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Laboratoire d'analyse ADN




Laboratoire d'analyse ADN
El Watan Etudiant vous invite à travers ces chroniques scientif iques à pénétrer le monde des Experts de l'INCC. Entre sciences fondamentales et expertise judiciaire la rubrique coté labo fait la part belle à la vulgarisation scientif ique.Sous l'aspect de deux brins enlacés en double hélice, l'ADN renferme plus d'un brin de vérité. Il faut dire qu'en termes d'enquêtes criminelles, à l'Institut de criminalistique et de criminologie (INCC), les témoins les plus éloquents se livrent au département de biologie. A l'INCC, les experts d'analyses ADN figurent parmi les limiers dans les rangs des investigateurs, traqueurs de traces et débroussailleurs des scènes de crime les plus complexes ; ils sont souvent à l'origine de l'élucidation des crimes les plus mystérieux. Forts de détenir les combinaisons de cette «boîte de Pandore» : le génome humain, siège des secrets inaliénables.Support de l'hérédité, la molécule de l'acide désoxyribonucléique (ADN) est présente dans toutes les cellules vivantes, et outre l'information génétique et sa transmission, son observation permet d'identifier chaque individu de manière incontestable par son empreinte unique. En criminalistique, les analystes n'interviennent pas sur le patrimoine héréditaire, contenu dans la partie dite «codante» de l'être vivant car considéré privée. Curieusement ? curiosité scientifique ?, entre 2,5 et 3% seulement de l'ADN est relatif à l'information génétique, le reste, plus de 95% de l'ADN des chromosomes chez l'homme n'a aucune fonction connue. «Justement, ce sont ces épaves flottantes d'ADN égoïste qui intéressent les scientifiques en criminalistique», tient à nous préciser le commandant Boussoufi, biologiste et mastère en criminologie de l'université de Teesside, Royaume-Uni.Le chef du laboratoire de biologie et expert judiciaire perçoit, depuis, sa discipline sous un autre prisme. «Elucider des affaires judiciaires nécessite un savoir pluridisciplinaire, se fier aveuglement à de fastidieux travaux de laboratoire pourrait s'avérer vain, si l'on n'y appliquait pas un discernement cohérent», ajoute l'expert, comme il tient à le rappeler régulièrement à ses collègues en présence des représentants des laboratoires des autres départements. C'est en fait, et pertinemment, lors de ces réunions multidisciplinaires que s'entament les enquêtes scientifiques.«Il s'agit de déterminer une stratégie d'investigation, en envisageant des théories ? à charge ou à décharge ?, nous y étudions, de prime abord, le contexte de l'affaire avec les magistrats pour pouvoir formuler les bonnes questions et déterminer l'apport que pourrait apporter telle ou telle discipline scientifique? Plus en aval, au labo ADN, on en arrive à opérer une sélection parmi les traces biologiques relevées en favorisant les pièces à conviction pour lesquelles il existe une chance majeure de trouver le profil génétique recherché».Le degré d'urgence d'une nouvelle affaire à examiner y est aussi débattu lors de ces meetings, il dépendra souvent de la gravité des outrages infligés aux victimes. «Les crimes de sang, les agressions sexuelles et l'identification des cadavres sont prioritairement pris charge, bien qu'un traitement aussi rigoureux est réservé pour les affaires d'établissement de filiation», nous apprend-il. Bien que l'introduction de la nouvelle technique dite «real time PCR» ? polymerase-chaîne-réaction ? (en temps réel) à permis d'accélérer les processus d'établissement du profil génétique et d'exploiter par sa méthode d'amplification les traces les plus infimes (jusqu'à 1 nanogramme), il reste que ces analyses coûteuses requièrent, pour le reste, un travail fastidieux. Aussi, les experts sont appelés à procéder par un raisonnement logique afin de minimiser les dépenses et maximiser les chances de résultats.Par la foi du sang froidA titre d'exemple, dans l'affaire dite de «l'appartement rouge», où les cadavres d'un avocat et d'un homme d'affaires ont été démembrés, les surfaces de l'habitation étaient tellement profusément maculées de sang qu'il était quasi impossible de pouvoir extraire le profil d'une tierce personne mêlée au patrimoine génétique des victimes. Or, la présence d'esprit d'un expert a permis de repérer des traces de gouttes de sang dans la salle de bain, près du porte-savonnette, le meurtrier y a nettoyé sa propre blessure qu'il s'est infligée en découpant ses victimes.«L'exploitation de l'ensemble des traces biologiques aurait élevé le coût financier de l'affaire à plus d'un million de dinars, mais, judicieusement, la forme de projection des gouttes de sang suspectées nous a rapidement désigné le coupable. Cela a coûté quelques milliers de dinars de matériel consommable seulement», nous apprend le chef du laboratoire. Les enquêteurs avaient mis en garde à vue une dizaine de suspects, la nouvelle piste innocenta d'office ceux qui ne portaient pas de blessures récentes. Le meurtrier était parmi eux ; l'ancien ami intime des deux hommes portait fatalement les stigmates de sa relation dangereuse. La criminalistique n'aurait pas autant de succès sans l'apport du discernement criminologique et un savoir propre aux spécificités ethniques et d'autres considérations sociétales.Démêler l'écheveauDans une autre affaire mystérieuse élucidée par les experts de l'INCC, cette approche non conventionnelle permit de rendre justice à «la mariée coupée d'un arbre» (personne sans filiation), une femme assassinée par son mari dans une bourgade enclavée. Le cadavre, complètement décomposé, ne permettait pas d'identifier la défunte, l'analyse de son ADN non plus en l'absence d'un autre profil de référence, car la pauvre mariée était sans famille, orpheline et sans descendance. Pourtant, les expert ont réussi à confirmer l'identité du cadavre comme étant l'ex-femme du suspect. Ce fut grâce à une confidence d'une vieille femme du village : «Il subsiste de la pauvre orpheline (coupée d'un arbre) ? proverbe arabe ? sa belle mèche de cheveux, nous l'avons enfouie dans un recoin de la masure le jour de son mariage, comme l'exige la tradition».Le témoignage recueilli par une enquêtrice fait mouche. La mèche de cheveux coupée au ciseau est récupérée et examinée minutieusement, à la recherche d'un cheveu avec racine indispensable pour extraire des molécules d'ADN. Sous microscope, on y isola plusieurs cheveux tombés sous la friction du peigne qui la coiffa le jour de son mariage. La juxtaposition de l'ADN confirme une concordance et établit le lien avec le bourreau. Le mari finit par être confondu par une mèche de la coiffe nuptiale qu'il a chérie le jour de ses noces. Cette affaire, qui a requis des compétences pluridisciplinaires constitue un fonds d'instruction pour les nouvelles recrues et dispense un cas d'étude pour l'enseignement. A ce titre, ce genre d'affaire qui fait appel à plusieurs expertises pour reconstituer les motivations et les circonstance des crimes reste fort en enseignements.Morts au parloirC'est ainsi que la criminalistique appelle les morts au parloir. Devant la dégradation des tissus mous du cadavre ? comme le cas de la présente victime ?, qui témoignent de la nature des traumatisme (brûlures ou blessures profondes, contondantes ou abrasives) les ossements du cadavre peuvent également porter les mêmes renseignements, donner une évaluation de la date du décès et déterminer le temps durant lequel les lésions ont été infligées. Les experts y distinguent trois temps ; ante mortem (du vivant de l'individu et les cicatrices, ce qui peut renseigner sur des précédents de maltraitance), post mortem (après la mort, des traces aisément reconnaissables du fait des démembrements fréquents des victimes de meurtre), et enfin péri mortem (éminemment avant et pendant le temps du décès).Ces dernières traces sont identifiables par plusieurs épreuves dont l'exploration par microscopie électronique à balayage et examen des caractéristiques biomécaniques bien définies et propres au processus de guérison ou cicatrisation que déclenche l'organisme suite à un traumatisme et qui ralentit pour s'interrompre, fatalement, après l'avènement de la mort. Tous ces renseignements techniques seront vulgarisés pour être à la portée de l'entendement des magistrats et des juges et autres intervenants profanes. Les rapports finaux doivent être le plus intelligible pour les justiciables afin d'éviter toute méprise.En dépit du poids des considérations morales relatives à l'accablement ou l'élargissement de suspects, les scientifiques restent les moins reprochables en termes d'éthique. «Un expert ne peut qu'adopter une posture extrêmement correcte ; la rigueur scientifique cautionnée par la normalisation des équipements d'analyse, que nous partageons avec nos confrères étrangers garantit de facto l'honnêteté dans nos réponses aux magistrats», nous confie, posément, l'expert.


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