Algérie - A la une

La leçon de décembre 1960.



À l’approche du référendum du 8 janvier 1961, prévu par le général de Gaulle en métropole en vue d’évaluer l’adhésion des Français à sa politique algérienne, le chef de l’État français décide de se rendre en Algérie. Qui plus est, les deux communautés, la minorité française et le peuple algérien, sont directement concernées. En fait, entre des Algériens –la totalité ou peu s’en faut –qui se battent pour leurs droits fondamentaux et une minorité qui tente vaille que vaille de perpétuer le système de sujétion, le général de Gaulle a du pain sur la planche.
Mais, pour prendre le pouls et ne pas se contenter des rapports de l’administration coloniale acquise au maintien du statu quo, le général de Gaulle entame son périple algérien le 9 décembre à Ain Temouchent et l’achève le 13 décembre à Batna. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que contrairement aux Algériens qui lui signifient leur désaccord sur certains points, ses compatriotes, les Français d’Algérie, lui réservent –et c’est un euphémisme –un accueil désagréable.
De toute évidence, depuis son discours du 16 septembre 1959 où il évoque, pour la première fois, le droit du peuple algérien à l’autodétermination, le lobby colonial ne cache pas son hostilité, voire sa volonté de provoquer la chute de celui qu’il a aidé à retrouver le pouvoir en juin 1958. En tout cas, bien que le général de Gaulle ne se soit jamais rapproché de ces extrémistes, il a tout de même consacré les deux premières années de son retour au pouvoir à combattre sans vergogne l’organisation indépendantiste, le FLN et son bras armé, l’ALN.
Mais, vers la fin de l’année 1959, les rapports entre le général de Gaulle et le lobby colonial se dégradent. Le rappel du général Massu, en décembre 1959, donne lieu à des manifestations monstres à Alger, appelées « la semaine des barricades ». Enfin, l’appel du général de Gaulle au GPRA, le 14 juin 1960, pour l’ouverture des négociations à Melun et sa déclaration du 4 novembre 1960, selon laquelle l’Algérie algérienne existera un jour, créent un fossé insurmontable entre lui et le lobby colonial. Dans ces conditions, l’épreuve de force est uniment inéluctable.
Cependant, dans cette lutte franco-française sur l’avenir de l’Algérie, le peuple algérien ne veut pas rester à l’écart. Bien que les plaies de la bataille d’Alger soient encore béantes, des citoyens lambda –loin des querelles des chefs basés à l’Extérieur –s’invitent au débat. Dans la réalité, ces nombreux anonymes ont déjoué un piège des services psychologiques de l’armée française. Ces derniers voulaient montrer à l’opinion l’adhésion des Algériens à la politique gaullienne. Or, en 1960, malgré une évolution spectaculaire de la politique du général de Gaulle, plusieurs détails restent ambigus. C’est notamment le cas du statut du Sahara, la création d’une plateforme territoriale pour les Français d’Algérie, etc.
En tout cas, c’est dans ce contexte explosif que le général de Gaulle se rend en Algérie du 9 au 13 décembre 1960. Évitant soigneusement les grandes villes, en l’occurrence Alger et Oran, afin d’éviter de croiser le fer avec les ultras, il opte pour des villes moyennes, telles que Ain Temouchent, Tizi Ouzou, Bejaia, Batna, etc. Ainsi, bien qu’ils ne soient pas hostiles, comme le sont les pieds-noirs à son égard, les Algériens lui signifient qu’ils souhaitent l’indépendance de leur pays. Hélas, si dans ces petites villes les manifestations se terminent sans heurts, il n’en est pas de même des deux grandes villes, Alger et Oran.
En effet, le 11 décembre, dès 9 heures du matin, les Algérois battent le pavé. Ce scénario se répète dans l’ouest du pays. Et quand les militaires s’aperçoivent que le mouvement leur échappe, ils changent ipso facto de stratégie. Ainsi, en début d’après-midi, le général Crépin, le chef des armées en Algérie, donne l’ordre à son armée de tirer sur la foule si elle le juge nécessaire. Résultat des courses : Pour la seule journée du 11 décembre, 55 Algériens perdent la vie. Sur l’ensemble de la visite présidentielle, 112 y perdent la vie contre 5 pieds-noirs. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est cher payé dans la mesure où ils ne sont pas les plus hostiles à la politique du général de Gaulle.
Pour conclure, il va de soi que le peuple algérien n’a pas besoin de tuteur. À chaque période décisive, il a su assumer ses responsabilités. En décembre 1960, au moment où les dirigeants se déchirent sur le contrôle du pouvoir, le peuple algérien joue pleinement son rôle en éclairant le général de Gaulle sur ses desiderata. Hélas, après l’indépendance, les différents responsables se succédant à la tête de l’État le relèguent à l’arrière-plan. Résultat des courses : la lutte pour le maintien au pouvoir immobilise gravement le pays. Et c’est dans ce sens justement qu’une autre leçon de décembre s’impose. C’est-à-dire, imposer un changement pacifique au régime.
Ait Benali Boubekeur



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