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"La situation des vieux retraités est catastrophique"




Liberté : Comment décririez-vous la situation actuelle des vieux Algériens qui résident dans les foyers des anciens travailleurs émigrés 'Ali El Bey : C'est un drame. Compte tenu de leur âge, ces personnes doivent être hébergées dans des structures qui s'apparentent à des maisons de retraite et non dans des chambres minuscules dont la superficie varie entre 7 et 11 m2.
Les plus grandes ont une superficie de 17 m2. Dans le foyer Adoma de Gennevilliers, les chambres ont été réaménagées de façon à contenir un coin douche et cuisine. En plus, le règlement locatif rend la situation des résidents encore plus précaire. Les contrats de bail sont renouvelés mensuellement, et cela prive les occupants de plusieurs droits.
À quelle logique obéit cette réglementation '
Elle dénote en tout cas une volonté de fragiliser et de contrôler les retraités étrangers de ces résidences. Cette politique de gestion était déjà en vigueur à l'époque de Sonacotra. Pendant la guerre de Libération nationale, la société avait recruté d'anciens militaires pour administrer les foyers et surveiller les travailleurs algériens. Aujourd'hui encore, une forme de mépris et l'esprit de marginalisation règnent dans les résidences.
En dépit de ces conditions, beaucoup de retraités restent dans les foyers, au lieu de retourner définitivement en Algérie. Pourquoi '
Il y a d'abord l'habitude. Ces personnes qui ont passé parfois trente à quarante ans de leur vie de travail en France et qui retournaient en Algérie uniquement en vacances ont du mal à renouer avec la vie de famille. Certains préfèrent continuer à vivre seuls dans de petites chambres pour fuir les conflits familiaux, surtout avec leurs enfants.
D'autres n'ont plus de parents proches. Mais en règle générale, les retraités algériens restent en France pour pouvoir bénéficier de bons soins médicaux. Beaucoup perçoivent également un complément de retraite dénommée l'Allocation de solidarité pour les personnes âgées, et cela les oblige de résider au moins 6 mois et un jour en France. Cette réglementation est une véritable entrave à la libre circulation des résidents des foyers.
Ces derniers sont contrôlés systématiquement et leurs passeports sont vérifiés de manière régulière pour voir s'ils n'ont pas été absents plus qu'il ne le faut. En cas d'infraction, l'administration n'hésite pas à réaliser des prélèvements sur la pension des concernés. Les sommes peuvent être astronomiques et atteindre des dizaines de milliers d'euros.
Avez-vous une idée du nombre de résidents algériens des foyers pour anciens travailleurs émigrés '
En plus des Algériens, il y a des retraités des autres pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Les autorités évoquent un chiffre global de 25 000, répartis entre plusieurs résidences administrées par des sociétés différentes comme Adoma, Coalia et Adef dans différentes villes de France, comme Lyon, Marseille, Toulouse...
La situation des résidents, des Algériens tout particulièrement, s'est largement dégradée pendant la crise sanitaire de coronavirus. Qu'est-ce qui vous a le plus frappé '
La situation est catastrophique. Beaucoup de personnes âgées ont eu du mal à supporter le premier confinement. Ceux qui ont l'habitude de passer le Ramadhan au pays n'ont pas pu voyager à cause de la fermeture des frontières. Certains ont peur de mourir de la Covid loin de leur famille, surtout que certaines résidences comme Adoma n'ont pris aucune mesure au début de l'épidémie pour protéger les résidents.
Pas de masques, pas de gel hydroalcoolique. J'ai dû intervenir plusieurs fois, notamment auprès de l'Agence régionale de la santé, pour demander que des tests soient réalisés, surtout que des cas de contamination ont été enregistrés parmi les occupants.
Finalement, deux foyers sur six uniquement ont été concernés. Les résidents sont complètement délaissés. C'est un public qui ne vote pas et qui n'intéresse donc personne. Les retraités sont souvent obligés de passer à des actions coup de poing pour faire valoir leurs droits, mais avec l'âge, beaucoup se sont résignés à leur situation.
Que réclamez-vous '
Nous voulons que ces résidents soient traités comme des personnes âgées et vulnérables et reçoivent tout le soutien dont ils ont besoin de la part des services de l'assistance sociale. La règle de résidence obligatoire sur le territoire français pour les petits pensionnaires doit aussi disparaître.
Il faut également que les méthodes de gestion des résidences changent et que les administrateurs n'agissent plus comme bon leur semble, en déplaçant par exemple les boîtes à lettres à l'extérieur des bâtiments et en supprimant des services.

Propos recueillis par : SAMIA L.-K.


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