Algérie - Cimetières

LE CIMETIÈRE DE TLEMCEN "SIDI-SENOUCI".



LE CIMETIÈRE DE TLEMCEN
"Sidi-Senouci" est un très vieux cimetière de Tlemcen, haut lieu historique où sont enterrés de nombreuses générations ainsi que des personnalités prestigieuses d'une ville plusieurs fois millénaire, chargée d'évènements d'une extrême importance. Des milliers de Chouhada de la Révolution y sont aussi ensevelis, disséminés un peu partout sur les lieux, autant que possible parmi leurs proches dans leurs carrés respectifs. De tels lieux leur auront même servi de replis et de refuges surtout durant la nuit, juste après leurs opérations de "Fidaï" accomplies en ville (guérilla urbaine) ou avant de rejoindre le maquis parce qu’ils auraient été recherchés par la police coloniale.
A l’époque, il existait même un carré spécifique où se trouvaient enterrés des soldats musulmans "morts pour la France" (1ère et 2ème guerres mondiales), portant sur le haut de la planchette qui leur servait de sépulture des noms singuliers inscrits du genre "SNP" (Sans Nom Patronymique ! Une autre histoire celle-là, des méfaits de la période coloniale visant la dépersonnalisation systématique des Algériens).
En tous cas, Tlemcen compte, en effet, un "magnifique" cimetière, où il fait bon dormir de son dernier sommeil dans un cadre bucolique qui présage déjà (!), quelque peu du Paradis auquel tout être humain aspire de tout son cœur, s’y retrouver. C’est aussi un réel havre de paix et de sérénité, y compris pour les vivants venant rendre visite à leurs défunts.
C’est le cimetière également où sont enterrés plusieurs de nos savants et de nos saints, dont notamment celui de Cheikh Sidi-Senoussi, qui porte d’ailleurs son nom, ainsi que des personnalités historiques tel Messali Hadj, le père du nationalisme algérien.
Le cimetière "Sidi-Senouci" est probablement l'un des plus beaux cimetières d'Algérie, peut-être aussi du monde arabo-musulman. Même le désordre qui y règne parmi les tombes et les sépultures pourrait avoir son propre charme.
Chaque endroit possède son enchantement spécifique, ce qui est valable aussi pour les cimetières, dont celui de Tlemcen qui détient son propre charme tout particulier, de l’avis de beaucoup de gens, notamment de la part d’étrangers venant pour la première fois visiter la ville ou assister à des funérailles.
Toutes les allées, dont l’allée centrale, sont bordées de cyprès plus que centenaires, larges et ombragées donnant une très forte sensation de calme, de sérénité et de paix, nous invitant d’emblée au recueillement et à la méditation.
Il est à préciser que dans le passé, le bout de l’allée principale aménagée en place centrale, servait à célébrer les Salawat spéciales des deux fêtes El-Fitr et El-Adha, qu’on effectuait à ciel ouvert, conformément à la tradition, où chacun ramenait son propre tapis de prière qu’on partageait naturellement avec d’autres en cas de besoin. Ce qui n’était pas un pur hasard d’ailleurs. C’était en effet dans une ambiance toute spécifique que les gens y affluaient de toutes parts de la ville et en même temps l’occasion pour eux d’aller, juste après la prière et le sermon, se recueillir sur leurs morts.
De plus, dès le portail d’entrée, on est frappé par le paysage grandiose offert par la vue de la grande forêt trônant en face, située en hauteur au-dessus de Birouana. Il faut aussi ajouter la présence de verdure partout, presque en toutes saisons, à l’intérieur comme à l’extérieur dans l’ensemble de la périphérie du cimetière. On se sent réellement dans un véritable havre de paix. Ce qui n’est pas toujours le cas partout ailleurs.
Il y a même des arbres fruitiers, plantés par des anonymes, dont des amandiers, des pruniers et des abricotiers qui fleurissent régulièrement au printemps, offrant même ensuite leurs fruits aux visiteurs le moment venu. Pratiquement, toutes les tombes sont aussi fleuries naturellement et soigneusement entretenues par les proches, avec parfois un petit bol d’eau trônant au milieu ou au bout à l’intention des oiseaux.
Si bien, qu’on a parfois la nette sensation, de se retrouver comme dans un jardin public. Ce qui ajoute beaucoup aux charmes multiples des lieux, tout en réduisant le côté mortifère, ce qui n’est probablement nullement interdit, à ce qu’il semble. Du coup, on se prend avec grand plaisir à respirer à pleins poumons l’air frais, sec et sain surtout celui du matin.
Cependant, le grand et permanent problème, toujours récurrent, de ce Haut Lieu chargé d'Histoire de ses Illustres occupants parmi les personnalités renommées de la ville depuis les siècles immémoriaux aux temps contemporains (Messali Hadj), reste et demeure l’absence, presque totale, d' ENTRETIEN des espaces.
Notre cimetière reste, en fait malheureusement, dans un état déplorable de laisser-aller et très mal entretenu ou juste à quelques occasions du genre officiel (!). Il convient pour cet espace sacré, ouvert à de nombreux visiteurs de toutes conditions et de tous âges, d'assurer des travaux réguliers d'entretien constants à longueur d'année et à plein temps.
Un autre phénomène enfin (et non pas le moindre) des plus désagréables, est constaté très souvent, lors en particulier des journées de grande affluence de fête et de recueillement comme les Vendredi, l’Aïd El-Fitr et l’Aïd El-Adha. En effet, les quelques petites voies du cimetière, envahies pour la circonstance, deviennent vite encombrées à outrance surtout par les nombreux (!!!) véhicules automobiles, dont les conducteurs accompagnés souvent de leurs proches, négligent allègrement (!!!) les parkings situés à l’extérieur, semblant mépriser (!!!) de ce fait tous les piétons de tous âges qui ont d’énormes difficultés à se frayer un passage. Le comble, certains conducteurs franchement irrespectueux, aussi bien des morts que des vivants, iront jusqu’à user sans vergogne de leurs klaxons (!!!)…
Des visiteurs ont eu parfois, de ce fait, de sévères altercations avec certains conducteurs qui se permettaient d’exiger de leur céder le passage avec arrogance !!! Le comble dans un cimetière où le moindre des respects doit être d’une rigueur absolue.
Dans ces conditions, il devient franchement très URGENT D’INTERDIRE DÉFINITIVEMENT tout accès et toute circulation automobile à l'intérieur, sauf autorisation spéciale expresse dans des cas très particuliers (cortèges funèbres, ambulances, véhicules d’entretien).
Pour la petite anecdote, j'ai même rencontré un jour, deux Japonais à l'intérieur, assis tranquillement sur un banc, visiblement en train d’apprécier les lieux et de méditer durant un bon moment. Il faut préciser qu'au Japon et selon la tradition religieuse, les morts en général, ne sont pas enterrés mais sont incinérés (brûlés) et les cendres conservées dans un vase chez les proches. C’est ainsi qu’il n’existe donc pas réellement de cimetières, à proprement parlé.
Il est par conséquent plus que nécessaire pour les services publics concernés d'affecter à l'année une équipe de professionnels, de façon permanente, dans la plupart des corps de métiers. On peut citer à ce titre : la maçonnerie pour le façonnage des pierres tombales, la réfection des chemins et des allées, l’émondage et le taillage des arbres, le désherbage surtout, en toutes saisons (certains endroits sont totalement infranchissables), le badigeonnage des trottoirs et des murets d’enceinte, l’abattage d’animaux errants pouvant être dangereux, la surveillance et le gardiennage devant combattre les fréquentations douteuses (débauche, consommation d’alcool et de drogue…), la ferronnerie du pourtour du site...
Une équipe, légère mais polyvalente, pourra même être conçue, par exemple, en micro-Entreprise appelée à fournir aussi des prestations rémunérées à l’extérieur du cimetière, pouvant ainsi s’auto-financer. Et ce, sans compter sur les potentiels bienfaiteurs, toujours disponibles, jaloux de leur vivant pour apporter leurs contributions à l’amélioration de la qualité des sites faisant partie intégrante du patrimoine de leur ville.
Ce qui, malheureusement, n'a jamais été le cas, mises à part quelques rares et tardives interventions ponctuelles, constatées de façon irrégulière, inopportunes et inefficaces et hélas sans lendemain.
C'est vraiment dommage pour ce haut lieu historique qui a souvent l'occasion de recevoir des personnalités de partout, venant se recueillir, poursuivre des recherches menées par des spécialistes multidisciplinaires ou même pour réaliser des documentaires filmés sur de nombreuses personnalités qui y sont enterrées.
Les dégradations sont à un tel point, par ailleurs, que sur d’autres allées du cimetière, il devient impossible de les emprunter par temps de pluie, devenant impraticables parce que inondées, sans issues pour l’évacuation des eaux pluviales et rendues encore plus difficiles par l’accumulation de la boue qui s’y est concentrée abondamment. Un véritable marécage ! Une honte pour ce patrimoine légendaire d’une cité aussi prestigieuse que Tlemcen, ville d’Art et d’Histoire.
En conclusion de cet affligeant aspect de notre cimetière, on peut dire que le seul et unique problème reste celui de l’entretien des lieux qui ont besoin d’être assurés de façon systématique et constante dans un minimum de respect de règles strictes pour le repos des morts et la sécurité des vivants-visiteurs.
Ce qui n'empêche pas de pousser à la prise de conscience générale pour une meilleure prise en charge de ces lieux, tant par les services publics concernés comme de la part des âmes charitables parmi les notables de la ville comme des citoyens pris individuellement, pour enfin redorer un prestige qui n'aurait jamais dû être délaissé.
Pour ma part, j’ai pour habitude de ne rater aucune occasion lors de mon passage à Tlemcen, me faisant un devoir de m’y rendre à chaque fois pour me ressourcer et me recueillir sur les tombes de mes parents et de mes proches, disséminées un peu partout dans ce cimetière. Ce qui me tient vraiment à cœur à titre personnel.
Je quitte l’endroit après chaque visite, mission accomplie, rassuré et en paix avec moi-même, par toutes les raisons citées et aussi peut-être pour des raisons affectives personnelles qui me ramènent loin dans mes souvenirs, d’enfance et d’adolescence, pour ces lieux qui me sont très chers, très proches de mon quartier, celui de "Riat El-hammar" et de mon école primaire "Henri Addès".
Par ailleurs enfin, le souvenir, très personnel parmi les plus forts, qui reste gravé à jamais dans ma mémoire, demeure sans conteste, celui de ce début d’après-midi d’un certain 17 janvier 1956, devant justement la porte d’entrée du cimetière "Sidi-Senouci".
Je revenais en effet de chez moi (Riat-El-Hammar), allant reprendre la classe de CM2 à l’école Henri Addès, je passais devant cette même entrée du cimetière, dont la placette extérieure et tous les alentours étaient noirs de monde. Je tombais alors en pleine effervescence de l’une des premières manifestations révolutionnaires de cette ampleur déclenchée à Tlemcen.
Je ne pouvais pas imaginer à ce moment-là que je devenais, encore enfant, le témoin direct de l’un des évènements historiques de notre Révolution pour Tlemcen, pour la région et le pays. Je peux affirmer aujourd’hui, que la fibre du Nationalisme venait de prendre forme en moi, dans le sillage de mes proches avant, membres fondateurs et actifs du Mouvement nationale, tombés au champ d’honneur pour beaucoup d’entre eux.
Des jeunes gens pour la plupart, à peine mes aînés de quelques années, ne cessaient d’entonner le chant patriotique de "MIN DJIBALINA…" et de scander à gorges déployées : "CRS ASSASSINS - TAHYA AL-DJAZAÏR". Face à eux, les CRS (Corps Républicains de Sécurité), en uniformes noirs, fortement armés et casqués, commençaient à affluer, s’apprêtant à charger à l’aide de grosses matraques tenues fermement dans leurs mains gantés.
La raison en était, en effet, le lâche assassinat, la veille, du Martyr Docteur Benzerdjeb Benaouda, dont on attendait la dépouille qui, à la fin, n’était pas arrivée, sur ordres des forces coloniales pour que "ça ne dégénère pas".
Mais, c’était bien en fait le début de la Révolution urbaine déclenchée à Tlemcen en cette occasion mémorable, suivie par tant d’autres manifestations de rues les jours suivants et par bien d’autres séries d’actions armées de Fida, menées jusqu’à l’Indépendance en dépit de toutes les souffrances et de tous les sacrifices consentis.


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