Algérie

Le cannibalisme expliqué aux poissonniers



Qu?est-ce qui est rose, mou et de la taille d?un doigt ? Ce n?est pas ce à quoi vous pensez, mais qu?est-ce qui court au fond de la mer, n?est vraiment pas beau mais a une excellente chair et coûte autour de 1500 DA le kilo ? C?est la crevette, plat de luxe national, animal parmi les plus chers des animaux algériens, crustacé décapode pour gagnants du libéralisme, royale ou sujette, grillée ou sautée, qui n?est pas un poisson mais se vend chez le poissonnier, signe alimentaire de richesse, cauchemar des familles modestes et objet de guerres cruelles entre les chalutiers de la Méditerranée. Ce n?est pourtant pas un cours sur les ressources de la mer ou sur l?alimentation au pays du pétrole mais sur le fait que la crevette possède un régime alimentaire spécifique ; les crevettes sont nécrophages, c?est-à-dire qu?elles se nourrissent des organismes morts qui reposent au fond de la mer. En novembre 2001, lors des inondations d?Alger, d?énormes crevettes sont apparues peu après. Et pour cause, elles avaient mangé les corps des pauvres victimes rejetées à la mer par les trombes d?eau. Les crevettes algériennes mangent des disparus, les crevettes algériennes mangent des harraga, morts d?avoir essayé d?échapper à un pays où, entre autres, le poisson est si cher et les m?urs aussi serrées qu?un n?ud marin mouillé. Les crevettes algériennes mangent les victimes du terrorisme jetées à la mer, les crevettes algériennes mangent tout, sans distinction de race, de sexe, d?appartenance politique ou d?idéologie. En Algérie, pays où la mort est à chaque tournant, où la mer est à chaque virage, les crevettes ne meurent jamais de faim. Les spécialistes expliquent que c?est pour cette raison qu?elles ont du goût, qu?elles sont aussi bonnes et prisées même en Espagne. On mange nos frères et nos s?urs à 1500 DA le kilo. On s?en lèche même les doigts après.



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