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Le colonialisme commençait à inquiéter Jean Jaurès



Le colonialisme commençait à inquiéter Jean Jaurès
En cette année du centenaire de la mort de Jean Jaurès, l'auteur suisse Dominique Ziegler s'est penché, en juillet à Avignon (au théâtre du Chêne noir), sur la vie de l'homme politique, dans la pièce Pourquoi ont-ils tué Jaurès ' , lançant quelques pistes de réflexion sur les étapes charnières de vie, dont son évolution sur la question coloniale.-Comme les autres républicains du XIXe siècle, Jaurès est d'abord exalté par la mission progressiste, voire civilisatrice de la colonisation. Puis son discours change évolue. Dans votre texte, vous parlez du Maroc, mais a-t-il eu des positions particulières sur l'Algérie'Jaurès a d'abord adhéré à une idée pseudo-humaniste de la colonisation qui, selon la formule de Jules Ferry, devait apporter les bienfaits de la civilisation française «aux peuplades inférieures». Son premier rapport à l'Algérie s'inscrit dans cette vision paternaliste et ethnocentrique. A l'occasion des troubles qui suivent l'application du décret Crémieux (NDLR : 1870), Jaurès s'élève contre la différence de traitement faites aux citoyens juifs et musulmans d'Algérie. Il va petit à petit découvrir la richesse de la culture musulmane et être un des rares tribuns de son temps à en faire l'apologie. A partir de1905, il va se focaliser plus spécifiquement sur la question marocaine, source de conflits potentiels entre grandes puissances.Le colonialisme commence à l'inquiéter alors comme facteur de guerre. Le goût de la rapine de la France au Maroc, en Algérie, en Tunisie, lui apparaît alors clairement comme une extension de la logique capitaliste, logique qu'il combat sur sol français. C'est essentiellement la question, plus urgente, selon lui, de la mainmise sur le Maroc, qui lui inspire des prises de position se rapprochant de plus en plus nettement d'une position anticoloniale. Jaurès ne s'est donc pas prononcé de manière explicite sur l'idée d'une décolonisation de l'Algérie, mais il est un des hommes politiques de l'époque dont la position s'avérait la plus éclairée (il faut la restituer dans le contexte) sur la question du colonialisme au Maghreb.-Question avec un «si»: si Jaurès n'avait pas été assassiné, la face du monde en aurait-elle été changée'Quelques heures avant de mourir, Jaurès entamait un article, à paraître dans L'Humanité, qui aurait dû être une sorte de «J'accuse» contre les fauteurs de guerre, pour montrer au peuple quelles étaient les vraies motivations de l'élite derrière le mensonge patriotique. Il tentait aussi d'organiser une grève générale simultanée dans tous les pays pour mettre en échec les «gouvernements du crime», et empêcher le conflit de s'enclencher. Son assassinat a mis un terme à ces efforts pour la paix. Quel aurait été l'impact de l'article sur l'opinion publique française 'La grève générale aurait-elle pu aboutir ' Ces questions restent ouvertes. Mais on peut supposer que l'activisme tous azimuts de Jaurès, même s'il avait survécu, n'aurait sans doute pas suffi à arrêter cette guerre ardemment souhaitée par les grandes puissances mondiales. En revanche, s'il avait été vivant, on peut imaginer que Jaurès se serait joint au congrès de Zimmerwald et aurait continué ses efforts démesurés pour promouvoir la paix : il aurait pu fédérer un nombre important de socialistes français derrière lui. Rappelons que, Jaurès mort, les socialistes français, à l'image de tous les partis socialistes de la planète (à l'exception notable de la fraction bolchévique de Lénine), se rangèrent comme un seul homme derrière la politique belliciste de leur gouvernement.-Des hommes de la trempe de Jaurès peuvent-ils survivre à leur mise en cause du système de l'injustice ' Ne sont-ils pas en vérité voués à la mort, restant dans le c?ur des vivants comme des éclaireurs de l'utopie 'Effectivement, sa mort était inéluctable, comme celle du Che, de Rosa Luxembourg ou de Sankara... Ses analyses et ses combats représentaient un danger trop grand pour la classe dominante. Des appels au meurtre paraissaient régulièrement dans la presse française, signés de grandes plumes (Péguy, Maurras, Daudet). Il était l'homme à abattre. Il était voué au martyr et à éclairer ses descendants de sa vérité posthume.





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