L’Algérie, carrefour millénaire de cultures et d’échanges, abrite une diversité linguistique exceptionnelle, où chaque langue et dialecte reflète une histoire, une géographie et une identité uniques. Cet article explore en détail les langues et dialectes spécifiques mentionnés, en mettant en lumière leurs caractéristiques linguistiques, leur répartition géographique, leur contexte culturel et leur statut actuel, sans distinction entre familles linguistiques. Chaque langue ou dialecte est présenté avec une attention particulière à ses particularités, offrant ainsi un panorama riche de la mosaïque linguistique algérienne.
Arabe bougiote, Béjaoui ou Tabğawit
L’arabe bougiote, également appelé Béjaoui ou Tabğawit, est un dialecte arabe parlé principalement dans la wilaya de Béjaïa, en Petite Kabylie. Influencé par le kabyle, le turc ottoman et, dans une moindre mesure, le français, ce dialecte se distingue par sa phonétique chantante et ses emprunts lexicaux. Par exemple, des mots comme tay (thé, du turc çay) ou zənǧər (gingembre, influencé par le berbère) sont typiques. Utilisé dans la communication quotidienne, il reflète l’identité métissée de Béjaïa, ancien port méditerranéen et centre intellectuel. Bien que non standardisé, il est vivant dans les chansons populaires, la poésie malhoun et les interactions sociales. Sa proximité avec le kabyle favorise un bilinguisme naturel dans la région.
Chelha des Beni Boussaid
Le Chelha des Beni Boussaid est un dialecte berbère zénète parlé par la tribu des Beni Boussaid, dans la région de Tlemcen, à l’ouest de l’Algérie. Également appelé Tasenwit ou Tasusnit dans certains contextes, il se caractérise par une forte influence de l’arabe andalou, héritage des migrations post-Reconquista. Sa phonologie conserve des traits zénètes, comme l’usage de consonnes emphatiques, et son vocabulaire intègre des termes arabes et espagnols. Ce dialecte est principalement oral, utilisé dans les pratiques communautaires comme les contes et les chants traditionnels. Malgré sa vitalité locale, il est menacé par l’urbanisation et l’absence d’enseignement formel.
Chenouiyen (Tachenwit)
Le Chenouiyen, ou Tachenwit, est une langue berbère zénète parlée dans les wilayas de Tipaza et Chlef, sur le littoral à l’ouest d’Alger. Avec environ 140 000 locuteurs, il est ancré dans les régions montagneuses et côtières, notamment autour de Cherchell et Tenès. Sa grammaire est proche des autres parlers zénètes, avec des traits comme l’absence de certaines spirantes présentes dans le kabyle. Le Chenouiyen est riche en poésie orale et en proverbes, mais son usage décline face à la darija algéroise. Des initiatives communautaires, comme des ateliers culturels, tentent de le revitaliser, mais l’absence de standardisation limite sa transmission.
Korandjé
Le Korandjé est une langue songhaï septentrionale, unique en Algérie, parlée dans l’oasis de Tabelbala, dans le sud-ouest du pays. Avec environ 3 000 locuteurs, elle appartient à la famille nilo-saharienne, distincte des langues afro-asiatiques comme l’arabe ou le berbère. Sa structure agglutinante et son système verbal (perfectif/imperfectif) sont typiquement songhaï, mais plus de 50 % de son lexique provient de l’arabe et du berbère, comme taddart (maison, du berbère) ou salaam (salut, de l’arabe). Menacée d’extinction en raison de sa faible population locutrice et de l’absence de soutien institutionnel, le Korandjé est principalement oral, utilisé dans les interactions communautaires et les récits traditionnels.
Snussi (Tasnusit)
Le Snussi, ou Tasnusit, est un dialecte berbère zénète parlé dans la région de Beni Snous, près de Tlemcen. Proche du Chelha, il se distingue par une forte influence de l’arabe andalou, héritage des réfugiés morisques. Avec environ 10 000 locuteurs, il est utilisé dans les chants, les poèmes et les pratiques religieuses soufies locales. Sa phonologie conserve des traits berbères, comme l’usage de voyelles courtes, mais intègre des emprunts arabes massifs. Le Snussi est menacé par l’urbanisation et la dominance de la darija oranaise, bien que des associations locales promeuvent sa préservation à travers des festivals culturels.
Tachelhit de Boussemghoun
Le Tachelhit de Boussemghoun est un dialecte berbère zénète parlé dans l’oasis de Boussemghoun, dans le Sud oranais. Utilisé par une petite communauté, il partage des traits avec les parlers du Touat et du Gourara, comme une syntaxe sujet-verbe-objet et des emprunts arabes dans le lexique agricole. Ce dialecte est ancré dans les traditions orales, notamment les contes et les chansons pastorales. Son usage est limité par la migration des jeunes vers les villes et l’absence de documentation écrite. Des efforts récents, comme des enregistrements audio par des associations amazighes, visent à préserver ce patrimoine.
Tagargrant
Le Tagargrant est un dialecte berbère zénète parlé dans la région de Ouargla, N’Goussa, Touggourt et l’Oued Righ, principalement dans la vallée du Mzab. Avec environ 200 000 locuteurs, il est proche du Tumzabt (mozabite) et se caractérise par une phonologie conservatrice et un vocabulaire lié à l’économie oasienne (agriculture, irrigation). Utilisé dans les pratiques religieuses ibadites et les échanges communautaires, il bénéficie d’une certaine vitalité grâce à l’organisation sociale mozabite. Toutefois, son enseignement reste limité, et il est concurrencé par la darija saharienne.
Tagouraït
Le Tagouraït est un dialecte berbère zénète, peu documenté, probablement parlé dans les régions du Gourara ou du Touat, dans le sud de l’Algérie. Il partage des caractéristiques avec les parlers sahariens, comme une syntaxe simplifiée et des emprunts arabes dans le domaine commercial. Sa faible visibilité dans les sources suggère une communauté locutrice réduite, concentrée dans des oasis. Les traditions orales, comme les poèmes épiques, sont son principal vecteur, mais il risque de disparaître sans efforts de documentation.
Tamashek, Tamacheq, Tamahaq, Tamajaq ou Tamajaght
Ces termes désignent les variantes de la langue touarègue, un dialecte berbère parlé dans l’extrême sud de l’Algérie, notamment dans le Hoggar, le Tassili n’Ajjer et l’Ahaggar. Localement appelée Tahaggart, elle compte environ 80 000 locuteurs en Algérie. Écrite en alphabet tifinagh, elle se distingue par une grammaire complexe avec des distinctions de genre et de nombre, et un lexique riche en termes liés à la vie nomade (par exemple, aman pour eau). Le Tamashek est utilisé dans la poésie (tindé), les chants et les récits oraux. Malgré son officialisation en 2016, son enseignement reste limité, mais des initiatives culturelles touarègues, comme des festivals, soutiennent sa vitalité.
Tamazight d’Arzew
Le Tamazight d’Arzew est un dialecte berbère zénète parlé dans la région d’Arzew, dans la wilaya d’Oran. Avec une communauté locutrice restreinte, il est influencé par l’arabe oranais et le français colonial. Sa phonologie conserve des traits zénètes, comme l’usage de consonnes fricatives, et son vocabulaire reflète le contexte maritime de la région (termes liés à la pêche). Principalement oral, il est utilisé dans les interactions communautaires, mais son usage décline face à la darija. Des efforts locaux, comme des ateliers d’écriture, tentent de le documenter.
Tamazight de l’Atlas blidéen
Le Tamazight de l’Atlas blidéen est un dialecte berbère zénète parlé dans la région de la Mitidja et l’Atlas blidéen, au sud d’Alger. Avant la colonisation française, il était répandu des deux côtés de l’Atlas tellien. Avec environ 50 000 locuteurs, il est proche du Chenouiyen et du kabyle, mais conserve des traits distincts, comme une simplification des conjugaisons verbales. Utilisé dans la poésie orale et les proverbes, il est menacé par l’urbanisation d’Alger et l’absence d’enseignement formel. Des initiatives associatives promeuvent son usage à travers des publications en ligne.
Tidikelt Ain Salah
Le Tidikelt Ain Salah est un dialecte berbère zénète parlé dans les oasis de Tidikelt et Ain Salah, dans le Sahara algérien. Proche des parlers du Touat, il est utilisé par environ 10 000 locuteurs dans les contextes communautaires et religieux. Son lexique est riche en termes liés à l’agriculture oasienne et à la navigation dans le désert. Menacé par la migration et la dominance de l’arabe, il bénéficie de quelques efforts de préservation par le Haut Commissariat à l’Amazighité, notamment via des dictionnaires locaux.
Zenatiya de l’Ouarsenis
Le Zenatiya de l’Ouarsenis est un dialecte berbère zénète parlé dans la région de l’Ouarsenis, dans l’Atlas tellien. Avec environ 30 000 locuteurs, il se caractérise par une phonologie conservatrice et un vocabulaire influencé par l’arabe rural. Utilisé dans les chansons traditionnelles et les récits oraux, il reflète l’identité des communautés montagnardes. Son usage décline face à la darija et à l’urbanisation, mais des initiatives locales, comme des cours communautaires, cherchent à le maintenir.
Zénète ou Taznant
Le Zénète, ou Taznatit, est un terme générique désignant un ensemble de dialectes berbères parlés dans plusieurs régions, notamment le Touat, le Gourara, Tidikelt et l’Ouarsenis. Ces parlers partagent des traits communs, comme une morphologie verbale complexe et des emprunts arabes dans le lexique quotidien. Avec environ 100 000 locuteurs au total, ils sont utilisés dans les pratiques culturelles, comme les poèmes malhoun et les cérémonies religieuses. Leur diversité interne complique leur standardisation, mais des efforts associatifs visent à les documenter.
Conclusion
La mosaïque linguistique algérienne, incarnée par des langues et dialectes comme le Tabğawit, le Korandjé, le Tamashek ou le Tamazight de l’Atlas blidéen, est un trésor culturel d’une profondeur exceptionnelle. Chaque langue porte une histoire, une géographie et une identité uniques, reflétant la complexité de l’Algérie. Malgré les défis de la modernisation et de l’hégémonie de l’arabe standard, ces langues et dialectes continuent de vivre à travers les pratiques communautaires et les initiatives de préservation. En valorisant cette diversité, l’Algérie peut célébrer son patrimoine linguistique comme un pilier de son identité nationale.
Références :
Langues en Algérie, Wikipédia
Languages of Algeria, Wikipedia
Tamazight de l’Atlas blidéen, Wikipédia
Dictionnaire Français-Arabe (dialecte d’Algérie), Belkassem Ben Sedira
Haut Commissariat à l’Amazighité
Lacroix, Pierre-Francis, Études sur le Korandjé, Cahiers de l’INALCO
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Posté par : patrimoinealgerie
Ecrit par : Hichem BEKHTI