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La Libye risque l'éclatement



La Libye risque l'éclatement
La population subit le diktat de seigneurs de la guerre mus par le seul souci de prendre le contrôle des leviers du pouvoir et de s'assurer une part de l'immense rente pétrolière de la Libye.L'horizon s'obscurcit pour la Libye. Le maigre espoir de consécration d'un semblant de légitimité institutionnelle suscité par les élections législatives du 25 juin dernier a vite fait de fondre comme neige au soleil avec les combats fratricides qui opposent, depuis le 16 juillet, des milices rivales à Tripoli et le climat de guerre qui prévaut en Cyrénaïque après l'offensive menée, un mois avant le scrutin, par des fidèles du général Khalifa Haftar et des unités de l'armée libyenne contre de puissantes milices pro-islamistes.Dans le reste du pays, la population subit le diktat de seigneurs de la guerre mus par le seul souci de prendre le contrôle des leviers du pouvoir et de s'assurer une part de l'immense rente pétrolière de la Libye. Le sud du pays, devenu entre-temps un sanctuaire pour groupes terroristes de tout acabit, n'est également pas épargné par les troubles puisque des affrontements qui opposent les Toubous aux tribus arabes locales ont lieu régulièrement. Le pays s'engouffre irrémédiablement dans le chaos. Et rien ne semble pouvoir l'arrêter.La responsabilité de la situation est à imputer en grande partie au Conseil national de transition (CNT) qui a lamentablement échoué à fédérer, au lendemain de l'effondrement du régime de Mouammar El Gueddafi, les Libyens autour d'un projet politique viable. Ses membres étaient bien trop occupés, à l'époque, à se préparer des asiles dorés. La faute incombe bien évidemment aussi aux Occidentaux, qui n'ont rien fait pour favoriser une transition pacifique dans le pays.Leur seul objectif, en 2011, était de régler son compte à El Gueddafi. Les luttes d'influence font aujourd'hui le reste. Face au déchaînement de violence inouï de ces derniers jours, l'annonce faite hier par un député fraîchement élu, évoquant l'installation du nouveau Parlement libyen, samedi prochain à Tobrouk, paraît anecdotique tant plus personne ne semble avoir le pouvoir d'influer sur le cours des événements. Cela ne peut pas être le cas de cette nouvelle Assemblée qui n'a été élue que par 10% des électeurs et ne dispose d'aucun moyen pour imposer un semblant d'ordre. Pour cela, il faudrait déjà que ses membres arrivent à s'entendre sur un smig politique. Ce qui est loin d'être évident. La réalité est que la Libye est aujourd'hui un pays sans Etat, qui va à la dérive.Le conflit s'installe dans la duréeCertains observateurs estiment que l'issue à la crise pourrait provenir du général Khalifa sur lequel une bonne partie du courant dit libéral libyen fonde tous ses espoirs. Pour mémoire, il avait été nommé, après le renversement d'El Gueddafi, chef d'état-major de l'armée, provoquant la colère des islamistes qui le considéraient alors comme «l'homme des Américains». N'étant pas arrivé à unifier les nombreux groupes armés qui refusaient de se placer sous l'autorité de l'armée régulière, il avait fini par créer sa propre force armée. Bien qu'appuyé aussi par des unités de l'armée libyenne naissante, il n'est cependant pas assuré de parvenir à «ramasser le pouvoir» et d'éviter à l'ex-Jamahiriya de connaître le même sort que la Somalie.Pour le moment, on n'a pas l'impression que cet ancien proche du guide libyen déchu est sur le point de gagner la guerre qu'il a déclarée le 16 mai dernier aux groupes islamistes de Benghazi. Des islamistes qu'il qualifie de «terroristes» et qu'il s'est promis d'écraser.Au vu du rapport de force militaire sur le terrain, la victoire des «libéraux» ? si victoire il y a ? ne se dessinera pas facilement ; en témoigne la prise mardi soir, après plusieurs jours de combats, du QG des forces spéciales de Benghazi par le Conseil de choura des révolutionnaires de Benghazi, une coalition de groupes islamistes et djihadistes.Une source militaire a confirmé la chute de la base aux mains de ces groupes ? dont Ançar Al Charia, classé organisation «terroriste» par Washington. Depuis samedi, les combats dans plusieurs secteurs de Benghazi ont fait 90 morts. Et il ne s'agit là que d'un bilan provisoire. A moins d'un miracle, les informations en provenance aussi bien de Tripoli que de Benghazi accréditent toutes l'idée que le conflit complexe qui caractérise la Libye va s'installer dans la durée.Les populations civiles libyennes commencent d'ailleurs à fuir en grand nombre vers la Tunisie. Le gouvernement tunisien, qui redoute de ne pas pouvoir faire face à un important afflux de réfugiés en raison de la précarité de son économie, n'écarte d'ailleurs pas l'idée de fermer sa frontière avec la Libye. Ce constat, extrêmement inquiétant au regard également du nombre impressionnant d'armes de toutes sortes qui y circulent et des rivalités tribales et régionalistes qui s'y expriment, n'a pas échappé aux capitales occidentales. Elles ont toutes pris la décision radicale, cette semaine, de fermer «provisoirement» leurs ambassades et de rapatrier leurs ressortissants.L'Algérie appelle à la mobilisation internationaleL'Algérie qui est située, avec la Tunisie et l'Egypte, en première ligne dans le cas d'un embrasement général, a saisi aussi la gravité de la situation qui risque, si rien n'est fait, de déstabiliser encore davantage la région. Hier, dans une déclaration à la presse, le ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, a d'ailleurs tiré la sonnette d'alarme. Il a appelé l'ensemble de la communauté internationale à se mobiliser face à la détérioration de la situation en Libye et à aider ce pays à «relever tous les défis qui l'assaillent». «Les dures épreuves infligées au peuple libyen frère ces derniers jours, coïncidant avec l'Aïd el fitr el moubarek, assombrissent l'avenir immédiat du pays et inspirent une inquiétude légitime en ce qui concerne les perspectives de sortie de crise rapide à travers l'avènement de la Libye nouvelle, démocratique, en paix avec elle-même que nous appelons de tous nos v?ux», a encore insisté M. Lamamra.Difficile d'être plus clair. Mais là n'est pas vraiment la question. La vraie question est de savoir si l'appel du chef de la diplomatie algérienne sera entendu. Des doutes sérieux subsistent. Même si les Occidentaux font mine de suivre de près la situation et d'être très inquiets, plusieurs indices laissent penser qu'ils ne bougeront pas le petit doigt dans l'immédiat. Rien n'indique en effet que la Libye est pour eux une priorité, surtout que beaucoup d'entre eux sont déjà engagés dans d'autres théâtres de crise. Au besoin, l'argument de la crise économique et des restrictions budgétaires pourrait même être brandi en guise d'excuses.Fatalement, le problème libyen retombera un jour ou l'autre dans les bras de l'Algérie, de l'Egypte et de la Tunisie. Avec le Mali, le Sahel et les menaces auxquelles ces trois pays font face sur leur propre territoire, cela risque de faire beaucoup trop pour eux.


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