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«La trisomie est vue comme une tare, une honte en Algérie»



«La trisomie est vue comme une tare, une honte en Algérie»
Comment expliquez-vous, en tant que membre de l'association mais aussi mère d'une enfant trisomique, le rejet et la violence que ces enfants subissent 'Ça commence déjà par le mot «mongolien» dont on les qualifie, qui est extrêmement péjoratif et insupportable. J'ai écouté, il n'y a pas si longtemps, de jeunes étudiantes discuter, l'une d'elle a traité sa copine de «mongolienne» parce qu'elle ne comprenait pas sa blague. J'ai été offusquée. Cela révèle le degré de jugement de valeur et d'ignorance qui prévaut. Mais il y a pire. Les médecins eux-mêmes font pire.Je l'ai vécu lors de mon accouchement. Le médecin qui me l'a annoncé m'a dit : «C'est ce à quoi vous pensez.» Je lui ai répondu que je ne pensais à rien. Elle a demandé si j'avais d'autres enfants et s'ils étaient «normaux». J'ai répondu «oui». Elle m'a demandé de m'estimer heureuse d'avoir eu deux enfants normaux. Je venais d'accoucher... Cela en dit long.Quand vous montez dans un taxi et qu'on vous regarde de travers, quand dans une salle d'attente, vous sentez que tout le monde s'éloigne de votre enfant, vous réalisez l'ampleur de la stigmatisation.Ces anecdotes pour dire que la perception que la société a des enfants trisomiques est incroyablement cruelle. C'est une tare : l'enfant est rejeté, isolé et la mère est mal vue.Le sujet devient tabou. Dans l'éducation de la société algérienne, on n'évoque pas ce genre de possibilités (d'avoir un enfant handicapé). Tout simplement parce que cela implique l'échec, et que cela peut justifier un divorce. Le mal est là et c'est une affaire d'ignorance. Très peu de gens savent ce qu'est réellement la trisomie 21.L'ANIT travaille depuis 23 ans pour l'insertion professionnelle des enfants trisomiques. Où en est-on concernant leur scolarisation et leur insertion professionnelle 'L'association effectue un travail colossal mais elle ne peut pas, à elle seule, prendre en charge tous les enfants. Actuellement ANIT a ouvert 50 classes sur 17 wilayas. 620 enfants ont été scolarisés. Nous avons également assuré des formations pour les plus âgés d'entre eux, de 16 à 30 ans (horticulture, recyclage de papier). Nous avons eu des promesses de recrutement pour certains d'entre eux. Mais nous sommes tributaires d'une dérogation que la direction de la fonction publique risque de ne pas nous donner? Depuis la première scolarisation d'un enfant trisomique à nos jours, aucun de ces élèves n'a dépassé le seuil de la cinquième annéeprimaire...Oui, c'est dramatique. Mais vous savez, les scolariser a déjà été une victoire pour nous. Quand on court à gauche et à droite pour scolariser un enfant, on nous dit souvent : «Mais à quoi bon ' Il en fera quoi '»Que ce soit au niveau de l'Education nationale ou de la Solidarité, les deux ministères qui peuvent prendre en charge ces enfants à besoins spécifiques, ou à d'autres institutions, nous sommes découragés de constater qu'ils ne nourrissent pas d'espoir les concernant.Raison pour laquelle, ils ne s'impliquent pas dans leur insertion. L'association ne pourra pas prendre en charge l'enseignement au deuxième cycle. Cela demande des moyens humains et financiers, une organisation importante. L'association ne peut pas tout faire.




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