Algérie - Revue de Presse

Le commandant Nassim Bernaoui à L’Expression «ce tueur silencieux fait des ravages»



Publié le 04.12.2023 dans le Quotidien l’Expression

«128 personnes sont décédées par asphyxie suite à l'inhalation de monoxyde de carbone (CO) depuis le début de l'année 2023», comme l'affirme dans cet entretien le sous- directeur des statistiques et de l'information auprès de la direction générale de la Protection civile (Dgpc). «La situation est alarmante», souligne le même responsable, qui fait état d'une recrudescence des cas de victimes fauchées par ce gaz inodore et incolore. Le nombre de victimes a dépassé celui enregistré au cours de l'année dernière.
L'Expression: Le mercure continue de chuter et vos derniers bilans liés aux asphyxies causées par le monoxyde de carbone sont alarmants. Pourriez-vous faire un état des lieux?
Commandant Nassim Bernaoui:
Depuis le début de l'année jusqu'à ce jour, on déplore malheureusement le décès de 128 personnes intoxiquées par le monoxyde de carbone et plus de 2 500 autres incommodées et/ou secourues.
Le dernier bilan du week-end affiche deux morts à Batna, il s'agit du deuxième accident au bout d'une semaine, après avoir enregistré trois personnes décédées et plus de 30 personnes sauvées par nos éléments.
Le bilan aurait pu être plus lourd sans l'intervention rapide de vos services. Combien de personnes ont été sauvées?
Le bilan aurait pu être plus lourd, en effet, plus important sans l'intervention rapide de nos agents et à la prise en charge adéquate des victimes. Je tiens à préciser, dans ce sens, que lors de nos dernières interventions, nous avons évité autant de drames. La fréquence des intoxications liées au monoxyde de carbone est inquiétante.
On est arrivé à un nombre important de personnes, heureusement secourues à la fois, cinq, six, sept, jusqu'à huit, majoritairement des membres de la même famille. Je profite de votre question pour dire que la situation est alarmante. Le langage des chiffres démontre une recrudescence des cas de victimes fauchés par ce tueur silencieux, ce gaz inodore et incolore. Le retour du froid est accompagné d'une recrudescence des cas de victimes fauchées par le CO. Nous avons enregistré au cours de l'année 2022, 111 personnes décédées et 2 212 sauvées. Il existe également une hausse en matière d'interventions. Le mois de janvier a été le plus meurtrier au cours de cette année, avec 55 personnes décédées et plus de 10000 secourues.

Les chiffres montrent aussi l'efficacité et le professionnalisme de vos équipes. Que font les pompiers une fois arrivés sur les lieux?
Nous sommes dotés des moyens nécessaires pour accomplir cette tâche. Une fois la présence du gaz de CO confirmée à l'aide de détecteurs de ce gaz, nous procédons à la coupure de la source du danger et mettons le lieu d'intervention et les victimes sous oxygène. Cela fait partie des premiers secours, avant de transporter les victimes jusqu'aux structures hospitalières. Hélas, le monoxyde de carbone continue de faire des ravages; la négligence et l'incompréhension des consignes de sécurité de la part des citoyens compliquent la situation. Je dis incompréhension car ils procèdent à la fermeture totale des domiciles ce qui bloque toute source qui fait entrer de l'air frais et de l'oxygène. Les constats faits sur les lieux des drames incriminent l'absence des aérations et le manque d'entretien des installations de chauffage et chauffe-bains. On trouve très souvent les sorties d'aérations bouchées par des nids d'oiseaux. Le non-recours à des professionnels est également relevé. On s'est arrêté sur des cas où les chauffe-bains étaient installés à l'intérieur des salles de bains; il s'agit là d'une erreur fatale. Nous avons constaté également que certains citoyens enlèvent les thermostats de chauffages pour que ces appareils fonctionnent sans cesse, et c'est inadmissible. Malheureusement, beaucoup d'erreurs sont commises et cela est dû au fait que certaines personnes versent dans le bricolage. Dans ce sens, permettez-moi également de pointer un autre appareil ravageur; la «tabouna». De cette tribune et comme dans toutes nos campagnes de sensibilisations menées, nous ne cessons de souligner qu'il s'agit d'un moyen qui ne doit jamais être utilisé dans un espace fermé.

Mais en dépit de vos campagnes de sensibilisation, le CO continue de tuer. Est-ce lié seulement au prix de la négligence ou bien aussi à l'existence d'appareils défectueux sur le marché, lorsqu'on sait que le ministère du Commerce avait récemment annoncé avoir retiré des marques de détecteurs de CO?
Il est d'abord urgent de rappeler que la vérification de ces appareils-là fait aussi défaut. Toute une famille a été décimée, car les piles de l'appareil installé étaient épuisées. Nous avons constaté dans d'autres cas, que certains citoyens recouvrent ce type d'appareils pour les protéger de la poussière, il s'agit d'une erreur fatale. On salue au passage le ministère du Commerce qui est engagé et ne cesse de lutter contre la multiplication de ces accidents. Je souligne également dans ce registre, le fait que nous avons de très bonnes marques algériennes. Tout est, en effet, contrôlé et tous les appareils sont soumis à l'expertise au niveau des laboratoires donc c'est la vétusté des appareils qui est en cause.

Pour conclure, qu'en est-il de l'opération de doter les habitations de détecteurs de CO? L'instruction présidentielle a-t-elle été suivie?
La décision présidentielle est louable puisqu'il s'agit d'un élément indispensable et clés dans la lutte contre le phénomène ravageur du monoxyde de carbone. C'est la Sonelgaz qu'on salue également, qui s'occupe de la cette mission, et ses services nous ont informé que l'opération est en cours et que cela se fait sur la base de priorités des wilayas où il fait plus froid, et où on enregistre le plus de cas de victimes.
Mohamed AMROUNI

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