Algérie - Revue de Presse

La femme et les droits de l?homme en droit algérien (1re partie)




A celle qui vécut privée des délices de l?amour de la science et de la liberté ; à la femme algérienne, je dédie ce livre en hommage et compassion ». C?est ainsi qu?un grand penseur algérien Ahmed Redha Houhou dédicaçait son livre Maa Himar El Hakim dans lequel, sous une forme de dialogue avec un âne, il abordait des problèmes de société où la femme se retrouve toujours au centre du sujet. En dépit du temps passé et de l?indépendance acquise, la condition de la femme algérienne mérite toujours cette dédicace. Des ateliers sont mis sur pied pour réformer un code qui résiste comme un roc à tous les vents des réformes qui ont sifflé sur nos institutions. Tous les tabous sont passés. Le code de la famille résiste en dépit de ses multiples aberrations. Il y a quelques mois une commission a été installée à l?initiative du ministère chargé de la Famille pour le même objectif, elle s?évanouira dans la nature. La ministre chargée du dossier serait entrée en disgrâce emportée dans la division du gouvernement induite par la division du parti FLN. Nous avions écrit en ces temps que le ministère de la Famille n?était pas suffisamment outillé pour une tâche qui revenait en priorité et non en exclusivité au ministère de la Justice. Nous ne prétendons pas avoir été suivis mais il semble que les choses se redressent. Il y a quelques années, des ateliers avaient été organisés à Bouzaréah sous l?égide de Mme Mechernène avec pour objectif la réforme de ce texte sacré entre tous. M. Ouyahia était en ces temps chef du gouvernement. Il vint à la cérémonie de clôture pour déclarer qu?il n?y avait pas de tabous et que rien ne pouvait échapper aux lois de l?évolution. Quelques mois plus tard, à l?approche de l?élection présidentielle, il décida bizarrement de geler le projet pour, avait-il dit, que le dossier ne subisse pas les spéculations électorales. M. Ouyahia est redevenu chef du gouvernement et approximativement cinq années plus tard, il remet ces ateliers. Ne décidera-t-il pas de les geler encore à l?approche de la présidentielle pour que la question ne subisse pas les spéculations. En tout état de cause et quelle que soit la destinée de cette auguste structure exposée aux inconséquences des gouvernements, souhaitons-lui bonne chance en lui proposant notre modeste contribution en égrenant le chapelet des infériorités et injustices subies par la femme algérienne. L?Algérie a ratifié la quasi-totalité des instruments internationaux des droits de l?homme, mais n?a ratifié aucun instrument relatif à la reconnaissance et protection des droits de la femme : 1- La convention sur les droits politiques de la femme (Nations unies-1954). 2- La convention sur la nationalité de la femme mariée (Nations unies1954). 3- La convention sur le consentement au mariage l?âge minimum du mariage (Nations unies 1962). 4- La convention sur toutes les formes de discrimination à l?égard des femme (Nations unies 1979). Elle a par contre ratifié les autres conventions contre les discriminations notamment celles basées sur la race, celle contre l?apartheid dans les sports. Elle a toutefois ratifié, il faut le dire, la convention de l?OIT concernant l?égalité de rémunération entre la main-d??uvre masculine, la main-d??uvre féminine, pour un travail de valeur égale. C?est la seule convention protectrice des droits des femmes que l?Algérie a ratifiée. Elle a finalement ratifié, à une date récente, la convention pour l?élimination de toute forme de discrimination à l?égard des femmes. Cette ratification est révélatrice et insignifiante pour deux raisons : Révélatrice en raison du retard avec lequel elle est survenue, et les circonstances politiques qui l?ont entourée. Insignifiante en raison d?une réserve dont elle est assortie et qui permet le maintien du code de la famille, réceptacle infâme et ignoble de toutes les inégalités des sexes en droit algérien. La ratification d?une convention par un Etat n?est pas en soi une preuve du respect effectif des droits qui y sont reconnus et consacrés les multiples procès intentés devant la Cour européenne des droits de l?homme ainsi que les multiples plaintes portées devant d?autres institutions tels le comité des droits de l?homme des Nations unies sont une preuve de l?écart, hélas parfois très grand entre la ratification qui n?est qu?un engagement, à tenir ou à renier sans le savoir ou en le sachant, et la situation effective et réelle des droits reconnus. Mais si la ratification n?est pas une preuve de respect effectif, la ratification est par contre un refus express de reconnaissance et dont la protection et le respect des droits contenus dans la convention. Il est vrai que certaines recherches et enquêtes menées auprès du ministère des Affaires étrangères ont révélé que certaines absences de ratification ne sont en fait que des omissions commises par les services concernés qui se ravisent le moment venu et mettent en ?uvre la procédure et les formalités nécessaires. Mais cette hypothèse est difficilement défendable en l?occurrence, car l?Algérie a ratifié toutes les conventions relatives aux discriminations, sauf celles basées sur le sexe. Cette abstention semble découler d?une démarche logique et délibérée. Elle corrobore et parachève, semble-t-il, le refus de ratifier toutes les autres conventions protectrices des droits de la femme. La position semble trop cohérente pour être le fait d?une simple négligence, du hasard. Pour une meilleure évaluation et appréciation, scrutons le droit interne pour avoir une idée sur sa conformité avec les principes et règles contenus dans ces convention.  Le code de la famille algérien, adopté en 1984, est une sorte de réceptacle, où se réunissent les plus grandes inégalités et les plus manifestes discriminations subies par la femme dans le droit algérien.  La première inégalité commence lors et dès la conclusion du mariage : Tandis que l?époux peut conclure lui-même son mariage et sans personne interposée, la femme ne peut le conclure que par l?intermédiaire de son tuteur qui peut être soit son père soit l?un de ses proches parents ou le juge pour la femme qui n?en a pas. Afin de pondérer la dépendance de la femme de sa volonté potentiellement arbitraire ou autoritaire de son tuteur, le code de la famille interdit à ce dernier de s?opposer au mariage de la personne placée sous sa tutelle. « Si elle le désire et si celui-ci lui est profitable. » Mais qui peut apprécier le profit que peut tirer une fille du mariage ? La loi interdit aussi au tuteur de s?opposer au mariage. Mais précisons qu?il s?agit là d?une faculté donnée au juge s?il estime que le mariage est profitable à la fille. L?homme se marie et conclut seul et directement son mariage, notons que les usages sans valeur contraignante font que l?homme est aussi représenté par son tuteur. La fille par contre dépend de son côté de son tuteur au mariage ou du juge au pire des cas pour contracter un mariage juridiquement valable. Les m?urs et les règles de la sociologie étant ce qu?elles sont, c?est une grande infamie pour une fille de se marier contre la volonté de sa famille et à la caution du juge qui, somme toute, est une tierce personne. L?homme par contre ne connaît pas ce genre de tracas, le tuteur matrimonial n?étant pas un intermédiaire nécessaire et indispensable. Toutefois, précise le code de la famille, le père peut s?opposer au mariage de sa fille mineure et là aussi, le problème ne se pose pas pour l?homme qui premièrement n?est pas cité dans le texte et deuxièmement ne devient nubile (21 ans) qu?après sa majorité (20 ans). Tandis que la fille est nubile à 18 ans, plus tôt que le garçon, avant d?être majeure, ce qui la met dans l?intervalle de deux ans entre la nubilité et la majorité dans une totale dépendance de la volonté de son père (et/ou) de son tuteur. Curieuse contradiction de la législation algérienne qui considère que la fille est plus précoce que le garçon pour le mariage, mais ne peut jouir des mêmes droits pendant toute sa vie. Les prérogatives et attributions du tuteur lui donnent une nature mitigée et ambiguë, il est plus qu?un mandataire, puisque dans certains cas, peut s?opposer au mariage et donc est doté d?une volonté autonome qui peut parfois s?opposer à celle de l?intéressé (minorité). La pratique révèle aussi que la Fatiha, cérémonie au cours de laquelle l?accord de volonté est conclu entre le tuteur de l?épouse et l?époux ou son tuteur, se déroule en l?absence de la femme. Ainsi l?expression et le respect de sa volonté est tributaire de bonne foi de son tuteur. L?absence du tuteur matrimonial est une cause de nullité du mariage, mais il est permis de dire que le consentement de l?épouse est un élément qui peut être contourné car rien n?oblige l?imam (autorité religieuse sous l?égide de qui la Fatiha se déroule) à s?assurer du consentement de l?épouse. Ainsi peut-on déduire que peu ou pas de garanties sont données pour la protection et l?assurance effective du consentement de la fille au mariage. Il faut signaler qu?après la Fatiha, les époux doivent signer l?acte de mariage à l?état civil et la présence de l?épouse et sa signature sont requises ; mais cet acte n?est pas une condition de validité du mariage, mais un moyen de preuve et le juge peut constater le mariage non signé et non enregistré à l?état civil par la seule réunion de ses éléments constitutifs. En Algérie, beaucoup de mariages coutumiers sans acte d?état civil et donc en possible violation de la volonté de la fille, ont été validés par les juges. Il faut dire aussi que pour ces validations judiciaires les juges peuvent s?enquérir et requérir la volonté de l?épouse, mais ces validations ne sont demandées que des années après le mariage (en général pour la scolarisation des enfants à qui est demandé un acte de naissance) et il est pratiquement impossible à la femme de demander l?annulation d?un mariage avec une nombreuse progéniture comme tel est souvent le cas. La licité ou plutôt la légalité de la polygamie frustre la femme du droit fondamental à la jalousie. Tandis que certains courants doctrinaux de la charia (législation islamique) subordonne le droit de l?époux à la polygamie à certaines conditions, notamment la stérilité de l?épouse ou sa maladie et aussi le consentement de la première épouse. Le code de la famille algérien en fait un droit incontrôlé sous la simple réserve de conditions et intention d?équité qui ne peuvent en pratique être contrôlés qu?a posteriori et non préalablement au mariage. Par ailleurs, il n?est requis de l?époux qu?une formalité préalable consistant en une simple « information » de la ou des premières épouse (s). Au cas où elle(s) ne consentirai(en)t pas à cette rivalité, elles n?aura(ient) que la possibilité de demander le divorce. Il est vrai que la polygamie est parfois la meilleure alternative pour l?épouse que le divorce ou la séparation, le problème est que le code de la famille en fait un droit limité. L?épouse bafouée n?aura qu?à consentir et se soumettre ou partir séduite et abandonnée parfois avec à sa charge une lourde progéniture. La légalité de la polygamie a fait dire à certains juristes que le droit musulman fait de la fidélité une obligation exclusivement féminine. Par ailleurs, le choix qu?on donne à l?épouse d?entériner et d?accepter une vie avec une ou d?autres co-épouses n?est que chimérique. En outre, si elle refuse cette cohabitation, l?époux aura l?issue facile en la rupture du mariage, remède aussi douloureux que le mal. Le divorce est, là aussi, une opportunité où la femme va être confrontée à inégalité manifeste et expresse.  A l?instar de la conclusion du mariage, l?époux et l?épouse se retrouveront à l?occasion de sa rupture dans un statut fondamentalement inégal déséquilibré et inéquitable.  L?époux peut divorcer pour toute raison ou même sans raison, et ce, en exerçant son droit au divorce par la volonté unilatérale euphémisme de la répudiation. L?épouse, quant à elle, ne peut demander le divorce que dans cinq cas limitativement énumérés :  1)- Défaut de paiement de la pension alimentaire prononcée par jugement à moins que l?épouse eut connu l?indigence de son époux au moment du mariage.  2)- Pour infirmité empêchant la réalisation du but visé par le mariage.  3)- Pour refus de l?époux de partager la couche de l?épouse pendant plus de quatre mois.  4)- Condamnation du mari à une peine infamante.  5)- Absence de plus d?un an sans excuse valable ou sans pension d?entretien.  6)- Préjudice légalement reconnu.  7)- Faute immorale gravement répréhensible établie. L?analyse de ces motifs laisse apparaître certaines zones d?ombre et certaines ambiguïtés (exemple : quelle est la faute immorale gravement répréhensible ?) et là une grande marge d?appréciation est laissée au magistrat saisi pour décider si le motif invoqué par l?épouse est acceptable et ouvre droit au divorce ; tel est le cas par exemple de « l?excuse valable » d?une absence qui dépasse une année. En outre, tandis que le mari peut rompre un lien conjugal sans citer de motif à étudier par juge ; le rôle de ce dernier se limitant à un simple enregistrement, l?épouse qui veut se libérer d?un lien conjugal sans qu?elle ait un motif légal : il s?agit du khol? qui consiste en le versement par l?épouse d?une somme d?argent équivalente à la valeur de la dot de parité, en contrepartie de sa libération ; c?est en quelque sorte le « prix de l?affranchissement ». L?époux qui divorce sans torts de l?épouse et sans motif légal ou valable ne sera condamné qu?à lui payer des réparations qui en pratique sont nettement inférieures à la dot de parité qu?aurait payée la femme si la situation s?inversait.(À suivre)

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