Si les conflits civils et les déplacements de populations demeurent les principales causes de l'insécurité alimentaire en Afrique de l'Est et au Proche-Orient, les conditions climatiques sèches ont contribué à réduire les productions céréalières en Afrique australe.»
Les dernières prévisions onusiennes pour la production céréalière mondiale en 2018 parlent de 2 587 millions de tonnes, soit son plus bas niveau en l'espace de trois ans, et 2,4 % en dessous du niveau record enregistré en 2017.
La production céréalière dans les 52 Pays à faible revenu et déficit vivrier (PFRDV) devrait atteindre l'année en cours quelque 490 millions de tonnes, soit 19 millions de tonnes au-dessus de la moyenne des cinq dernières années, s inquiète la FAO.
C'est dire que si le changement climatique est désormais une certitude mondiale, car de plus en plus visible et perceptible, ses incidences, au plan social, politique et économique, sur la mobilité humaine et le développement demeurent sous-vulgarisées, donc très peu connues et reconnues.
Tenter de les cerner ou de les identifier ne serait qu'une infime partie, du moins en Afrique, région subissant de plein fouet ces incidences, alors que, comme le dit si bien une responsable du Centre de recherche sur l'épidémiologie des désastres (CRED Bruxelles), «elles contribuent le moins aux émissions de gaz à effet de serre», et c'est ce à quoi aspirent, justement, les organisateurs du Forum des femmes journalistes d'Afrique.
En effet, l'opportunité sera offerte, lors de la 2e édition des «Panafricaines», qui se tiendra à Casablanca (Maroc) les 26 et 27 octobre 2018, à pas moins de 200 journalistes issues de 54 pays du continent, dont l'Algérie, de se réunir pour débattre de la problématique «Migrations africaines : une chance pour le continent, une responsabilité pour les médias».
Pertinent l' est à plus d'un titre le choix du thème «Migrations climatiques et sécurité alimentaire», auquel sera dédié l'un des 7 ateliers prévus et dont les travaux constitueront «le socle fondateur d'un plan d'action concret pour placer les questions liées à la migration au c?ur des préoccupations des opinions publiques d Afrique».
Cette tribune casablancaise devrait, ainsi, permettre aux journalistes participantes d'échanger autour de diverses thématiques liées à la migration et d'en partager les expériences en matière de traitement médiatique. Surtout que, «depuis 2010, les mouvements migratoires occupent une large place dans l'actualité mondiale.
Aujourd'hui, l'ONU estime que dans le monde, plus de 258 millions de personnes résident en dehors de leur pays natal, ce qui représente 3,4% de la population mondiale. Que ce soit pour des raisons politiques, économiques ou sociales, près de 66 millions de personnes dans le monde ont quitté leur région ou leur pays pour la seule année 2016.
Parmi cette population, on compte 22,5 millions de refugiés, dont la moitié a moins de 18 ans», rappellent les organisateurs dans un communiqué annonçant l'événement. Dès lors, y est-il relevé, «la question du traitement médiatique des migrations se pose, entre idées reçues, préjugés, biais régionaux, traitements simplistes et déformation de la réalité».
C'est d'ailleurs à cette politique de déformation de la réalité et de banalisation adoptée à l'égard du phénomène de l'exode climatique que l'on semble s'attacher, autant dans les pays en développement que dans ceux industrialisés.
Pourtant, à en croire des estimations concordantes de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), ainsi que du Global Estmates relevant du Conseil norvégien pour les réfugiés, il y a de quoi s'inquiéter : les désastres hydrologiques (inondations) et les catastrophes météorologiques (tempêtes, ouragans, typhons) imputables au changement climatique déplacent, chaque année, plus de 25 millions de personnes (environ une personne par seconde), soit trois fois plus que de personnes déplacées à cause des conflits, d'après.
D'où l'impératif d'y apporter des réponses appropriées concrètes et urgentes, qui consistent notamment à «relier la migration, le développement durable, l' adaptation au changement climatique et la prévention des risques de catastrophes aux fins de venir à bout des difficultés posées par les conséquences de l' évolution du climat sur la mobilité humaine», insistent les trois institutions.
Avec les inondations en cascade ayant ébranlé ces dernières semaines plusieurs wilayas du pays, l'Algérie pourrait devenir aussi un pays émetteur de migrants environnementaux, avec le risque de voir émerger une nouvelle génération de harraga climatiques !!!



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