Algérie

Le «couffin du Ramadhan» : acte de solidarité ou charité mal ordonnée ' ALORS QUE L'ETAT PEINE TOUJOURS À MAÎTRISER LA MERCURIALE



Le «couffin du Ramadhan» : acte de solidarité ou charité mal ordonnée '                                    ALORS QUE L'ETAT PEINE TOUJOURS À MAÎTRISER LA MERCURIALE
Photo : S. Zoheir
Par Younès Djama
Chaque année, l'Algérie recense ses pauvres. Chaque année aussi, des aides leur sont distribuées. Ce qui frappe le plus est cette propension des responsables, en charge de la solidarité, à presque se prévaloir d'offrir «gracieusement» des aides à tout-va tout en feignant d'ignorer que le nombre de «pauvres» dans notre pays augmente de plus en plus. Couffins distribués, familles nécessiteuses recensées, des pères de famille et des veuves venus des mechtas éparses se constituent en d'interminables files devant les sièges des Assemblées élues, quémandant pathétiquement de maigres victuailles promises dans le cadre du désormais traditionnel «couffin du Ramadhan»' des scènes qui se répètent annuellement à l'occasion du mois de carême. Semoule, concentré de tomate, sucre, frik et pâtes, boîtes de lait, en poudre, huile et café sont, entre autres des denrées qui «garnissent» généralement le couffin des «pauvres». «Ça nous aide quelque peu à surmonter la première quinzaine du Ramadhan», entend-on dire chez ces pauvres hères. Officiellement, le «couffin» est destiné aux pauvres, à ceux du filet social, aux familles sans ressources financières, aux orphelins, aux victimes du terrorisme et aux familles nombreuses ayant des ressources insuffisantes. Cependant, il n'y a pas de critères bien définis. En effet, le plus souvent, ce sont les commissions ou les APC - parfois avec la collaboration du Croissant-Rouge - qui les établissent selon les «spécificités» arrêtées, selon la composante des membres de chaque commission. Et dans le lot, des indus-bénéficiaires s'introduisent et emboîtent le pas à ceux qui sont réellement dans le besoin. D'ailleurs, on assiste souvent à des levées de boucliers ponctuées par des sit-in et rassemblements de personnes réellement pauvres réclamant leur «dû». Alors, une question s'impose d'elle-même : qui est pauvre et qui ne l'est pas ' Pour un sociologue, contacté, il y a lieu de distinguer trois catégories de «pauvres» car tout dépend, a-t-il dit, de la manière avec laquelle on évalue la pauvreté. Comme en Algérie, il n'y a pas de «critère crédible» d'évaluation de la pauvreté, il est très difficile, précise notre interlocuteur, d'avancer un chiffre exact des pauvres dont le nombre, dit-on, ne cesse d'augmenter au fil des ans. Selon lui, il y a d'abord ce qu'on appelle «la pauvreté objective» c'est-à-dire celle évaluée sur la base d'indicateurs et de critères performants; ensuite, il y a la «pauvreté perçue», autrement dit celle qui relève de «constats» faits ; enfin, il y a la «pauvreté créée» par les dispositifs d'aide mis en place par l'Etat. C'est en effet à la faveur de ce genre de dispositifs, dont la gestion au niveau des collectivités locales notamment se fait de manière opaque, que des indus-bénéficiaires accaparent des parts d'aides réservées aux plus démunis. Cela alors que ces indus-bénéficiaires ne sont pas réellement dans le besoin et donc ne devraient aucunement être considérés comme pauvres. Ils seraient plusieurs dizaines de faux bénéficiaires inscrits au filet social à avoir été recensés. Ceci a alerté les pouvoirs publics qui ont pris la décision, en 2009, de remplacer les couffins par des chèques. Sans jamais la concrétiser.
Pour une prise en charge effective
Toutefois, certains élus locaux , à l'exemple du P/APC de la commune de Tichy (Béjaïa), préconisent que la prise en charge des nécessiteux durant le mois sacré du ramadhan se fasse à longueur d'année et non pas uniquement durant les occasions religieuses. «Le couffin du Ramadhan demeure dérisoire, il faut plutôt penser à une prise en charge permanente à longueur d'année», préconise Hamid Aïssani. Il assure, au passage, que la commune a recensé pour cette année quelque 150 familles nécessiteuses. Exit les indus-bénéficiaires, assure l'édile. Quant à l'enveloppe allouée, elle est de l'ordre de 50 millions de centimes, à laquelle s'ajoutent les quotas de la DAS (Direction de l'action sociale). L'avis du SG de l'APC d'Alger-Centre contraste avec celui du maire de Tichy. Pour Salah Oubahi, au contraire, l'opération «couffin du Ramadhan» doit être maintenue durant la période du jeûne, sachant que de nombreuses familles vivent sous le seuil de pauvreté. Quant au procédé, le SG de l'APC d'Alger-Centre affirme que ses services prévoient des aides en espèces que les bénéficiaires pourront encaisser au niveau des bureaux de poste. L'aide consiste en bons de 5 000 DA qui bénéficieront à 2 000 familles nécessiteuses. L'enveloppe totale avoisine les 10 millions de dinars. A noter que le fichier des bénéficiaires de l'aide a été assaini, suite à quoi le nombre de nécessiteux a été revu à la baisse, de 3 000 l'an passé à 2 000 pour cette année.
1,3 million de familles nécessiteuses
Cette année, une enveloppe financière de 5 milliards de dinars a été allouée à la Commission nationale interministérielle chargée de la préparation de l'opération «Solidarité-Ramadhan 2012», selon le ministre de la Solidarité nationale et de la Famille, Saïd Barkat. L'opération «Solidarité-Ramadhan» consiste en l'ouverture de centres de l'iftar (rupture du jeûne) et la distribution de kits alimentaires et de repas chauds. Le ministère de la Solidarité nationale est chargé du suivi de l'opération dont la gestion est confiée aux APC, aux assemblées élues et aux Commissions de wilaya installées au niveau local. Le ministre a insisté sur l'apport des bénévoles et des âmes charitables à cette opération, soulignant la nécessité de préserver la dignité des bénéficiaires lors de la distribution des kits alimentaires. S'agissant du nombre de familles nécessiteuses qui bénéficieront de kits alimentaires, Barkat l'a estimé à plus d'un million. Au total, 1,3 million de familles nécessiteuses bénéficieront de kits alimentaires. La valeur de chaque kit alimentaire varie entre 3 500 et 5 000 DA. Il comporte des denrées alimentaires de première nécessité : semoule, farine, sucre, café, riz, légumes secs, huile de table et lait en poudre selon les précisions fournies par Barkat qui n'a pas manqué de relever que dans certaines APC les kits alimentaires seront d'un coût pouvant atteindre les 7 000 DA et plus. La distribution de ces kits s'effectuera deux fois durant le Ramadhan.
Dispositif spécial pour le Ramadhan
Parallèlement au couffin qui ne manquera pas de causer bien des maux de tête, il y a l'absence de régulation du marché. En dépit des dispositifs mis en place et reconduits à chaque occasion, la mercuriale flambe et atteint des cimes durant la période du jeûne. Le ministère du Commerce a, comme chaque année, mis en place un dispositif spécial pour approvisionner et contrôler le marché durant le mois de Ramadhan, marqué généralement par la spéculation et la hausse des prix des produits de large consommation. Une commission mixte regroupant les ministères du Commerce et de l'Agriculture ainsi que les Douanes a été ainsi installée pour la préparation et l'encadrement de l'approvisionnement du marché durant le mois sacré. Pour prévenir une éventuelle pénurie des denrées alimentaires, et notamment la viande, et afin de répondre à la forte demande sur ce produit durant le mois de Ramadhan, le gouvernement a importé environ 10 000 tonnes de viande rouge congelée. Les pouvoirs publics rassurent quant à la disponibilité de la viande durant et après la période précitée avant d'assurer que «le marché sera bien approvisionné» en produits agricoles frais notamment les fruits et légumes, étant donné que le mois sacré coïncidera avec plusieurs productions de saison.
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