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La régulation des marchés agricoles internationaux



En 2005, le GREMA (Groupe de recherche et d'échange sur les marchés agricoles) a organisé une série de 3 séminaires1 sur la régulation des marchés agricoles internationaux. Le livre, intitulé " La régulation des marchés agricoles internationaux : un enjeu décisif pour le développement "2 sous la direction de Jean-Marc Boussard (ancien directeur de recherche à l'INRA et économiste au MOMA) et d'Hélène Delorme (chercheur associé au CERI3), a été composé à partir des communications présentées par les 27 auteurs qui en ont rédigé les 17 articles.Le MOMA recommande vivement la lecture de cet ouvrage qui analyse de manière pertinente et à contre courant de la pensée dominante actuelle, la situation de l'agriculture mondiale et les défis qui sont les siens. Il illustre ainsi historiquement l'instabilité structurelle des prix des matières premières agricoles du fait de la présence de facteurs exogènes et endogènes. De même, il montre que la régulation des marchés agricoles suppose une approche concertée au niveau international, qui doit être guidée par des choix stratégiques, géopolitiques et macroéconomiques nationaux et mondiaux. Et, il souligne l'importance d'initier une gouvernance mondiale dans le domaine agricole afin de renouveler le cadre multilatéral que l'OMC ne peut à lui seul représenter.Les experts qui ont participé à l'écriture de cet ouvrage proviennent de différents pays (France, Italie, Allemagne, Brésil, Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni?) et travaillent dans la recherche (CERI-Sciences-Po, CIRAD, INRA), les Universités, la Banque mondiale, les ONG. Deux questions communes unifient leurs analyses : pourquoi la régulation des marchés agricoles internationaux est-elle un enjeu décisif pour le développement et quelles institutions publiques et privées mettre en place pour les stabiliser 'La première partie de l'ouvrage fournit une réponse argumentée à la première question en démontrant que les marchés agricoles sont par nature erratiques. En effet, les fluctuations fortes, irrégulières et persistantes des prix qui s'y observent proviennent en partie de facteurs exogènes aux économies agricoles (aléas climatiques, crises sociales?) mais aussi et surtout de facteurs endogènes (rigidité de la demande, erreurs d'anticipation et stratégies anti-risque des agriculteurs et des autres opérateurs des filières agro-alimentaires), liés au fonctionnement même des marchés. Dans ces conditions, l'ouverture commerciale et le désengagement des Etats mis en ?uvre depuis le début des années 1980 ne peuvent stabiliser les prix. Ils aboutissent au contraire à amplifier et surtout à généraliser les fluctuations comme en témoignent les mouvements des prix agricoles internationaux depuis 1982. Tandis que les booms et les dépressions se succèdent, les amples mouvements de long terme se poursuivent, en baisse pendant la décennie 1990, en hausse depuis le choc pétrolier de 2004 qui donne un coup de fouet aux agro-carburants. Or l'instabilité des prix agricoles internationaux constitue un obstacle majeur au développement. D'abord, elle pèse plus lourdement sur les pays en développement (PED) que sur les pays riches, car la production de matières premières agricoles destinées à l'exportation tient une place plus importante dans leurs économies. Par ailleurs, du fait des prescriptions imposées par les programmes d'ajustement structurel, ces mêmes PED sont plus exposés que les autres à la concurrence mondiale. Mais surtout, l'instabilité des prix agricoles perturbe leur croissance par ses effets directs sur l'agriculture (revenus et investissements) et ses effets indirects sur les variables macro-économiques (équilibre des comptes extérieurs, recettes fiscales, taux de change, taux d'investissement). Ces résultats sont corroborés par ceux du modèle de l'économie mondiale ID3, construit au CIRAD. Contrairement aux modèles standard utilisés par les organismes internationaux, le modèle ID3 a été le premier à prendre en compte les erreurs d'anticipation et les comportements anti-risque des opérateurs, ce qui change complètement les conclusions " idylliques " proposées par les modèles standards. Selon les bailleurs de fonds internationaux (Banque mondiale, FMI), si la libéralisation était menée à son terme, elle devrait permettre à la loi des grands nombres d'annuler les effets de la multitude des " petits " chocs qui déstabilisent un marché mondial fractionné en espaces nationaux plus ou moins fermés. En montrant que la libéralisation n'atténue pas l'instabilité des prix mais la généralise, le modèle ID3 a été le premier du genre à révéler le caractère illusoire de cette hypothèse. Contrairement aux estimations mirifiques promises par les économètres de la Banque mondiale, il faut s'attendre à ce que la libéralisation conduise à des pertes plutôt qu'à des gains de bien-être, en outre très inégalement réparties car les PED seront les grands perdants de cette politique.


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