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La réforme des subventions ne peut plus attendre



Même dans le cas d'une aisance financière, la réforme des subventions s'impose, martèlent les économistes qui estiment que la retarder davantage expose l'Algérie au risque de devoir l'engager plus tard de manière abrupte et coûteuse socialement, en cas de crise budgétaire.La réforme des subventions ne peut plus attendre. C'est du moins l'avis de Mabrouk Aïb, enseignant universitaire et membre du collectif Nabni, qui a présenté, hier, à l'hôtel Sofitel d'Alger, le rapport sur la réforme des subventions, à l'invitation du Cercle d'action et de réflexion autour de l'entreprise (Care). Selon Mabrouk Aïb, la crise budgétaire a mis à nu la non-soutenabilité du modèle actuel des subventions, qui ont atteint 13,6% du produit intérieur brut (PIB) en 2015.
L'inconvénient des subventions actuelles, outre leur poids démesuré dans le budget de l'Etat, est leur inefficacité et les distorsions qu'elles engendrent. Elles sont généralisées. C'est-à-dire qu'elles ne profitent pas spécifiquement aux ménages les plus défavorisés. Les subventions actuelles génèrent également des externalités négatives. Mouloud Hedir, économiste et consultant en commerce extérieur, a, chiffres à l'appui, souligné le caractère antiéconomique des subventions à l'importation de certains produits. "Tous les pays du monde subventionnent leurs économies. Mais ce que nous faisons en Algérie est quasiment unique au monde. Nous subventionnons les importations", a-t-il soutenu.
La subvention à l'importation d'un kilogramme de blé dur livré aux semouleries est estimée à près de 16 DA. "C'est gigantesque", a-t-il lancé. La subvention à l'importation d'un kilogramme de blé varie entre 21 et 12 DA. "Le système de subvention en vigueur, pour le lait et les céréales, est un obstacle rédhibitoire face à l'objectif de sécurité alimentaire poursuivi par les autorités algériennes depuis si longtemps", affirme M. Hedir. Pour les carburants,
l'économiste estime qu'un plein d'essence (50 litres) revient à plus de 5 000 DA pour le budget de l'Etat.
Selon lui, la subvention du carburant engendre une véritable saignée pour les finances de la Sonatrach. M. Hedir a constaté que le marché national des carburants qui connaissait une croissance très rapide jusqu'en 2015, a commencé à se stabiliser avec l'augmentation des prix entamée en 2016. Pour Nabni, même dans le cas d'une aisance financière la réforme des subventions s'impose. La retarder davantage expose l'Algérie au risque de devoir l'engager plus tard de manière abrupte et coûteuse socialement, en cas de crise budgétaire. L'alibi du besoin préalable d'une base d'information de ciblage ne tient pas la route, estime Nabni, qui soumet au débat deux solutions alternatives "permettant de couvrir bien plus largement la population, plus rapidement, avec des risques d'exclusion beaucoup plus faibles des plus démunis". Le think-tank pronostique l'échec du modèle de ciblage que le gouvernement tente de mettre en place. En effet, le gouvernement compte lancer dans une wilaya-pilote le premier programme de transferts monétaires ciblés.
Pour l'application de ce programme, le gouvernement envisage de s'appuyer sur des listes de ménages démunis, établies par des mécanismes administratifs. Cette solution de ciblage administratif sera déployée dans un environnement dépourvu de système d'informations et de statistiques fiables et exhaustifs, "importé de pays beaucoup plus inégalitaires". Forcément, il ne pourra donc couvrir qu'une faible partie des couches sociales démunies, moins de 20% selon ce que démontrent les expériences similaires dans le monde, alors qu'il est impératif de protéger plus largement les franges les plus fragiles ainsi qu'une partie des classes moyennes inférieures.
Les difficultés qui émaillent d'ores et déjà le programme gouvernemental de transferts ciblés augurent de retards inévitables dans sa mise en application. C'est ce contre quoi le collectif Nabni met en garde dans le document intitulé : "Réforme des subventions et transferts monétaires : inventer le modèle algérien de transferts monétaires directs." Nabni propose deux options, peut-être imparfaites en théorie, mais jugées plus efficaces dans la réalité : la distribution d'un revenu universel ou le ciblage des ménages nécessiteux sur une base déclarative.
Meziane Rabhi
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