Algérie

La langue possède, désormais, un os... en Libye



On peut défendre sa langue avec des armes, avec la langueou avec son économie. Désarmé jusqu'aux molaires, ajusté par les majors dupétrole, mis en liberté conditionnelle par les Américains, invité par Sarkosyqui veut en faire son «puits algérien» à la place de l'Algérie, Kadhafi reste,pourtant, foncièrement fantasque et vient de le dire.Réagissant au refus d'admission en Europe de certainsLibyens porteurs d'un visa Schengen en bonne et due forme, comme son paysl'affirme, il vient de réactiver une loi imposant une traduction en arabe despasseports pour les étrangers qui viennent voir le pays du leader increvable.Brusquement, quelques centaines de voyageurs, dont des Européens, se sont vusrefoulés des aéroports, en ce début de semaine, à cause d'un manque desous-titrage. Dans un monde théorique, éthéré comme un poème d'adolescent,lunaire et sans rapports de force comme un monastère bouddhiste, une telledécision peut, à la limite, être traduite comme un souci de préserver sespalmiers mentaux, ses spécificités sonores et sa carte d'identité là oùl'identité est investie du rôle d'une frontière stricte. Il se trouve,cependant, que ce n'est pas le cas: la Libye, comme le reste des pays arabes,parle arabe mais mange Latin. Et lorsque ce sont les Autres qui vousremplissent la bouche, il est peu probable de préserver la couleur de salangue, sauf entre les repas. Le Pays de Kadhafi a vendu des otages bulgarespour obtenir des armes françaises, a échangé la ligue arabe pour obtenir destribus sub-sahariennes, a échangé deux de ses présumés barbouzes libyens pourobtenir un casier judiciaire apuré, a chassé des Palestiniens pour accueillirdes Tchadiens puis a renvoyé tout le monde pour accueillir des Américains.Aujourd'hui donc, réduit à sa vocation de puits, après une longue histoirerévolutionnaire démodée, il ne lui reste que la langue qu'il défend avec des caprices.Des passeports traduits pour les étrangers étant une version maligne despasseports biométriques que nous imposent l'Occident, Kadhafi ne semble pasavoir trouvé mieux pour continuer la révolution sur le mode du spectaculaire.La langue arabe ayant besoin de brevets de créations pour s'imposer et pas deKadhafi, la nouvelle mesure illustre ce que l'on peut faire d'une languelorsqu'on répète, selon le proverbe, qu'elle n'a pas d'os. C'est-à-dire commenton peut l'utiliser pour le ridicule et pas pour la résurrection et comment onpeut en fabriquer une anecdote et pas un dictionnaire.Le comble dans cette nouvelle histoire nationale libyennereste, cependant, l'argument nationaliste qui a suivi l'étonnement mondial: «laLibye ne renoncera pas à cette exigence et ne fera pas cas des réactionsinternationales à ce sujet», expliquera, à l'AFP, une source officiellelibyenne qui a requis l'anonymat. On se souvient d'avoir ouï la même chose aprèsl'affaire Lockerbie, la nationalisation des hydrocarbures, les unions ratéesavec le premier venu... etc. Kadhafi ne veut pas savoir, qu'après un millénaireau pouvoir, il ne tient plus que par sa langue dont il vient d'en fabriquer uneblague.
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