Algérie

La ligne et les frontières


Que se passe-t-il au sommet de l?Etat ? Bouteflika n?a-t-il plus les coudées franches pour consolider le pouvoir unipersonnel qu?il s?est attaché de construire dès sa première investiture et aller ainsi jusqu?au bout de sa logique ? A lire entre les lignes de certains éditoriaux de journaux proches des thèses de la Présidence de la République, il y a comme une remise en cause latente de la « machine bouteflikienne » lancée à la manière d?un bolide, mais qui, aujourd?hui, semble faire quelques ratés. Moins prolixe qu?avant, le premier magistrat lui-même s?est mis dans une position de repli qui laisse la porte ouverte à toutes les spéculations. A vrai dire, les résultats du récent référendum auront été pour le Président très révélateurs sur la marge qui existe entre le discours politique « démagogiquement correcte » et sa perception sentimentale auprès des masses. Tout le monde sait que le score annoncé officiellement est loin de correspondre à l?idée que se fait réellement l?opinion publique du principe de la réconciliation. Quand on demande (on exige presque) aux victimes de pardonner à leurs bourreaux et non le contraire, il y a forcément des réticences qui se manifestent en toute légitimité, et des suspicions qu?il faut savoir décoder. La sanction des urnes, celle qui n?a pas été apparente, a donc été, quoi qu?on dise, implacable, et eut l?effet de remettre paradoxalement les pendules à l?heure. Elle replace surtout le champ d?intervention de Bouteflika dans ses propres limites, institutionnelles et politiques. Favorable à la réhabilitation de tous les islamistes impliqués dans la décennie sanglante qu?a connue l?Algérie, et également au retour du FIS sur la scène politique, bien que ce dossier ait été déclaré clos, le tout sous couvert de l?amnistie générale, le Président éprouve visiblement quelques sérieuses entraves à concrétiser son programme qui va au-delà de la réconciliation. En effet, cette charte que Bouteflika voulait encore, selon toute vraisemblance, plus permissive pour le courant islamiste, n?a pas répondu aux prévisions. D?autres avis appartenant au sérail se sont exprimés pour dire qu?il y a des frontières intangibles que même le Président, avec tout le respect qui est dû à sa fonction, n?a pas le droit de franchir. On saisit dans ce contexte un peu mieux, d?une part, la pression qui est mise par des personnalités politiques comme Ben Bella, Belkhadem ou Mehri pour donner une autre orientation à la charte et répondre ainsi aux v?ux du Président, et le silence incompréhensible, d?autre part, qui entoure l?élaboration des textes d?application du document, un mois et demi après son adoption. A l?évidence, cette temporisation volontaire (ce refus ?) d?accompagner la charte sur la réconciliation par une configuration juridique prouve qu?il y a quelque part désaccord qui n?arrangerait pas les affaires du locataire d?El Mouradia. De là à penser qu?une volonté s?exprime pour contredire les plans du Président, il n?y a qu?un pas que d?aucuns n?hésitent pas à franchir. Dans cet ordre d?idées, on parle d?une certaine remise à niveau de la politique présidentielle. Ce n?est pas sans raison que dans les mêmes éditoriaux cités plus haut on a évoqué la perspective, par exemple, de rappeler les compétences nationales, jusque-là marginalisées, pour des responsabilités au sein des hautes structures (politiques, économiques, administratives) de l?Etat. Le désir du changement est lancé, reste à savoir si au sommet du pouvoir il y a consensus pour le réaliser.
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