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La trêve, le temps du scrutin


La trêve, le temps du scrutin
L'omniprésence des brigades antiémeute pour sécuriser les lieux et les images de magasins éventrés et de marchandises calcinées s'offrent toujours au regard des visiteurs.Les électeurs de Ghardaïa ont voté jeudi dans la sérénité. Une journée de scrutin tout à fait ordinaire. Le lendemain, le calme qui caractérise habituellement les vendredis a également prévalu. Durant la matinée, l'annonce des résultats prévisionnels en faveur du candidat Abdelaziz Bouteflika n'a pas suscité beaucoup de commentaires. Si le 4e mandat était prévisible pour certains, c'est par contre le retour à la vie ordinaire après une période de remous qui préoccupe la majorité de la population. Ghardaïa, la chaleur aidant, est devenue ce week-end une ville sans ambiance portant en elle les séquelles des affrontements.L'omniprésence des brigades antiémeute pour sécuriser les lieux et les images de magasins éventrés et de marchandises calcinées s'offrent toujours au regard des visiteurs, mais nettement moins nombreux que d'habitude. Les scènes de désolation concernent autant la vieille ville que les longs boulevards qui longent l'oued et où sont installés les nouveaux commerces, comme les concessionnaires automobiles, lesquels n'ont pas été épargnés. Le tourisme et le commerce seront les activités qui auront du mal à redémarrer, car les pertes sont importantes.«Que voulez-vous qu'on fasse avec 700 000 DA sachant que certains ont perdu des marchandises qui se chiffrent en milliards de centimes '» s'interroge un commerçant au sujet de l'aide prévue par les autorités en concertation avec l'Union générale des commerçants algériens, de la direction de la solidarité nationale ainsi que de la caisse du logement, car les dégâts ont concerné également les habitations. Ceux qui refusent de percevoir cette aide revendiquent par contre le droit de «savoir où sont passées les marchandises volées» et voudraient que la justice établisse «les responsabilités des uns et des autres dans ce qui s'est passé».Le chef de l'exécutif de la wilaya de Ghardaïa, répondant aux questions des journalistes qui l'interrogeaient jeudi à sa sortie du bureau où il a voté ? un établissement scolaire situé non loin du siège de la wilaya ? a estimé à 405 les aides débloquées sur un premier recensement faisant état de 450 cas de dégradations.L'opération, qui se poursuit, va concerner 321 autres locaux dégradés pour lesquels 70 aides ont été débloquées. «L'Etat va faire son devoir», a-t-il promis face à la crise jugée profonde, indiquant que «la loi va être appliquée et que ceux qui se sont rendus responsables de dégradations vont être traduits devant la justice». Ce que rapportent les historiens au sujet de cette région durant les siècles précédant la colonisation, mises à part les tensions entre les Mozabites et les autres communautés dites arabes, a été enregistré à maintes reprises depuis l'indépendance.Dans son ouvrage consacré au cheikh Brahim Benamer Bayoudh, héros réformateur, le docteur Mohamed Salah Nasser a évoqué l'intervention en 1967 (déjà !) du Haut Conseil islamique qui a dépêché certains de ses membres, dont Mehdi Bouabdelli, «pour ramener la paix dans les esprits et éradiquer les séquelles de l'angoisse», note-t-il. A cette époque du parti unique, on avait craint que cela «se propage à l'étranger et s'interprète comme une persécution d'une minorité algérienne appartenant à un rite islamique (ibadite) ancré en terre algérienne depuis 12 siècles». Près d'un demi-siècle plus tard, cette idée de persécution n'a pas totalement disparu, mais aujourd'hui beaucoup ont pris conscience de la nécessité de séparer le religieux du politique et des préoccupations terrestres souvent liées à des intérêts matériels. «Nous n'avons rien à voir avec ce qui s'est passé, car ils nous ont utilisés pour faire passer ces élections», estime un Mozabite qui nous a offert le livre Histoire des Beni M'zab, une étude sociale culturelle et politique de Youcef Benbakir El Hadj Saïd (imprimerie El Arabia, deuxième édition, Ghardaia, 2006) pour une meilleure imprégnation des réalités de la région.«Le conflit tacite qui remonte aux temps anciens existe et c'est une réalité, mais c'est seulement au niveau politique et non religieux et nous savons en Algérie, pour avoir payé un lourd tribut, à quel point cela devient dangereux lorsque la politique se mêle de la religion», ajoute-t-il. Il estime que vu ce qui s'est passé, c'est cette communauté qui a subi le «rouleau compresseur». Au vu des résultats, largement favorables à Bouteflika, il pense que le peuple fait partie intégrante de ce système qui ne va pas fondamentalement changer les choses dans la région. «Le problème n'est pas nouveau, mais cette fois il a pris des proportions inattendues», s'insurge le représentant du Parti des travailleurs à Ghardaïa, lequel pense que ce sont des éléments extérieurs qui ont tenté de déstabiliser la région dans le sillage des révoltes arabes. «Ils ont tenté ailleurs, ça n'a pas marché, et c'est pour cela qu'ils se sont rabattus sur notre région», ajoute cet ancien cadre de l'UGTA, installé à Ghardaïa depuis 1975.«Je suis originaire de Tizi Ouzou, mais mes enfants sont nés ici et je peux vous dire qu'une entente cordiale a très souvent prévalu entre les deux communautés avec même, dans beaucoup de cas, des alliances par mariages réciproques qui ont contribué à façonner une identité commune qu'on tente aujourd'hui de disloquer.» Pour l'actuel responsable de l'UGTA de Ghardaïa, dont les locaux sont demeurés ouverts durant toute la journée de jeudi, «la cohésion des travailleurs est maintenue, mais ce sont les jeunes qu'on a sciemment manipulés pour créer la zizanie et faire en sorte que les communautés s'accusent mutuellement». Les jeunes ont été nettement moins nombreux à se rendre aux urnes, contrairement sans doute aux femmes qui n'ont pas dérogé à la règle.Dans la vieille ville, elles portent encore le voile blanc traditionnel caractéristique de la région et cela ne les empêche pas de s'acquitter de leur devoir électoral. Dans le centre pour femme, Hassiba Ben Bouali, un journaliste homme qui rentre doit être accompagné par le chef du centre qui prévient de la visite. «L'opération de vote se déroule normalement et c'est peut-être un peu mieux que lors des échéances précédentes», indique une fonctionnaire de l'Etat, responsable d'un bureau visité au hasard. Pas plus d'engouement qu'ailleurs, dans les centres pour hommes, mais l'opération s'est déroulée sans heurt et c'était pour eux l'essentiel : voter pour avoir la paix.


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